Congo-Kinshasa: Amnesty accuse les forces de sécurité de graves violations des droits de l'homme

25 Octobre 2007

Dakar — 24 heures avant la rencontre du président congolais Joseph Kabila avec son homologue américain George Bush, un rapport d'Amnesty International accuse les forces de sécurité de « graves violations des droits de l'homme » en RDC.

Rendu public jeudi, ce rapport de 42 pages documente en détail les exactions commises par deux services de sécurité de la RDC, à savoir la Direction des Renseignements Généraux et Services Spéciaux de la police (DRGS) et la Garde Républicaine (GR).

Amnesty conclut en ces termes : « Loin de protéger le peuple de la RDC, les forces de sécurité sont plutôt des agents de torture et de la mort ».

Le rapport fait état d'arrestations arbitraires à caractère politico-ethnique visant les ressortissants de la province de l'Équateur (nord-ouest) et plus particulièrement les Ngbaka, groupe auquel appartient l'ancien vice-président Jean Pierre Bemba, principal challenger de Kabila lors de la présidentielle de 2006, et désormais en exil au Portugal.

À titre d'exemple, Amnesty cite le cas de Me Marie-Thérèse Nlandu, une « prisonnière de conscience » dont les déboires avaient défrayé la chronique à Kinshasa. Candidate malheureuse au premier tour de la présidentielle, cette avocate de carrière décide de soutenir Bemba au second tour, allant jusqu'à le représenter le 21 novembre 2006 à la Cour Suprême de Justice lors de la contestation des résultats publiés par la Commission électorale. Ce jour-là des manifestants se réclamant de Bemba mettent le feu au bâtiment abritant la Cour, et Me Nlandu est arrêtée par la DRGS puis accusée d'avoir orchestré la manifestation. Son procès tire en longueur alors qu'elle est détenue dans de mauvaises conditions pendant de longs mois, pour au final être acquittée et remise en liberté le 30 avril 2007.

Amnesty revient aussi sur la tragédie du Bas Congo (ouest), où environ une centaine de personnes non armées avaient été tuées le 1er février 2007 par l'armée et la police lors d'une manifestation du groupe politico-religieux Bunda Dia Kongo (BDK) qui visait à dénoncer la fraude dans les élections provinciales. « À ce jour, aucun membre des forces de sécurité n'a été trainé en justice pour les violations des droits de l'homme commises lors de ces événements », accuse le rapport.

Les membres des médias ne sont pas à l'abri des exécutions sommaires, comme en témoigne entre autres le cas de Serge Maheshe, journaliste à Radio Okapi, assassiné en juin 2006 à Bukavu. Un autre confrère, Patrick Kikuku Ilungula, photographe à l'Agence congolaise de presse (ACP), est abattu à Goma (est) en août dernier. Les explications officielles de leur mort demeurent insatisfaisantes, selon Amnesty.

C'est donc contre cette situation d'impunité que s'insurge l'ONG, qui appelle le gouvernement congolais à réformer les services de sécurité. Au premier rang de ses recommandations, Amnesty invite le gouvernement à mettre les hommes en armes sous le contrôle des autorités civiles, tout en notant que dans l'état actuel des choses, certaines unités sont loyales à certaines personnalités, qui bien souvent les utilisent pour commanditer des chasses aux sorcières à des fins politiques.

L'ONG conseille aussi que les centres de détention tels que celui de Kin-Mazière dans la capitale soient ouverts aux enquêteurs de l'Onu, aux journalistes, et ainsi qu'aux ONG des droits de l'homme.

D'après Erwin van der Borght, directeur de la région Afrique d'Amnesty, « la communauté internationale doit veiller à ce que le gouvernement de la RDC entreprenne des actes robustes pour mettre fin à l'impunité et poursuivre en justice les coupables ».

Selon le journal La Prospérité basé à Kinshasa, le président Kabila devrait procéder à un remaniement ministériel à son retour de Washington afin de se débarrasser des « bois morts » qui empêchent au pays de décoller, pour les remplacer par des « vertébrés » capables de lancer le renouveau dont le peuple a tant besoin.

Reste à savoir si des têtes vont tomber dans l'espace militaro-sécuritaire.

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