Abuja-Nigeria — La classe dirigeante nigérienne a honoré la CEDEAO en décernant de prestigieuses distinctions aux membres de l'équipe de médiation que l'organisation avait dépêchée en 2009 au Niger pour aider à dénouer la grave crise politique qui paralysait le pays. Au cours d'une cérémonie solennelle organisée vendredi 3 août 2012 en début de soirée dans les jardins de la présidence de la République à Niamey, l'ancien président nigérian, le général Abdulsalami Abubakar, et les autres membres de son équipe ont été l'objet de toutes les attentions.
La cérémonie était présidée par le chef de l'Etat nigérien, M. Issoufou Mahamadou, entouré du président de l'Assemblée nationale, M. Hama Amadou, et des principaux dignitaires du régime, en présence notamment du président de la Commission de la CEDEAO, M. Kadré Désiré Ouédraogo, et de nombreux invités de marque.
Comme l'a expliqué le ministre nigérien des Affaires étrangères, de la Coopération internationale, de l'Intégration africaine et des Nigériens de l'extérieur, M. Marou Amadou, il s'agissait d'« honorer des grands amis du Niger, mais aussi des frères, qui se sont illustrés par leur action en faveur (du peuple nigérien) à un moment où il en avait grandement besoin ». Dans son allocation, M. Amadou a rendu un hommage vibrant au général Abdulsalami Abubakar et aux membres de son équipe de négociation, qui se sont mobilisés avec opiniâtreté pour sauver le Niger de la dérive politique à laquelle il était confronté. « Le général Abdulsalami Abubakar avait été choisi par la CEDEAO comme médiateur du dialogue inter-nigérien à un moment où notre pays traversait l'une des plus graves crises de son histoire.
Ce fut là un choix judicieux, le général Abdulsalami, dont la stature d'homme d'Etat n'est plus à démontrer, ayant été président de la République fédérale du Nigéria, ce grand pays frère auquel le Niger est uni par des liens multiples et multiformes », a-t-il souligné. En réponse à cette allocution, le général nigérian a exprimé sa gratitude, ainsi que celle de son équipe de médiation et de la CEDEAO, aux autorités nigériennes de les honorer ainsi et de faire coïncider l'événement avec la célébration du 52ème anniversaire de l'accession du Niger à l'indépendance.
Evoquant les « événements malheureux qui ont provoqué une crise constitutionnelle qui a menacé l'unité du pays », le général Abdulsalami a mis en exergue la résilience, la détermination et l'esprit démocratique des Nigériens qui ont permis, a-t-il dit, de surmonter la grave crise politique de 2009 et de restaurer la normalité constitutionnelle. Il n'a pas manqué de rendre un vibrant hommage à la CEDEAO pour son attitude proactive sur les questions liées à la démocratie, à la paix et à la sécurité dans la région. « Dès que la CEDEAO a réalisé qu'une crise couvait au Niger, elle est restée à son chevet jusqu'à la restauration de la démocratie et de l'Etat de droit », a expliqué le général Abdulsalami Abubakar.
Le président de la Commission de la CEDEAO, M. Kadré Désiré Ouédraogo, dont la rigueur, la compétence et l'efficacité ont été louées par les deux orateurs, a été chaleureusement remercié pour sa présence personnelle à la cérémonie, signe de son engagement, ainsi que celui de son organisation, à promouvoir la démocratie et la bonne gouvernance dans tous les pays de l'espace ouest- africain. Interrogé en marge de la manifestation, M. Ouédraogo s'est dit heureux et honoré d'avoir pris part à cette cérémonie par laquelle les autorités du Niger ont décidé d'exprimer leur gratitude à la CEDEAO à travers son équipe de médiation conduite par le général Abdulsalami Abubakar, qui a oeuvré de façon ardue pour le retour de la paix et de la stabilité au Niger. « Pour moi, c'est une distinction faite aussi à la CEDEAO en tant qu'organisation.
Donc j'exprime (notre) gratitude aux autorités du Niger et également ma fierté en tant que premier responsable de cette organisation pour la distinction qui lui est ainsi faite. Je voudrais saisir cette occasion pour renouveler mes félicitations à toute l'équipe des négociateurs et en particulier au général Abdusalami Abubakar qui, par sa sagesse, par sa patience, par son doigté, a su instaurer un dialogue fructueux entre toutes les parties prenantes de la crise au Niger et qui a débouché sur cet aboutissement heureux que nous connaissons », a conclu M. Ouédraogo.
A noter que le général Abubakar, qui avait déjà été décoré par les autorités nigériennes, a reçu à l'occasion sa médaille de Grand-croix de l'Ordre national du Niger, la plus haute distinction honorifique du pays. Il a été honoré en même temps que le sénateur Lawan Gana Guba, ancien ministre de la Coopération du Nigeria, l'ambassadeur Bagudu Irse, ancien ministre des Affaires étrangères du Nigéria, ainsi que le général Seth Obeng, ancien chef d'état-major de l'armée ghanéenne et ex-commandant du contingent de on pays au sein des forces de maintien de la paix des Nations unies au Liberia.
Ont également décorés l'ambassadeur Wisdom Baiye, diplomate nigérian ayant servi comme interprète auprès du président Olusegun Obasanjo ainsi que le général Ishola Williams du Nigeria, actuellement à la retraite, M. Babacar Guèye du Sénégal, professeur à l'université Cheikh-Anta-Diop à Dakar, et le Dr Abdel-Fatau Musah du Ghana, directeur des Affaires politiques de la Commission de la CEDEAO. M. Mohamed Diagne du Sénégal, ancien chef de bureau de zone de la CEDEAO basé à Ouagadougou, Mme Pierrette Kpegba, du Togo, assistante du président de la Commission de la CEDEAO, et le Dr Kwaku Asante-Darko, ressortissant ghanéen travaillant à l'Union africaine font aussi partie des récipiendaires.
La CEDEAO avait suspendu le Niger à la suite de l'adoption d'une nouvelle Constitution par une voie non consensuelle, lui reprochant d'avoir ainsi violé les textes communautaires sur la démocratie et la bonne gouvernance. Le président nigérien de l'époque, M. Mamadou Tandja, avait obtenu une rallonge de trois ans au pouvoir après dix années à la tête du pays, cela grâce à un référendum constitutionnel non consensuel et sur mesure organisé le 4 août 2009. Ce scrutin avait été boycotté par l'opposition nigérienne, qui dénonça un coup d'Etat. Pour pouvoir organiser cette consultation populaire, M. Tandja avait dissous le Parlement et la Cour constitutionnelle.
L'organisation régionale avait appelé au retour à l'ancienne Constitution. Le président Mamadou Tandja avait refusé et avait procédé à l'organisation d'un scrutin législatif basé sur la 'nouvelle' Constitution, scrutin également boycotté par l'opposition, ce qui avait plongé le pays dans une longue crise politique. Grâce notamment à l'équipe de médiation dépêchée alors par la CEDEAO, la situation avait fini par se décanter. L'armée est ensuite intervenue pour faciliter le retour à l'ordre constitutionnel, amenant le Niger à renouer avec une vie politique normale.