Guinée: L'intérêt du Pays avant tout

30 Mars 2012
tribune

Ces dernières semaines, le Président de la République de Guinée, le Professeur Alpha Conde, et l'opposition n'ont pas réussi à aplanir leurs désaccords relatifs à la tenue des élections législatives dont la CENI a fixé la date au 8 juillet.

Les partis de l'opposition ont, à maintes reprises, insisté sur le fait que la restructuration de la CENI, afin qu'elle y soit représentée de manière plus équitable, ainsi que l'audit et l'actualisation de la liste électorale font parties des préalables à l'organisation des législatives. Le Gouvernement quant à lui demeure ferme sur le caractère inutile de la restructuration de la CENI (étant donné que les partis étaient consultés au moment de sa mise en place) et sur la nécessité de changer de fournisseur des équipements de recensement des électeurs.

Devant le constat que le Comité de dialogue présidé par Monseigneur Albert David Gomez n'a pas réussi à rapprocher les positions des protagonistes, le Gouvernement a décidé, de manière unilatérale, de la poursuite du processus électoral.     Malgré l'apparente simplicité des points de désaccord, le manque de consensus s'explique dans une large mesure par la crise de confiance grandissante entre les deux parties.    Les deux camps se méfient l'un de l'autre et chacun cherche à tirer profit de la plus petite occasion pour sont propre avantage électoraliste.

Au cœur de cette crise se trouve le souci de la victoire aux prochaines élections législatives.   Les deux parties abordent ces questions avec à l'esprit le souci d'accroître leur chance de succès plutôt que le souci de ce qui est mieux pour la Guinée.   Les arguments en faveur de la position de chaque camp peuvent théoriquement se défendre (être irréfutables), mais leur incapacité à trouver un terrain d'entente, le juste milieu est la manifestation de ce qu'ils placent leurs intérêts propres avant celui du pays. Dans une démocratie fragile comme celle de la Guinée, le compromis devrait être un élément clé de la politique. Il est très important de trouver les voies et moyennes pour protéger les intérêts des partis politiques sans compromettre la stabilité nationale et la qualité des élections.   Dans le souci de trouver un terrain d'entente, chaque camp devrait tenir compte des préoccupations de l'autre.

Cette impasse a un coût pour la Guinée. Plusieurs partenaires au développement conditionnent la concrétisation leurs engagements à la tenue des élections et à la réalisation ne serait-ce que d'un semblant de stabilité dans le pays. Ces disputent continuent de distraire une partie des efforts que le Président Conde devrait investir dans la satisfaction des besoins élémentaires des populations guinéennes. Il est également possible que cet imbroglio politique accentue les anciens clivages et même dégénère en quelque chose dont la Guinée n'a pas du tout besoin : la violence et l'instabilité.

Il est nécessaire que le Gouvernement Guinéen comprenne   l'importance du rôle qui est actuellement le sien dans la garantie du succès du processus électoral.    Tout boycott des élections par l'opposition portera un coup fatal à la crédibilité du processus et contribuera à la déstabilisation de la démocratie en Guinée.   Obtenir la participation de l'opposition est la seule option.   Le fait que l'opposition soit incontournable pour la réussite du processus de transition devrait inciter le Gouvernement à prendre les décisions (parfois difficiles) susceptibles d'aider à apaiser ses appréhensions.   Le gouvernement devra continuer à fournir plus d'efforts pour restaurer la confiance et consolider son capital de crédibilité aux yeux de l'opposition.   Le gouvernement doit se soumettre au cadre de dialogue de la Commission de dialogue et respecter ses décisions.

Pour leur part, les partis de l'opposition doivent rechercher la solution au désaccord dans le cadre du dialogue et non dans les rues de Conakry.   La préoccupation principale devrait consister en la recherche de terrain d'entente afin de remettre le processus de dialogue sur les rails.   Le dialogue est la seule voie de résolution de cette impasse, il n'y en a pas une autre. Ils doivent éviter de chercher à saboter le processus à chaque étape. L'opposition doit placer l'intérêt de la guinée au dessus de tout, même si le prix à payer ce sont les résultats des élections. Le Leader de l'opposition, M. Cellou Dalein Diallo, tout en déclarant regretter que la Cour Suprême n'ait pas traité tous les recours, avait fait une concession majeure en acceptant quand même les résultats de la présidentielle de 2010. Une telle grandeur d'esprit demeure nécessaire.

Devant une classe politique indécise, la société civile doit se donner les moyens   à la mesure du défi en proposant des voies et options alternatives pour la résolution de cette crise.   La société civile doit s'organiser afin d'articuler des propositions de voies de sorties à soumettre à la Commission de dialogue.   Il est également important de mettre la pression sur le gouvernement et l'opposition afin qu'ils se remettent autour de la table de négociation pour la recherche de solutions aux défis de la Guinée.

Par ailleurs, la communauté internationale ne devrait pas rester les bras croisés, mais plutôt apporter les appuis nécessaires pour inciter chacun des protagonistes à aller dans la bonne direction. La communauté internationale   devrait user de tout son poids diplomatique pour prévenir la dégradation de la situation en Guinée.

Il n'y aura pas d'un côté les vainqueurs et de l'autre les perdants. Il est seulement possible pour les Guinéens soit de gagner, soit de perdre tous ensembles.   La Guinée, après une histoire faite de turbulence sociale et d'instabilité politique, a une opportunité de changer le cours des choses et de repositionner le pays sur le chemin de la stabilité politique et économique. Il suffit pour saisir cette opportunité de placer l'intérêt du pays avant tout.

Udo Jude Ilo est chargée de plaidoyer à la Open Society Initiative for West Africa (OSIWA)

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