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29 Octobre 2008
opinion

Si nous avons voulu intituler ainsi notre contribution, ce n'est pas pour vouloir renvoyer le lecteur vers un site quelconque mais décrire notre football en le caractérisant. Evoquer cette discipline chez nous revient à parler essentiellement de l'équipe nationale car c'est la seule entité digne d'attention. Et les clubs qui auraient dû être le talon d'Achille de toute entreprise pour l'affirmation de notre football et son rayonnement sont chroniquement inexistants.

Il est difficile de comprendre pourquoi, après de multiples déroutes et déboires, nos dirigeants s'entêtent dans cette voie peu susceptible de produire des résultats concrets.

Et pourtant chaque fédération avant son entrée en fonction reconnaît sans audit que la situation est catastrophique et que seul un travail de fond basé sur la formation et l’édification de grands clubs pourrait constituer une priorité.

Un pas supplémentaire est franchi lorsqu'il faut rechercher la légitimation et les moyens nécessaires à nos gouvernants en les embarquant dans cette logique dont les résultats catastrophiques n'étonnent personne. Pauvre ce 12ème Gaindé qui à chaque rendez-vous se met à croire au Père Noël porteur de bonbons et de biscuits.

Bien des sportifs ont fustigé ce comportement à risque très préjudiciable à l'évolution du football. La conséquence de ce traitement de faveur est telle que l'équipe nationale vit dans l'opulence alors que les équipes dites locales baignent dans un état de pauvreté extrême.

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Ce déséquilibre n'est jamais resté impuni aussi bien sur le plan interne qu'externe. Force est de reconnaître que la manne financière versée par la FIFA et la Présidence suscite à tort de plus en plus de convoitises.

De Caire 1986 à nos jours, bien des fédérations se sont succédées avec toujours la même prétention de réformer. Mais aucune d'entres elles n'a fait de l'édification de grands clubs une préoccupation majeure se traduisant par une feuille de route allant dans ce sens. La qualité d'un football ne s'apprécie pas forcément aux performances de son onze national.

Nos réformes, en ignorant totalement cette question de fond, se sont limitées singulièrement à une passation de témoin soit après une élimination hâtive ou à la suite d'une "guéguerre" devenue flagrante. Aussi la convoitise des postes est devenue une obsession constante à l'occasion de chaque renouvellement. C'est cette inflation de dirigeants qui nous a valu cette instabilité à laquelle nous faisons face sans jamais réussir à trouver la "dream team" capable de nous orienter vers de meilleures solutions.

Si ces "va-et-vient" étaient prometteurs, notre football en tirerait de grands profils, mais l’expérience a montré que la pratique du "ôte toi que je m'y mette ou mette mon pote" est incapable de produire des résultats positifs.

Elle a pourtant servi de rampe de lancement à certains prédateurs pour accéder à des postes à responsabilité dont ils sont persuadés de n'avoir ni l'expérience ni la compétence. Les querelles internes, l'indiscipline et les sorties nocturnes invoquées au lendemain de chaque défaite sont insuffisantes pour expliquer nos contre-performances. Ces justifications restrictives et irrationnelles ont pour effet de masquer nos carences structurelles.

Nous n’irons pas jusqu'à affirmer que la présence d'une autorité dans un groupe social organisé pour observer et faire observer un code de conduite est inutile. Mais nous ne voulons pas non plus que l'arbre cache la forêt.

Plusieurs questions préjudicielles se posent et sont relatives à la manière de nous organiser pour rivaliser avec les meilleurs. C'est dans ce contexte que nous soumettons au lecteur un certain nombre de propositions pour la mise en place de solides entités pouvant évoluer dans une élite de première et deuxième division.

1.          Dans les villes autres que la capitale, le principe « une ville,  une  équipe » devrait être la norme. Dakar, de part sa suprématie par rapport aux autres pourrait bénéficier d'un traitement de faveur, mais rien ne la prédispose à présenter plus de 3 équipes dans l'élite.

2.          Le club qui souhaite se constituer doit être assuré du partenariat de la commune. C'est dire que la relation sera suffisamment forte pour donner lieu à des conventions (ex : gestion du stade). L'interdiction pour une commune d'être sur deux fronts est la première des règles à faire observer.  A titre d'exemple le maire de Paris ne s'était-il  pas déclaré incapable de laisser subsister dans sa ville le Matra RC et le PSG ? L'attelage entre commune et équipe locale est très facile à réaliser au Sénégal où toutes les villes ont une personnalité juridique, des affaires propres et une réelle autonomie financière.

