Afrique: L'aide est essentielle pour que le continent africain tire avantage du commerce

24 Septembre 2007
tribune

Pour de nombreux pays en développement, le commerce a été un instrument vital pour réduire la pauvreté et élever les niveaux de développement.

Il suffit de prendre l'exemple de la Corée, de la Malaisie, de Singapour et de la Chine pour voir comment le commerce peut contribuer à améliorer les niveaux de vie. Mais nombre d'autres pays en développement n'ont pas encore retiré les mêmes avantages d'un système commercial mondial qui pourrait constituer pour eux une voie importante vers la croissance économique. Cela est dans une large mesure dû au fait que de nombreux pays en développement, surtout d'Afrique, n'ont pas la capacité technique et institutionnelle nécessaire pour s'intégrer effectivement dans le système.

Pour remédier à ce problème, les gouvernements du monde entier mettent en place un partenariat financier spécifiquement destiné à renforcer la capacité commerciale du monde en développement. Du 1er au 3 octobre, la Banque africaine de développement accueillera à Dar?es?Salaam (Tanzanie) des ministres chargés du commerce, des finances et du développement, pour mobiliser le soutien en faveur de l'initiative Aide pour le commerce dans laquelle l'Organisation mondiale du commerce joue un rôle central. La réunion – qui est l'une des trois réunions régionales consacrées à l'Aide pour le commerce prévues cet automne – vise à encourager les pays bénéficiaires à faire du commerce une priorité de développement plus élevée et à encourager les donateurs à accroître l'aide au développement liée au commerce.

L'Aide pour le commerce est nécessaire pour former des responsables du commerce dans les pays en développement de manière à ce qu'ils puissent participer plus effectivement aux activités de l'OMC. Mais elle est nécessaire aussi pour améliorer les infrastructures liées au commerce en Afrique, aider les pays d'Afrique à mettre en œuvre les engagements qu'ils prendront dans le cadre du Cycle de Doha tout en fournissant l'aide à l'ajustement requise pour réformer les régimes commerciaux.

Tous les gouvernements conviennent qu'un programme d'Aide pour le commerce ne saurait se substituer à un accord de Doha ambitieux et axé sur le développement. En réduisant les obstacles au commerce et en abaissant les subventions qui ont des effets de distorsion des échanges, un accord créerait de réelles possibilités pour les entreprises africaines sur le marché mondial. Cependant, pour que les entrepreneurs tirent parti de ces possibilités, ils auront besoin d'aide. Les échanges se développent en Afrique – le commerce est près de cinq fois plus important qu'il ne l'était il y a 20 ans et les exportations ont augmenté au rythme de 15 pour cent par an depuis 2000 – mais la part du continent dans les échanges mondiaux reste à la traîne. En 1950, la part de l'Afrique était de 10 pour cent alors qu'aujourd'hui elle s'établit à moins de 3 pour cent. Les exportations de biens et de services étant 20 fois plus importantes qu'elles ne l'étaient en 1950, s'établissant à 14 000 milliards, un retour à une part de marché de 10 pour cent signifierait une énorme expansion des ressources. Mais cela n'ira pas sans effort et sans argent.

Deux façons d'améliorer les résultats du commerce africain consisteraient à agir au niveau des infrastructures et des procédures douanières. L'Afrique pâtit du sous-développement de ses systèmes routiers, portuaires et ferroviaires et de ses télécommunications. Le coût de la connectivité téléphonique y est plus élevé que partout ailleurs. Les coûts du transport en pourcentage de la valeur totale des importations y atteignent 13 pour cent contre 8,8 pour cent pour les autres pays en développement et 5,2 pour cent pour les pays industriels. Au Kenya, l'importation d'un conteneur revient en moyenne à près de 2 500 dollars, soit cinq fois plus qu'à Singapour. Le coût de revient au kilomètre de l'utilisation d'une remorque à double essieu en Tanzanie est deux fois et demie ce qu'il est en Indonésie ou au Pakistan.

Remédier à ces carences des infrastructures n'ira pas sans coût mais les avantages potentiels sont immenses. La Banque mondiale estime que la construction de routes reliant les capitales et les grandes villes d'Afrique reviendrait à 20 milliards de dollars et à 1 milliard de dollars par an pour l'entretien. Mais elle estime aussi que de telles améliorations infrastructurelles pourraient se traduire par un accroissement des échanges équivalant à 250 milliards de dollars EU dans les 15 ans à venir, dont les principaux bénéficiaires seraient les populations pauvres des zones rurales.

D'autres programmes de renforcement des capacités moins onéreux se traduiraient par des gains également importants. Une transaction douanière moyenne en Afrique nécessite l'intervention de 20 à 30 parties différentes, 40 documents et 200 données. Le résultat est que les procédures douanières en Afrique durent en moyenne 11,3 jours contre 7,2 jours en Amérique latine et 5,5 jours en Asie. C'est important parce qu'il y a une corrélation directe entre ces délais et le volume des échanges d'un pays. L'OCDE estime que le fait de ramener ces délais à 6 jours pourrait entraîner une augmentation de 10 pour cent des exportations africaines.

Un accord sur la facilitation des échanges découlant du Cycle de Doha serait avantageux car il permettrait de rationaliser les procédures douanières mondiales mais les gouvernements africains auront besoin de fonds pour former des agents des douanes et informatiser les opérations. L'Aide pour le commerce peut aussi permettre aux exportateurs africains de mieux se conformer aux normes de qualité et de sécurité prescrites par les gouvernements et consommateurs des pays industriels. Des investissements relativement modestes pouvant aider les gouvernements à satisfaire aux prescriptions sanitaires et phytosanitaires concernant les produits halieutiques ou horticoles ou permettant de trouver des partenaires étrangers pour les entreprises locales peuvent aussi donner des résultats économiques importants.

En même temps, il est impératif d'améliorer la productivité et la compétitivité, particulièrement dans le secteur privé. Cela dérive du constat, de plus en plus clair et évident, que le moteur des économies africaines sera à l'avenir le secteur privé, comme d'autres continents en ont déjà donné l'exemple. C'est là où la richesse se crée et que l'on éradiquera, au bout du compte, la pauvreté. Nous devrions concentrer nos efforts en mobilisant des ressources pour le continent à travers le mécanisme de l'Aide pour le commerce.

Le soutien financier des organisations internationales et des donateurs bilatéraux est nécessaire pour que tout cela se concrétise. La bonne nouvelle est que ces donateurs ont manifesté un réel engagement en faveur de ce processus. Des banques de développement comme la Banque africaine de développement et la Banque mondiale ont intégré le commerce dans leurs stratégies de réduction de la pauvreté.

Les problèmes économiques que connaît l'Afrique sont divers et complexes. Il faudra pour y remédier un degré élevé de détermination et d'engagement de la part de tous. Mais ces efforts sont essentiels si l'on veut que l'Afrique cesse d'être en marge et trouve sa place dans l'économie mondiale.

Pascal Lamy est Directeur général de l'Organisation mondiale du commerce.

Donald Kaberuka est Président de la Banque africaine de développement.

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