Qu'elle fût à la fois courte et longue cette nuit du 07 mai 2012 ou le monde s'effondra sous mes pieds à l'annonce de la mort de Jules François Bocande, trois jours après celle de Rashidi Yekini.
Nous, nous sommes tous sonnés par cette triste nouvelle, inconsolables devant ce coup du destin. Jules François Bocande s'est éteint.
Il a été l 'idole d'El hadj DIOUF, de Samuel Eto'o, Papis Demba Cisse, l'inspirateur d'attaquants de race comme Georges Weah, Tiehi Joël, Abdoulaye Traore « Ben Badi » , il a montré le chemin à Shabani Nonda, à Mamadou Niang et à Moussa Sow , il a été le protecteur de joueurs tels Luc Sonor, Samuel Ipoua, Souleymane Sané, il a ramené le Sénégal dans le gotha des grandes nations de football, il a été un capitaine courageux, un patriote à nul autre pareil, un joueur fantastique et un vrai champion.
Depuis l'annonce de son décès, le trémolo de sa voix rocailleuse bourdonne encore dans mes oreilles. Nous étions ensemble à la veille de la CAN 2012 et il me confiait ses espérances et ses angoisses sur notre sélection nationale. Je sortais d'un plateau télé et il me félicitait pour mes analyses et me disait au revoir, m'annonçant son voyage en France pour poursuivre sa rééducation, voir ses enfants et se reposer. C'était l'adieu qu'il me faisait.
Trois semaines avant, il m'avait accordé une interview pour le compte de mon émission Foot 7 sur Africa 7 et conduit par Latif Diop, auteur d'un livre sur son parcours. C'était son dernier rendez-vous cathodique.
J'ai eu l'honneur et le privilège d'être un journaliste à qui, il ne refusait rien sur le plan professionnel. Donc vous comprendrez aisément mon émotion et ma peine à évoquer ce grand champion, tant aimé, tant adulé sur le continent pour sa sincérité, son courage, son abnégation et son amour de la patrie.
Il n'y a pas un seul pays africain où on ne me demandait de ses nouvelles. Il est resté célèbre et populaire auprès des férus du ballon rond mais surtout auprès des anciens joueurs.
Je revois défiler les images de l'homme qui qualifiait le Sénégal à la CAN 1986, en Égypte avec un « hat trick » entré dans l'histoire et cela après 18 années d'absence de la scène continentale.
L'image d'un capitaine en larmes sur le banc de touche et se tenant la cuisse lors d'un mémorable match de demi-finale de CAN en 1990 contre l'Algérie, il avait été contraint d'abandonner ses coéquipiers à cause d'une blessure en cours de partie.
Je le revois en guide morale des " Lions " sortant toujours le premier des vestiaires lors de l'épopée de la génération 2002 du Sénégal, à Bamako, en Corée du sud, au Japon et sur tous les stades d'Afrique.
Je me rappelle notre longue nuit de conversation dans un hôtel d'Accra ou il était venu recevoir un prix de la Caf pour service rendu au football africain, et je m'étais offert ce voyage pour assister à ce couronnement. Et quoi encore ?
Elles sont nombreuses les images de cet homme sain, généreux et au cœur pur qui nous a procuré tous les plaisirs du monde sur un terrain, qui nous a rendu notre fierté nègre en terminant meilleur buteur du championnat de France en 1986.
Le premier africain d'ailleurs malgré la présence de génies comme Larbi Ben Barek, Laurent Pokou, Salif Keita et Mustapha Dahleb dans ce championnat plusieurs années plus tôt.
Quel Sénégalais ne s'est envolé au ciel, un soir de pluie dans son "jardin" du stade de l'Amitié, lorsque Bocandé nous assurait à nouveau une qualification contre la Tunisie ?
Le Sénégal ne l'oubliera jamais et je milite fortement pour des actes et des symboles forts qui saluent sa mémoire et immortaliser son œuvre et son parcours.
Les autorités de l'Etat sénégalais, les dirigeants de notre football devront lui rendre un hommage national, digne de son statut d'héros national qui, certes ne le ramènera pas, mais gravera à jamais dans notre conscience collective son nom. Il est définitivement devenu un patrimoine sportif sénégalais.
Je propose modestement un certains nombres de mesures à prendre pour perpétuer l'héritage de Jules ou Fanfoo ou encore Boc.
1- rebaptiser le stade Aline Sitoe Diatta de Ziguinchor à son nom
2- nommer le trophée du meilleur buteur du championnat sénégalais de ligue, le trophée Jules François Bocande.
3- décréter la journée du 07 mai comme une journée de commémoration au sein de la fédération sénégalaise de football
4-nommer le bus de la sélection nationale du Sénégal de football, le bus Jules François Bocande et chaque joueur qui y montera devrait être un Jules Bocande en puissance ou en devenir du point de vue du patriotisme et de l'engagement.
5- créer un musée du football sénégalais au sein duquel il aura à l'instar de toutes les légendes de notre football une place de choix.
Et oui, il faut que nous nous rendions à l'évidence que Jules François Bocande ne sera plus des nôtres et mon seul regret est qu'il ne verra pas le Sénégal brandir le titre de champion d'Afrique de football, pourtant imminent, car Jules avait déjà posé, il y a de cela plusieurs années comme joueur, capitaine, entraîneur puis dirigeant, les premiers jalons de cette victoire finale.
ADIEU mon grand, Dieu veillera sur toi à l'au-delà, ta place ne peut être qu'au paradis.
Aliou Goloko
Journaliste
golokosn@yahoo.fr