3.          La présentation d'un ou plusieurs sponsors. L'engagement de toute entreprise doit être soumis à une enquête préalable car les pouvoirs publics n'ont pas vocation de mêler les questions de jeunesse, d'éducation et de représentation nationale à des entités dont les origines financières ou comportements sont douteux.

4.          Le parrainage de plus de 3000 supporters au moins pour la première division et de 2000 pour la seconde.

5.          La possibilité de réunir des recettes pouvant avoisiner 3 millions par mois net d'impôt. Parmi celles-ci on peut citer les revenus fixes (billetteries, publicité, subventions communales, vente des produits boutiques) et les revenus secondaires (parking payant, revenus des transferts de joueurs, restaurant, cafétéria, buvette etc.)

6.          Un nombre limité de 20 à 25 joueurs avec des contrats à durée déterminée (CDD).

7.          Un conseil de gestion constitué de la commune, du sponsor, de dirigeants, de supporters et du représentant des pouvoirs publics.

La question de la formation qui, à notre avis, est déterminante, peut être résolu en assouplissement les règles de la pluridisciplinarité et en exigeant des filières cadettes et juniors pour toute équipe désireuse de s'engager dans l'élite.

Ces conditions tendent non seulement à disqualifier les grands corps de l'état mais aussi les équipes dites traditionnelles réunies autour de solidarités de quartier sans possibilité de survie.

Quid de la fédération ? La prévention d'une rivalité au sommet n'inciterait-elle pas à faire élire son président au sein du comité directeur à la suite d'une mini campagne? Les différents postulants à cette charge disposeront d'une semaine pour présenter un programme conforme à nos objectifs. Le mandat subséquent ne serait révocable qu’à terme (4ans), ou à la suite d'une faute lourde dûment constatée. Cette notion doit être entendue "lato sensu", c'est à dire ne pas englober les matchs nuls ou les éliminations prématurées mais atteindre les cas de déviance, d'insoumission aux textes et à la morale sportive, de détournement de fonds et de procédure propre à l'identité de notre football. Cela suppose de faire reposer celui-ci sur certains postulats dont les plus explicites sont le travail à la base, l'édification de grandes entités sportives, le rejet de l'improvisation, de l'immédiateté et de l'esprit campagnard.

L'apparition de clubs bien structurés et financièrement solides est la seule alternative capable de sécuriser les pratiquants en leur offrant une carrière pleine et rentable.

L'aménagement d'une vie post sportive garantie n'est pas un rêve irréalisable si l'on tient compte des immenses possibilités de l'industrie du football.

On ne saurait terminer sans souhaiter l'émergence au Sénégal de véritables présidents de club. La négligence de cette catégorie est due à son mode de désignation qui privilégie l'appartenance local et la notoriété publique ou politique. Or, la prépondérance dans le capital et la capacité managériale devraient être déterminants puisqu'il s'agit d'investir, d'acheter, de vendre, d'échanger, d'engager des prêts, bref  d'accomplir toutes les opérations administratives et financières nécessaires pour créer de la valeur ajoutée profitable aux pratiquants, aux détenteurs de capitaux et à la collectivité. C'est leur pouvoir de décision et le comportement devant certaines situations qui font la différence dans le football moderne. Pour s'en convaincre, regardons les cas de Lyon, Chelsea, Inter de Milan, où les présidents Aulas, Ibramovich et Massimo Morati ont réussi à donner une force incontestable à ces clubs.

Et l'Etat ? Son action sera inefficace aussi longtemps qu'elle se limitera à des subventions ou prises en charge. Le moment n'est-il pas venu d'initier une large concertation en vue de "relooker" notre football afin de le débarrasser des lois anachroniques qui le régissent encore? C'est le nouvel arsenal juridique qui nous permettra de rompre avec ce cadre institutionnel fait d'amateurisme et d'immobilisme. La dissociation entre sport de masse et sport d'élite qui s'en suit est l'unique tremplin vers la voie du professionnalisme.

En définitive, il est faux de croire que l'afflux massif des expatriés et la présence du 12ème Gaindé seront des alternatives pour combler tous ces manquements. Mais il n'y aura de différence sans qu'un travail de fond ne soit engagé.

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