Sénégal: La démocratie 3.0

29 Mars 2012
tribune

Le peuple sénégalais s'est à nouveau exprimé par les urnes et choisi grâce à une nouvelle alternance politique son quatrième président de la République. Encore une belle preuve d'une  démocratie  africaine vitale et résolument tournée vers une nouvelle forme de république, celle des citoyens.

Wade victime de ses  proches et partisans

Après plusieurs mois d'incertitudes et de tensions pré-électorales, les sénégalais ont fini par désigner leur président, le quatrième après Léopold Sedar Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade.

Le « pape du sopi », Abdoulaye Wade arrivé au pouvoir en 2000 n'aura pas bénéficié d'un troisième mandat pour lequel il souleva vents et tempêtes contre l'avis de son opposition.

Malgré un troisième mandat, dénoncé par une importante frange de la société sénégalaise et la totalité de l'opposition, le président sortant aura été victime des agissements de ses proches et autres partisans, qui  étaient ,  totalement rejetés par la majorité des sénégalais.

L'omniprésence de son fils Karim Wade dans la gestion des affaires de l'Etat a porté un sacré coup de plomb à la nouvelle candidature du président Wade.  Son entêtement à défendre l'expertise et l'intelligence de son fils lui a valu ce vote sanction des électeurs.

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Les autres membres de son entourage, souvent pris en flagrant délit de malversations financières, auteurs par moments d'agressions physiques sur la presse ont porté le coup de semonce qui a perdu Me Wade.

A tous ces errements, il faut ajouter la forte demande sociale, la flambée des prix des denrées de premières nécessités (riz, huile, lait, sucre…etc.), le taux galopant du chômage et le train de vie élevé de l'Etat.

Le « Ndiguël », la fin du mythe ?

Le Sénégal est un pays de foi où cohabitent dans la meilleure des harmonies 94% de musulmans, 5% de chrétiens et 1% d'animistes.  Les périodes électorales sont propices à toutes sortes de sollicitations de consignes de vote (n'diguël) de la part des politiques auprès des chefs religieux.

Si par le passé, les présidents Senghor, Diouf et Wade en ont profité pour consolider leur pouvoir, un des enseignements majeurs de cette présidentielle est que le nouveau type de sénégalais, notamment l'écrasante majorité des jeunes qui constitue le corps électorale n'est plus sensible à ces recommandations souvent monnayés contre des avantages par certains guides religieux.

La défaite donc du président Wade malgré quelques appels de leaders religieux à voter pour lui est la preuve incontestable que le « ndiguël » ne fonctionne plus au Sénégal, les fidèles sénégalais , membres des confréries religieuses, restent de véritables citoyens lorsqu'ils  sont dans l'isoloir.

En  définitive les importantes sommes d'argents dépensées pour l'achat des consciences, les nombreux appels du pied aux chefs religieux  et l'opération de charme envers les  abstentionnistes du premier tour n'ont pas porté leur fruit quand à une victoire finale du candidat Abdoulaye Wade.

Le plébiscite de Macky

L'ancien premier ministre du président Abdoulaye Wade, Macky Sall est le véritable vainqueur de cette présidentielle.
Après un parcours politique exceptionnel sous l'aile du président Wade, le maire de la commune de Fatick, se retrouve au sommet de l'état à la faveur d'une élection présidentielle âprement disputée  et avec le soutien de la quasi totalité de la classe politique sénégalaise et de la société civile.

Un vrai plébiscite pour celui qui se présentait pour la première fois à la magistrature suprême.

Avec un large score 65,80 % contre 35,2% pour le président Wade, il incita son adversaire, le président sortant, à le féliciter avant même la proclamation officielle des résultats.

Macky Sall, pour réaliser un tel score a bénéficié du soutien des 12 autres candidats recalés au premier tour, du soutien d'une jeunesse citoyenne regroupés autour de mouvements et de partis politiques de l'opposition.

C'est donc le couronnement politique d'un homme  au parcours politique fulgurant pour avoir été ministre, député, premier ministre, président de l'assemblée nationale avant de connaître une traversée du désert qui l'éloigna des arcades du pouvoir.

