Centrafrique: Relancer le dialogue politique

2 Février 2010
tribune

Les prochaines élections en République centrafricaine pourraient faire parler de ce pays méconnu, mais pas pour les bonnes raisons.

Différents groupes armés continuent en effet de contrôler certaines zones dans le Nord, et le gouvernement semble réticent à laisser les élections se dérouler sur un pied d'égalité. Dans ces conditions, le vote, actuellement prévu pour avril, pourrait déclencher une nouvelle crise politique, avec des répercussions potentiellement violentes. Pour éviter le pire, le gouvernement devrait de toute urgence négocier une trêve avec les rebelles restants et faire un véritable effort pour associer l'opposition dans le processus électoral.

Les coups d'Etat et les nombreuses mutineries qui ont déchiré la Centrafrique depuis l'indépendance ont fait de ce pays un Etat fantôme, dépourvu de capacité institutionnelle significative, et relégué à la 179ème place sur 182 dans l'Indice de développement humain onusien. Le président actuel, François Bozizé, a lui-même pris le pouvoir par la force en 2003. Depuis qu'il a remporté les élections en 2005, l'aide internationale a sensiblement augmenté, mais de nouvelles rébellions, inspirées par la réussite de l'ancien chef d'état-major, ont émergé peu après le vote dans le nord. La prédation de ces groupes et la réponse brutale des forces de sécurité ont eu pour conséquence la mort de centaines de civils et la fuite de plusieurs milliers d'autres.

Des négociations de paix chancelantes ont abouti en décembre 2008 au Dialogue politique inclusif auquel ont participé presque tous les groupes rebelles et un large éventail d'acteurs politiques et sociaux. Au minimum, ce dialogue a permis d'amener les combattants à la table des négociations et d'engager le gouvernement à faire des réformes politiques et socio-économiques, ainsi qu'à organiser des élections sur la base d'un consensus national.

Plus d'un an après, les résultats ne sont cependant guère probants. Les ex-rebelles de plus en plus frustrés n'ont pas encore été désarmés et un nouveau groupe établi dans le Nord-est et désireux de revendiquer une part plus large des ressources nationales, la Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP), a démontré sa capacité de nuisance. Par ailleurs, le gouvernement s'est montré réticent, voire a explicitement refusé, de changer ses méthodes opaques de gouvernance tentant même de manipuler la loi électorale à son avantage.

La création plus que tardive de la Commission électorale a empêché la tenue des élections locales prévues en 2009. Même avec le soutien de l'ONU, l'organisation d'élections présidentielles et législatives pour avril représente un immense défi. La compilation de listes électorales fiables, l'acquisition du matériel nécessaire et la formation du personnel électoral prendra inévitablement du temps. Et nous ne mentionnons ici que des contraintes techniques. Après la mise en place par la Commission électorale, en collusion avec le gouvernement, de comités électoraux locaux acquis au régime, les représentants des partis d'opposition et des groupes rebelles se sont retirés et ont appelé à la démission de son président Joseph Binguimalé. La Commission a déclaré qu'elle poursuivra de toute manière ses activités. Cependant, sans les freins et le contrepoids de l'opposition, les élections manqueront de la crédibilité nécessaire pour asseoir la légitimité du nouveau président et des législateurs.

Dans le nord, où les armes légères circulent librement à partir du Tchad et du Soudan, rebelles, coupeurs de routes et milices ethniques font également régner un climat guère clément à la tenue d'élections.

Le processus de désarmement pourrait commencer en février, mais les rebelles ne déposeront pas les armes tant que d'autres groupes armés constituent une menace, et le gouvernement ne semble pas pressé d'agir.

Pour réduire la violence dans le Nord-est et créer des conditions propices aux élections et au désarmement des combattants rebelles, le gouvernement devrait rapidement négocier avec les rebelles de la CPJP et obtenir son engagement au processus de paix. Avec le soutien de l'ONU, le gouvernement devrait aussi faciliter le dialogue entre le groupe rebelle à dominance ethnique Gula de Zacharia Damane et le groupe armé Kara, mené par Ahamat Mustapha.

Durant les prochains mois, la Commission électorale, le gouvernement et les donateurs devraient faire tout leur possible pour organiser, sur la base d'un consensus national, la tenue d'élections crédibles en avril, comme prévu. Toutefois, si en mars les progrès faits dans la préparation technique et dans l'amélioration de la situation sécuritaire sont insuffisants, un report des élections devrait alors être envisagé. Le gouvernement devrait aussi engager un dialogue avec les rebelles, les leaders d'opposition, et la société civile, pour trouver un accord préalable qui éviterait un vide constitutionnel et une crise politique, si un report était nécessaire.

Les partenaires internationaux devraient également clairement indiquer qu'ils cesseront d'apporter l'assistance financière vitale au gouvernement, à moins que celui-ci ne fasse preuve de son engagement à créer un environnement sûr et propice à la tenue d'élections crédibles, y compris en négociant avec le dernier groupe rebelle.

*Edward Dalby est analyste à International Crisis Group.

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