Dakar — Au Sénégal il existe un paysage de médias pluriels qui est, néanmoins confronté à de nombreux problèmes financiers et politiques. Selon Eugénie Aw NDiaye, directrice du CESTI, École de Journalisme de l'Université de Dakar , les écoles de journalisme jouent un rôle important dans l' amélioration du fonctionnement des médias.
Quelles sont les faiblesses de la presse Sénégalaise ?
« Au Sénégal il existe une variété d'organes au niveau des médias , qui reflète la diversité et la vivacité du débat politique dans ce pays. Un des problèmes qui se pose c'est que l'espace publique est relativement restreint. Dans les médias il y a un monologue des gens au pouvoir, sans que les gens et le peuple puissent réellement exprimer leurs besoins, leurs opinions et perceptions.
Aujourd'hui la presse favorise l'émergence d'une alternance, il y a donc un malentendu qui s'est installé avec le pouvoir, ce pouvoir ne comprend pas que cette presse puisse se retourner contre eux. La relation entre les deux acteurs est donc extrêmement tendue. Ce n'est pas forcément une mauvaise chose, ça veut dire que cet élément de contre pouvoir fonctionne de manière normale.
Malheureusement nous avons constaté ces dernières années que les agressions contre les journalistes par les responsables politiques ont augmenté. La presse d'aujourd'hui est ciblée au niveau de la répression.
Un autre problème existant est que les médias n'ont souvent pas assez de moyens financiers. Les journaux sont obligés d'embaucher les gens qui n' ont pas eu de formation de journaliste. »
Depuis longtemps, les pays francophones africains sont moins dans la priorité des grandes agences de presse internationale telles que Reuters et AFP. Quelle est, selon vous, la raison de cela?
« Je prendrais le problème à l'envers. Les pays africains, produisent-ils des informations suffisamment fiables et 'objectives' pour pouvoir concurrencer avec les agences internationales? Une agence de presse comme Panapress n'est pas prête à servir comme fournisseur d'informations alternatives. Voir la problématique d'un point de vue africain, est un élément manquant dans la presse internationale. Il y a donc aussi une responsabilité africaine de faire en sorte qu'on peut se positionner dans le marché international de l'information. Même si le chemin est encore long. »
Comment nous pouvons ajouter les racines africaines à des nouvelles internationales ?
« Dans le journalisme, il y a des règles universelles. Mais un journaliste ajoute le jus, la couleur à une information qu' à partir du moment où on est capable de s'enraciner dans une problématique qui est la notre. Un journaliste doit avoir accès aux informations internationales.
Il faut allier des grandes questions, comme la crise financière par exemple, à ce qui se passe chez nous. Le journaliste africain doit être capable de donner au monde sa perception, sa vision, et la vision de sa communauté par rapport à un certain nombre de problématiques. «
Mais c'est justement ici où se situe le problème. Il y a peu de place pour les informations internationales dans les médias sénégalais.
« C'est vrai que c'est une tradition chez nous de se regarder un peu le nombril.
Ce n'est pas un problème en soi que nous traitons les nouvelles nationales. Même quand on parle de quelque chose qui pourrait sembler banale, comme le panier de la ménagère par exemple. Il faut comprendre que ces nouvelles ont une dimension internationale. A l'heure actuelle, il y a toute une série d'accords qui ont été signés par l'Union européenne qui vont tendre à supprimer les droits de douane sur un certain nombre de produits. Cela aura une incidence sur les productions locales. La formation des journalistes au Sénégal doit être concentrée sur les grandes thèmes internationaux. »
Le E-Journalisme
« Depuis un an, le CESTI offre la possibilité aux étudiants de se former au niveau d'internet en faisant un blog. Ce blog aide à faire produire les étudiants, et aussi de donner la parole aux gens dont on aurait jamais pu imaginé qu'ils pouvaient être sujets d'information. Il y a des nouvelles sur les banlieues de Dakar, sur les petits métiers, on essaie d'être présent dans tous les domaines.
Nous avons un enseignement de multimédia également. Le blog pour le CESTI est un outil de formation. La difficulté que nous rencontrons est que notre personnel n'a pas une culture informatique, il faut donc souvent faire appel à des gens de l'extérieur. Néanmoins, notre formation se développe petit a petit à un modèle intéressant. »