Afrique: « Il existe un grand risque que la croissance que l´Afrique a pu soutenir pendant longtemps, va cesser »

19 Février 2009
interview

Dakar — La crise financière actuelle domine les conversations depuis des semaines. Prenons le cas du Cap Vert, qui ne fait plus partie, depuis un an, des pays les moins avancés, selon le classement des Nations Unies. Il doit aujourd'hui relever le défi de percer sur le marché international en tant que pays à moyen revenu, en pleine période de récession dans le monde, selon la Banque mondiale. Valentine Sendanyoye Rugwabiza, Directrice générale adjointe et chef de délégation de l´OMC est aujourd'hui au Cap Vert pour rendre visite aux différentes autorités capverdiennes. Les activités et programmes d'assistance technique liés au commerce (ATLC) de l'OMC « visent à assurer le renforcement durable des capacités commerciales des pays bénéficiaires. » (Selon le site web de l´OMC)

Valentine Rugwabiza : "Le Cap Vert est un cas particulier puisqu'il a mis en place une économie ouverte avec un certains nombres de réformes rendant possible une croissance stable. Le Cap Vert dépend aussi des transferts de fonds de sa diaspora qui comptent pour 8% de son PIB.
Une autre grosse source de financement est le tourisme étant le principal produit d´exportation du Cap Vert. Cette économie va être touchée par la crise et la récession des pays développés.
L´Essentiel pour un pays comme le Cap Vert, qui vient d´accéder a l´OMC, est de maintenir ses réformes favorisant la croissance mises en place durant le processus d´accession. Il est important également que les échanges commerciaux restent ouverts. Il est en partie la base de la croissance des pays africains et du Cap Vert.

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Est-ce que le Cap Vert est prêt à être classé en tant que pays à moyen revenu dans ce contexte actuel?

Il est clair que le Cap Vert reste une économie vulnérable. Une des raisons de ma visite sera de discuter avec les autorités cap verdiennes sur les mesures à mettre en oeuvre qui permettront de réagir à la crise.
Je souhaiterais également encourager la communauté des donneurs à maintenir leurs engagements avec le Cap Vert, pour aider le pays à passer cette période difficile de contraction financière et pour maintenir un niveau de croissance acceptable

Quelles sont les conséquences de la crise pour le continent africain ?

Il existe un grand risque que la croissance que l´Afrique a pu soutenir pendant longtemps, va cesser. Cela a pour conséquence d'accroître  la pauvreté.
On ne peut pas mesurer la crise en termes exacts. Mais plusieurs pays présentent des facteurs de vulnérabilité très importants : l´Impact de la crise est surtout visible dans les pays où le commerce est essentiellement assis sur un ou deux produits de base.
Un deuxième facteur de la vulnérabilité est que plusieurs pays africains n´ont pas un marché d´export très diversifié, ils dépendent parfois pour deux tiers d´un seul marché d´export qui est un pays développé. Nos programmes d'aide au commerce permettent justement au pays africains de diversifier leurs économies.

La majorité des économies européennes sont en récession, il est clair que les pays africains vont être affectés, il y aura une grande baisse de la demande dans les produits de base.

Actuellement, il y a un grand éventail de mesures protectionnistes que les pays membres de l'OMC sont en train d´utiliser qui ne sont par ailleurs pas toutes des mesures qui sont en porte-à-faux avec les règles de l´OMC .
Il est possible de rendre les échanges commerciaux plus difficiles tout en étant en règle avec l´OMC, mais cela lance un très mauvais signal de protectionnisme.
 A chaque fois quand il y a une crise, le premier réflexe des pays est de fermer les frontières, or ce réflexe là est encore le meilleur moyen de renforcer et de prolonger la crise.

Pour l'instant, il n'y pas encore de tsunami protectionniste mas il faut rester vigilant.

L´Union européenne a créé des obstacles de marché aussi, notamment avec les subventions dans le secteur d´agriculture. 

C´est tout à fait une mesure de distorsion des échanges et dans ce sens, les subventions aux exportations de produits laitiers, pour nommer un exemple, est un mauvais signal qui va dans la mauvaise direction et vers une plus grande distorsion des échanges.
L´Europe est le premier partenaire de l´Afrique. Une distorsion des échanges commerciaux est très nuisible pour ce continent et c'est une des raisons pour laquelle l´Afrique   attend fortement les conclusions du cycle de DOHA  aujourd'hui.

Parce que dans ces conclusions l´accent est mis sur l´élimination et la réduction de certaines subventions agricoles y compris sur les produits comme le coton.

Le crédit à l´importation et l´exportation est un crédit à très faible risque, mais il a été affecté par la crise actuelle à cause du manque de liquidité.
Il y a donc de moins en moins de financement disponible pour  ce type de crédit pouvant couvrir les petites et moyennes entreprises dans les pays en voie de développement.
Cela a un impacte négatif sur le marché africain où il y avait déjà une situation insuffisante de crédit. Augmenter la liquidité et partager le risque entre les banques publiques et privées, fait partie des solutions. 90 pourcent de toutes les opérations commerciales dans le monde sont assurées par le crédit.

Mais  n´est ce pas  à cause du manque de confiance dans le crédit que nous sommes en crise financière?

Dans la famille du crédit, celui qui est le moins risqué c´est le crédit à l´import et l´export. Ces crédits sont couverts par une marchandise tandis que les autres crédits qui ont été a la base de cette crise n'étaient pas couverts parce qu´il n y avait pas de solvabilité. Ce type de crédit représente la bonbonne d´oxygène du commerce. A l´heure actuelle, l´insuffisance de ce type de crédit accentue la baisse de commerce.

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