Sénégal: Journée sans presse très suivie

21 Juillet 2008

Dakar — Les médias sénégalais dans leur lutte contre l'agression de deux journalistes ont décrété cette journée du lundi comme une « journée sans presse ». Un mouvement du reste très suivie sur l'ensemble du territoire national.

Les populations sénégalaises n'ont pas eu droit aujourd'hui aux informations en raison de la journée sans presse observée dans tout le pays pour dénoncer la bavure policière dont avaient été victimes le mois dernier les journalistes Boubacar Kambel Dieng et Karamokho Thioune.

Malgré l'ouverture d'une l'enquête par les autorités judiciaires, le comité de défense des journalistes avait décidé de passer à la vitesse supérieure après la marche de protestation d'il y a deux semaines à travers certaines artères de Dakar, la capitale sénégalaise. Il s'agissait pour les journalistes d'apporter une réponse à la sortie maladroite du ministre de l'intérieur qui avait été interpretée comme une tentative de protéger les auteurs de la bavure sur Kambel et Kara.

Pas un seul vendeur dans la rue

Les abords du « feu rouge Bourguiba », d'habitude pris d'assaut de très bonne heure par les vendeurs de journaux, paraissent vides aux yeux des habitués ce matin, alors que tous les jours de la semaine, dès les premières lueurs du jour, des jeunes proposent les quotidiens aux usagers de la route se rendant au travail. Ils ont aujourd'hui décidé, en guise de soutien au combat des journalistes, de ne pas vendre de journaux pour signifier leur participation à la journée sans presse.

Samba Ly, un jeune vendeur qui exerce ce métiers depuis plusieurs années a quand même tenu à être sur les lieux de son travail pour dit-il « vérifier ses mes autres collègues ont respecté notre mot d'ordre de ne pas vendre de journaux aujourd'hui. Nous arrivons à exercer ce métier parce que les journalistes produisent les journaux donc nous leur devons notre existence professionnelle et c'est la raison pour laquelle nous sommes solidaires de leur combat ».

Amadou, son acolyte de tous les jours et cousin, renchérit en avec une fougue qui en dit long sur son engagement auprès du combat des journalistes: « c'est certes difficiles de rester sans travailler une journée malgré nos maigres gains mais si cela devrait durer une éternité nous serons toujours du combat. Certains journaux ont décidé de paraître mais vous avez vu que nous ne les proposons pas aux clients ».

Dans les kiosques, seuls sont visibles les produits du groupe Wal Fadjri avec leur trois produits quotidiens, « Wal Fadjri », « Walf Sport » et « Grand Place ».

Les dirigeants de cette entreprise, malgré les nombreux actes de vandalisme et de barbarie dont ont déjà été victimes leur locaux et employés par le passé, ont décidé de se mettre en marge du mouvement, préférant respecter leur rendez-vous quotidien éditorial avec les populations. Il est toutefois très difficile de se procurer un exemplaire de ces publications du fait du mouvement de solidarité des vendeurs à la criée.

Outre les journaux du groupe Walf Fadjri, le quotidien pro-gouvernemental « Le Soleil » était aussi dans les kiosques, ainsi qu'un autre organe proche du parti au pouvoir.

Silence radio sur toute l'étendue du territoire

Du côté des stations radio également c'était quasiment un silence total. A défaut carrément de ne rien diffuser, certaines stations se sont juste contentées de balancer de la musique à longueur de journée.

A la radio RFM, du groupe Futur Media appartenant au chanteur Youssou Ndour et certainement la première radio du pays en termes d'audimat, malgré la présence des travailleurs à leur poste, pas une seule note d'audible. Les collègues de Boubacar Kambel Dieng ont voulu donner l'exemple, eux les principaux concernés qui partagent le quotidien de ce colosse journaliste agressé au soir du match Sénégal-Libéria par des policiers en furie.

Pour Mamoudou Ibra Kane, directeur de la RFM, « On ne peut pas dire que tout le monde a suivi le mouvement, mais l'essentiel des organes ont respecté cette journée sans presse. C'était un de nos moyens pour faire face à certaines dérives contre lesquelles il faut se battre. C'est un pas de franchi dans la lutte pour que cessent toutes ces agressions contre les confrères dans l'exercice de leur fonction ».

La presse en ligne affiche l'écran noir

Sur les adresses internet des principaux sites d'informations en ligne, on peut lire des messages justifiant l'absence d'information. Sur le site de nettali.net, un quotidien privé en ligne, on peut lire le message suivant sur un fond noir « Kambel et Kara, plus jamais ça (en rouge), journée sans presse -21 juillet 2007 ».

Rewmi.com se veut plus explicite, avec ce message en rouge qui barre la page d'accueil: « En raison de la journée sans presse observée au Sénégal ce lundi, pas de mises à jour sur rewmi.com durant toute la journée du 21 juillet. Merci. ».

Sur le site du journal « Le Quotidien » dont le directeur Madiambal Diagne a déjà séjourné en prison du fait de ses écrits, c'est le même écran noir qui s'affiche avec un message toujours écrit en rouge, comme pour conjurer le sang versé des bavures faites à Kambel et Kara.

Les lecteurs sénégalais qui ont été sevrés d'informations sur les ondes et privés de l'essentiel des journaux dans les kiosques ce jour devront vraisemblablement renouer avec l'information audio et la presse écrite ce soir à partir de minuit ou aux premières heures de la journée du mardi.

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