Dakar — Plus de deux millions d'électeurs sierra-léonais se rendent aux urnes ce samedi pour un double scrutin présidentiel et législatif qui pourrait bien marquer une rupture définitive avec un passé entâché par une décennie de guerre civile.
Au total sept candidats sont en lice pour la présidentielle, mais les analystes s'accordent à penser que seuls trois d'entre eux ont une chance de l'emporter: Solomon Berewa, Ernest Koroma, et Charles Margai.
Berewa est le candidat du Parti populaire sierra-leonais (SLPP, au pouvoir). Agé de 69 ans, cet ancien ministre de la Justice est depuis 2002 le vice président du pays, un poste qui fait de lui le véritable gestionnaire des affaires de l'État, étant donné qu'il n'existe pas de Premier ministre en Sierra Leone. Il est le successeur désigné du président sortant, Ahmad Tejan Kabbah, à qui la Constitution impose une retraite après deux mandats. Berewa est reconnu par beaucoup comme l'homme qui avait contribué à ramener la paix en Sierra Leone, pour avoir mené avec succès les négociations avec les rebelles du Front révolutionnaire uni (RUF).
Koroma, 53 ans, a quant à lui été investi par le Congrès de tout le peuple (APC), parti au pouvoir en 1968 et en 1992 et au nom duquel il est l'actuel leader de l'opposition parlementaire. Candidat malheureux à la présidentielle de 2002, il rêve de prendre sa revanche et pourrait bien y parvenir. Surtout que le troisième candidat, Charles Margai, tire la majeure partie de son appui des bastions traditionnels du SLPP.
Agé de 61 ans, il est considéré par certains comme la carte qui vient brouiller le jeu. Avocat de carrière, cet ancien ministre du gouvernement Kabbah a tourné le dos au SLPP en 2006 pour former le Mouvement populaire pour le changement démocratique (PMDC). Son oncle Milton et son père Albert ont été respectivement le premier et deuxième Premier ministre du pays. De l'avis de certains, Margai pourrait forcer les deux favoris à un second tour en empêchant Berewa d'atteindre les 55% requis pour une victoire au premier tour.
Des incidents de violence ont été notés vers la fin de la campagne, qui s'est achevée jeudi à minuit.
Quoi qu'il en soit, les analystes s'accordent à penser que chacun des candidats a intérêt à être perçu comme vainqueur d'un scrutin légitime. "Si le scrutin est perçu comme libre et équitable, je pense que le peuple est assez mature pour accepter [le verdict des urnes]", nous a confié Carolyn Norris, de l'ONG International Crisis Group qui analyse les pays en situation d'après-conflit.
Pour elle, le double scrutin de samedi permettra un rajeunissement de la classe politique, vu que de nombreux candidats, notamment aux législatives, n'ont jamais brigué de poste électif.
"Il y a un besoin pressant du rajeunissement de la classe politique, et je pense que cela a déjà commencé", a dit Norris.
Quelle que soit l'issue du double scrutin, les nouveaux gouvernants auront d'énormes défis à relever. La Sierra Leone est le 2e pays le plus pauvre au monde, après le Niger.