Afrique: L'ancien président sénégalais Abdou Diouf appelle à revoir les approches africaines de l'intégration régionale

Tunis — - L'ancien président sénégalais, M. Abdou Diouf, a appelé jeudi les États africains à déléguer plus de pouvoir aux organisations régionales du continent pour les aider à assurer le succès de l'intégration régionale en Afrique.

« Il ne peut y avoir d'intégration réussie sans volonté véritable de confier à des autorités supranationales la gestion de certains dossiers », a déclaré M. Diouf à Tunis devant un parterre d'ambassadeurs et d'experts en développement réunis à l'agence temporaire de relocalisation de la Banque africaine de développement.

Dans son discours d'ouverture à un séminaire sur l'amélioration des perspectives de l'Afrique dans le cadre de la mondialisation à travers l'intégration régionale, M. Diouf a estimé que certains États africains étaient réticents à céder l'autorité nécessaire aux organisations régionales devant leur permettre d'assurer le succès des efforts du continent visant l'intégration économique.

Cela s'est traduit par des progrès mitigés dans plusieurs initiatives économiques régionales, dont le Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique.

« L'Afrique ne réussira pas si chaque État, souvent fruit de conjonctures [subies] sans racine profonde, se replie sur un héritage fallacieux et se marginalise sous couleur de souveraineté », a déploré M. Diouf, avec cette mise en garde : « Tant que certains n'auront pas admis que l'accroissement de la souveraineté passe par le partage de la souveraineté, toute velléité d'intégration régionale sera condamnée à stagner. »

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M. Diouf estime que l'Afrique a encore plus besoin aujourd'hui que jamais par le passé de l'intégration régionale. Cela, a-t-il prédit, permettrait d'atténuer la fuite des cerveaux vers le Nord et d'autres difficultés économiques en Afrique.

Citant un rapport de la CNUCED sur les pays les moins avancés, M. Diouf a rappelé que la Somalie, la Gambie et le Cap-Vert ont perdu, ces dernières années, plus de la moitié de leurs spécialistes ayant reçu une formation universitaire au profit des pays industrialisés. Dans le même temps, l'Erythrée, le Mozambique, la Sierra Leone, le Libéria, Madagascar, Sao-Tomé et Principe et la Guinée équatoriale ont vu plus du tiers de leur personnel qualifié quitter le pays.

« Cette fuite des cerveaux a bien évidemment des répercussions majeures sur la mise à niveau des structures de production, l'accroissement des exportations, la modernisation des entreprises nationales et l'amélioration de la santé et de l'éducation », a-t-il analysé.

La fuite des cerveaux africains pourrait être en partie résolue, a-t-il préconisé, si l'on accordait aux Africains une plus grande liberté de mouvement sur le continent.

Cela contribuerait, opine M. Diouf, à arrêter l'hémorragie de lÂ'expertise africaine vers le nord, de compenser le manque de compétences sur le continent à générer plus de richesse.

« En accroissant le commerce intrarégional, et de ce fait la taille du marché accessible sans contrainte, les regroupements régionaux pourraient offrir une triple perspective dÂ'évolution : en améliorant l'attractivité des pays membres pour les investisseurs extérieurs ; en facilitant les spécialisations et l'acquisition d'avantages comparatifs ; en offrant une approche globale d'un des principaux problèmes actuels pour les produits des pays les plus pauvres, la question de la traçabilité, des normes et des obstacles non tarifaires », a-t-il plaidé.

Il a appelé, à la faveur du nouveau contexte mondial, les Nations Unies et le Fonds monétaire international à réinventer leur légitimité et à reconstruire des espaces de négociation adaptés aux nouveaux problèmes liés aux biens publics mondiaux.

M. Diouf a regretté que l'Afrique qui abrite 10% de la population mondiale, qui s'impose comme le troisième continent en termes de superficie, demeure en marge de la mondialisation. Son poids relatif dans le commerce et les investissements mondiaux a même accusé un recul depuis les trente dernières années. La part de l'Afrique en matière d'exportations mondiales, a-t-il poursuivi, est ainsi tombée de 3,5% en 1970 à moins de 2% aujourd'hui.

L'intervention de M. Diouf s'inscrit dans le cadre du programme des éminents conférenciers de la Bad.

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