Une clôture de fortune faite de cordes et de chiffons barre la route poussiéreuse qui mène au camp de réfugiés de Bahn, au Liberia. A l'intérieur, des enfants jouent au football tandis que leurs parents font la cuisson à côté de leurs abris faits de bâches en plastique. La présence de souches d'arbres indique les récents travaux de défrichage du site.
Enseignant de 39 ans, Mathew Zou a récemment marché pendant deux jours pour arriver au camp de Bahn en provenance de la Côte d'Ivoire voisine avec 11 membres de sa famille. Il a déclaré n'avoir pas assisté aux affrontements, mais qu'on n'en était pas loin.
"J'ai entendu des détonations. Tout le monde était simplement en train de fuir au Liberia et les combattants (les Forces Nouvelles) nous dépassaient avec des armes», a-t-il dit.
Une Libérienne, Oldma Massa Zaweah, a dit qu'elle projette de se rendre au camp de Bahn. Elle a déclaré que quand elle s'était réfugiée en Côte d'Ivoire dans les années 1990, des familles ivoiriennes l'avaient aidée et maintenant elle veut essayer de les retrouver.
"Si je retrouve les familles qui nous avaient aidés, je les aiderai à mon tour", a-t-elle dit.
La Côte d'Ivoire avait accueilli la plupart des 360.000 Libériens qui avaient fui leur pays pendant les 14 ans de conflit. Maintenant, avec l'impasse politique qui se prolonge et l'escalade de la violence, quelque 90.000 réfugiés provenant de la Côte d'Ivoire sont arrivés au Liberia, a déclaré mercredi au Conseil de sécurité, la représentante spéciale des Nations unies pour le Liberia, Mme Ellen Margrethe Løj. Parmi eux, 40.000 ont été enregistrés et 50.000 sont arrivés seulement au cours des 18 derniers jours, a-t-elle ajouté.
Se faisant l'écho des inquiétudes soulevées par des diplomates libériens et d'autres, Mme Løj a déclaré qu'il y avait des inquiétudes grandissantes sur le potentiel d'insécurité contenu dans un tel grand flux de réfugiés.
Le Liberia est plus solide aujourd'hui qu'il y a huit ans. Néanmoins, nous ne devons pas considérer ses huit ans de paix comme une situation définitivement acquise. Nous avons besoin d'un engagement international continu et plus grand», a déclaré Mme Løj qui dirige également la Mission des Nations unies au Liberia (MINUL).
La détérioration de la sécurité
La sécurité s'est déjà considérablement dégradée en Côte d'Ivoire avec des affrontements en province entre les soldats et les milices qui soutiennent le président sortant, Laurent Gbagbo, et les combattants des Forces Nouvelles qui sont favorables au président élu, Alassane Ouattara. Bien qu'ayant perdu le second tour de l'élection de novembre qui a été certifiée par les Nations unies, M. Gbagbo a refusé de céder le pouvoir. M. Ouattara a été reconnu par la communauté internationale comme le président légitime de la Côte d'Ivoire. Avec son gouvernement, il est toujours assiégé dans un hôtel d'Abidjan, la capitale économique du pays.
La Côte d'Ivoire avait souffert d'une brève guerre civile qui avait pris fin avec les accords de 2005 qui ont conduit aux élections de l'année dernière. Il y'a des craintes grandissantes d'une reprise d'un conflit total qui pourrait embraser la majeure partie de la région ouest-africaine.
Quelque 10.000 soldats de maintien de la paix de l'ONU sont en Côte d'Ivoire pour surveiller l'application de l'accord de paix de 2005, protéger le personnel et les installations de l'ONU et assurer la protection des civils sous la menace de danger immédiat de violence physique. Ils protègent M. Ouattara et son gouvernement et ont fait l'objet d'attaques de la part des forces pro-Gabgbo.
En plus des dizaines de milliers de personnes qui ont fui la Côte d'Ivoire, l'ONU indique qu'il y a 300.000 autres déplacés internes. La plupart d'entre elles ont fui les affrontements qui opposent à Abidjan les partisans de M. Ouattara et ceux de M. Gabgbo. Les travailleurs des organisations humanitaires expriment la frustration de ne pas pouvoir pendre soin des blessés, tandis que la famine est devenue une menace grandissante.
L'insécurité est grandissante dans l'ouest de la Côte d'Ivoire. Pendant sa guerre civile, le pays était coupé en deux, entre les forces favorables à M. Ouattara, au nord, et les soldats fidèles à M. Gbagbo, au sud. Selon des réfugiés, cette ligne de démarcation apparaît floue.
Mme Monique Kpahn, 55 ans, dit avoir fui sa maison il y a deux semaines quand elle avait entendu des coups de feu et vu les autres s'enfuir. Elle a déclaré que du camp elle entend encore souvent des tirs en Côte d'Ivoire.
"J'ai laissé mon mari à la frontière où il s'occupe de nos affaires», a-t-elle déclaré.
L'installation
Mme Kpahn et quelques autres réfugiés du camp de Bahn se sont engagés dans le petit commerce pour gagner de l'argent en attendent leurs rations alimentaires. En travaillant dans son abri, sous la chaleur étouffante de midi, Mme Kaphn emballe du tabac à priser dans de petits sachets en plastique. Des enfants l'aide à attacher les sacs.
Une responsable des relations extérieures du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Dina Sinigallia, a déclaré que la première priorité est d'assurer la sécurité des réfugiés et de les faire quitter la frontière. Elle a dit qu'ils ont reçu des produits pour leur permettre de mener leur vie aussi normalement que possible.
"Ils ont des cartes de ration, ils ont tout un ensemble de produits non alimentaire, ce qui signifie qu'ils ont des ustensiles de cuisine. Ils ont déjà reçu des couvertures. Ils ont déjà reçu des matelas où dormir», a-t-elle dit.
Mme Sinigallia a déclaré que le flux de réfugiés, qui était stable et arrivait à compte-gouttes, s'est accéléré avec l'arrivée de grandes familles.
Selon le HCR, presque 400 abris ont été construits jusqu'ici et plus de douze sont érigés chaque jour à Bahn.
D'après le directeur du programme du Norwegian Refugee Council (NRC), Monika Olsen, qui gère le camp, Bahn est conçu pour abriter quelque 15.000 réfugiés et chaque tente peut contenir une famille de cinq personnes. Beaucoup de réfugiés vivent encore avec des familles libériennes.
"Nous avons quelque 15 villages désignés où ils peuvent aller. Ainsi, ils ont le choix entre aller au camp, rester dans les villages ou rester à la frontière», a déclaré M. Olsen.
"Il est difficile de répondre aux nombreux besoins sanitaires des réfugiés", a dit un médecin responsable du Saclepea Health Center, Mme Mary Lankah.
"Nous les soignons du paludisme, de l'anémie sévère, de la tuberculose, du VIH et aussi du cancer», a-t-elle ajouté, indiquant que jusqu'ici ils n'ont pas eu à soigner de personnes blessées au cours des affrontements.