Durant son mandat à la tête  du parlement, il avait commis l'imprudence et l'impertinence aux yeux du président Wade de convoquer son fils Karim Wade pour s'expliquer sur l'utilisation faite des milliards de l'Anoci (l'agence nationale à l'organisation de la conférence islamique).

Moins de  5 ans après la création de son parti l'Alliance pour la République (APR), il se retrouve quatrième président de la République du Sénégal grâce à une deuxième alternance politique par les urnes.

Ce qui attend le Président Macky…..

Le tout nouveau président élu du Sénégal devra faire face à de nombreuses urgences pour  satisfaire un électorat de plus en plus conscient de ses droits.

Les nombreux engagements qu'il a pris vis à vis des électeurs durant la campagne électorale devront se traduire en acte concret notamment l'essentiel des conclusions et recommandations des « assises nationales », la restauration des valeurs de la république, la réduction du train de vie de l'état, la bonne gouvernance, la fin de l'impunité, la restauration d'un système éducatif performant, la réduction du coût de la vie.
Autant de chantiers sur lesquels Machy Sall devrait donner un signal fort au risque de se retrouver très tôt désavoué par une base affective assez hétéroclite.

La recomposition de la classe politique pour ramener un climat politique stable et apaisée ne sera pas de tout repos , Macky Sall ayant été porté au pouvoir par une coalition « Bennoo Book Yaakar- Unis pour un même espoir » hétéroclite.

Les premières frictions qui surgiront certainement dans la redistribution des responsabilités pourraient rendre le magistère de Macky Sall aussi difficile que celui de la fin de règne d'Abdoulaye Wade.  La suite qui sera donné à l'audit de la gestion Wade présagerait aussi de l'avenir politique de Macky Sall.

La démocratie 3.0

La deuxième génération de l'élite politique sénégalaise est celle qui a porté Abdoulaye Wade au pouvoir, la troisième génération est celle qui l'en a chassé avec le concours des média et des réseaux sociaux.

A l'instar du web 3.0 ou du journalisme 3.0, plus interactif,  plus participatif et plus informatif, la citoyenneté nouvelle du Sénégal est à classer malgré - une maturité politique certes séculaire mais-  aujourd'hui renforcée  par l'apport des NTIC, au panthéon des grandes démocraties.

Les nouveaux média à travers les réseaux sociaux, la presse en ligne, ont joué un rôle important dans la réalisation de cette 3ème alternance politique au Sénégal.

La symbolique du chiffre 3 s'est beaucoup invitée dans cette élection sénégalaise. Macky Sall est le troisième président sénégalais  après  le père de l'indépendance Leopold Sedar Senghor, qui empêchât le troisième mandat du président Wade.

Macky Sall, porté au pouvoir par un fort élan citoyen entretenu par 3 composantes essentielles : les mouvements de jeunes(Y'en a marre), les mouvements citoyens (Fekke Ma Ci Boolé, Yamalé, Luy Jot Jotna, etc…) et les coalitions de partis (benno siggil sénégal, benoo ak Tanor, booke yaakar) devrait désormais composer avec un nouveau type d'électeur sénégalais.

Un électeur averti, citoyen et qui demandera dorénavant des comptes dans la gestion de la chose publique. Un militant qui n'est plus à la solde d'un marabout quelconque encore moins d'une chapelle politique mais plutôt demandeur de l'acquisition des droits dits de la troisième génération : droit à l'éducation, à la santé, au travail, à un toit décent,  et à la technologie.
Des exigences à n'en pas douter qui installeront le Sénégal dans  une «troisième République » celle des valeurs d'équité, de justice, de travail, de solidarité, d'exigence et de probité morale tel que prôné par Macky Sall.  Une nouvelle ère démocratique, sevrée de fraudes électorales, une démocratie participative de citoyens imbus des valeurs d'autonomie et de liberté, autrement dit celle de la démocratie 3.0.

Qui disait  à tort que la démocratie n'était pas faite pour l'Afrique ? Elle semble plutôt en avance .

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