Congo-Kinshasa: Seule une "équipe de rivaux" peut vaincre Kabila

25 Octobre 2011
tribune

Avec les premières révolutions en Afrique depuis la chute du Mur de Berlin comme toile de fond (en Tunisie et en Égypte notamment) ainsi qu'un horrible conflit postélectoral ivoirien et l'élection de Michael Sata, leader de l'opposition en Zambie, l'héritage du président Joseph Kabila de la République démocratique du Congo en tête du pays pendant plus de 10 années, dont cinq sans mandat populaire sera bientôt soumis à un défi d'envergure.

Tout d'abord, le processus électoral de la RD Congo a été immédiatement entaché par des menaces remettant en question sa légitimité. En janvier de cette année, le Parti du Peuple pour la Reconstruction et le Développement (PPRD) au pouvoir, a modifié la loi électorale afin de rendre vainqueur le candidat qui gagne le plus de voix au premier tour, qu'il remporte ou non la majorité. Une possibilité de second tour est de ce fait exclue, car le chef de l'Etat pourra être élu avec seulement 15 pour cent des voix. La légitimité du candidat élu en prendra un sérieux coup.

Ensuite, Kinshasa a connu une succession d'actes violents, après l'enregistrement de la candidature d'Étienne Tshisekedi, le dirigeant de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), en août. Les bureaux de l'UDPS ont été vandalisés et incendiés dans ce qui semble être une vengeance après que les installations du PPRD ont été saccagées par des personnes non identifiées. Et les bureaux de la station télévision et radio RTLV, favorable à Tshisekedi, ont également été incendiés et complètement détruits.

Surprenant retour

Tshisekedi a fait un retour inattendu dans la scène politique l'année dernière après que ses détracteurs l'aient déclaré à la fois politiquement et physiquement mort. Son retour à Kinshasa, après des années de maladie qui l'avaient forcé à vivre en Belgique, a attiré des foules de supporters à l'aéroport de Ndjili, au Stade des Martyrs et dans son district natal de Limete. La présence de nombreux partisans a confirmé son statut de figure de proue de l'opposition, notamment depuis que Jean-Pierre Bemba, le perdant des élections de 2006, languit en prison aux Pays-Bas, où il doit répondre à des accusations de crimes de guerre, devant la Cour pénale internationale (CPI).

Il ne fait aucun doute que la popularité de Tshisekedi a poussé le parti au pouvoir, avec sa majorité à l'Assemblée nationale (AN) et au Sénat, à rejeter un scrutin à deux tours. Il semble que Kabila ait misé sur les rangs dispersés de l'opposition ; bien qu'il semble, en outre, avoir couvert ses arrières en s'inscrivant en tant que candidat indépendant.

Aucun plan B

Comme pour confirmer la justesse de sa stratégie, plusieurs autres prétendants ont émergé en qualité de candidats soit indépendants soit de l'opposition. Toutefois, Kabila et son parti au pouvoir ne disposent pas de plan B crédible en cas d'union à la dernière minute de la plupart des candidats à la présidentielle afin de renverser le détenteur du fauteuil.

La tâche promet d'être herculéenne. Cependant, sa réalisation demeure possible. Vital Kamerhe, ancien président de l'AN, évincé après une dissension avec Kabila, Léon Kengo wa Dondo, actuel Président du Sénat et ancien collaborateur de Mobutu, Nzanga Mobutu et Oscar Kashala ont tous eu des démêlés avec Kabila et sont tous de sérieux adversaires. Autrement dit, Kabila est leur ennemi commun.

L'exemple américain

Ceux qui cherchent un moyen de rassembler les candidats de l'opposition pourraient tirer leçon de deux administrations dans l'histoire des États-Unis. En 1860, Abraham Lincoln a fait montre d'une profonde confiance en soi et d'une grandeur inattendue en choisissant "une équipe de rivaux" pour son cabinet, sélectionnée dans les rangs de ses opposants aux élections primaires républicaines. De même, en 2008, Barack Obama a fait preuve de courage et d'engagement pour l'unité de l'Amérique par la nomination d'Hillary Clinton comme secrétaire d'État.

Ressemblances frappantes

Certes la RDC n'est pas les États-Unis. Cependant, il existe des ressemblances frappantes. Lincoln était, selon l'historienne Doris Kearns Goodwin, "habitué à ne se fier qu'à lui-même pour influencer les événements... en affichant une ambition féroce, une perspicacité politique exceptionnelle, et un large éventail de forces émotionnelles, forgées dans le creuset des difficultés personnelles". On pourrait dire la même chose d'Obama et le Tshisekedi de 2011. Lincoln et Obama ont pris le pouvoir en période de trouble, tout comme Tshisekedi est à la recherche de la renaissance d'une RDC déstabilisée par des années de guerres civiles et régionales et par le dysfonctionnement persistant et l'effondrement de l'État.

La popularité de Tshisekedi et son endurance dans la lutte pour la démocratisation le placent en position d'architecte d'une opposition unie composée de rivaux, dont les convictions ne sont pas inconciliables.

À titre d'illustration, Kamerhe a affirmé à qui veut l'entendre qu'il est prêt à travailler avec Tshisekedi. Ses démêlés avec Kabila sont trop récents pour qu'il prenne facilement le manteau d'un chef de l'opposition. Il a été président de l'Assemblée nationale jusqu'en 2009 et il doit, en outre, oublier son rôle indéniable de faiseur de rois en 2006, lorsqu'il a fait campagne et publié la victoire de Kabila à l'Est.

Kengo wa Dondo

Kengo wa Dondo, en sa qualité de Président du Sénat, est actuellement le numéro deux du pays. Sa rivalité avec Tshisekedi remonte à l'époque de Mobutu, au cours de laquelle il a souvent occupé des postes clés, y compris celui de Premier ministre en 1996, au détriment de Tshisekedi. Les accolades et la bonne ambiance qui ont caractérisé la rencontre entre Kengo et Tshisekedi à Bruxelles le 29 septembre dernier n'ont cependant pas mené à un accord officiel d'alliance.

Suite à sa nomination en tant que candidat commun de l'opposition par plus de 80 partis politiques, Tshisekedi se trouve en mesure d'atteindre Kamerhe, Kengo et les autres groupements politiques afin d'assurer que le vote de l'opposition ne soit pas partagé. Par ailleurs, même en l'absence de vote uni, il pourrait encore être élu selon les règles actuelles de vote et former une équipe de rivaux après les urnes, en prenant en considération le domaine territorial et la représentativité de chaque candidat de l'opposition.

Les candidats de l'opposition doivent parvenir à un accord pour assurer un changement démocratique en RDC. Pour ce faire, Tshisekedi a besoin de capitaliser sur son long parcours et sur sa réputation politique en RDC, pour inaugurer ce qui constituera une victoire sans précédent et longtemps attendue pour la démocratie populaire, essentielle pour la naissance d'une nouvelle RDC où les aspirations des gens constitueront la priorité. Ce faisant, Tshisekedi garderait vivante, sa "foi inébranlable" en la cause de la RDC.

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