Sénégal: Inondations à Dakar - Après la pluie...la galère

un vieux sénégalais qui s'investit dans la banlieue de Dakar contre les inondations
17 Août 2012

Dakar patauge. La capitale sénégalaise s'est réveillée avec la gueule de bois après les pluies diluviennes qui y sont tombées dans la nuit du lundi 13 au mardi 14 août 2012. Elle est replongée dans la psychose des inondations causant ainsi une dizaine de morts et des blessés. Le lendemain, la population qui a subi de plein fouet ces intempéries essaye d'évaluer les pertes en vies humaines et dégâts matériels.

Après la pluie…la galère, serait-on tenté de dire, vu l'atmosphère qui a régné dans la capitale sénégalaise en cette fin de mois béni de ramadan. La ville a reçu 90 mille mètres cubes d'eau de pluie dans la nuit du 13 au 14 août 2012.

Conséquence, des pertes énormes. Rien que pour les dernières pluies, les Dakarois ont payé un lourd tribut. Une dizaine de morts suite à des effondrements de murs. La plus lourde perte a été enregistrée à Hann village, où six personnes ont perdu la vie. Leur tord c'était de vivre dans des habitations spontanées érigées au pied du mur d'une usine de fabrication de métal.

L'ambiance qui régnait encore aux environs de 13h30 dans ce quartier était très pesante. Les visages crispés renseignent sur le malheur qui frappe les habitants de cette localité. Une femme trouvée sur les lieux, avec une voix cassée, narrait péniblement le drame.


Habillée d'un boubou mauve, mouchoir de tête de même couleur, cette dame d'environ la quarantaine informe que c'est le mur de clôture de l'usine qui a cédé suite aux fortes pluies. A l'en croire, parmi les victimes figurent un couple, un autre homme et trois femmes. «Ils sont tous originaires de la région de Diourbel (à 146 kilomètres de Dakar, NDLR). Elles sont, comme la plupart des personnes ici, lingères, restauratrices, vendeuses, ménagères. Les chambres sont louées à 10 mille francs CFA par mois, mais les conditions de vie ici ne sont pas des meilleures ».

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Avec cet incident, s'est-elle désolée, «les gens ont tout perdu, surtout les maigres ressources qu'ils avaient épargné pour les envoyer au village». Sur les décombres, un groupe de jeunes filles fouillaient encore espérant retrouver argent, ustensiles de cuisine, habits et autres biens. La bonne dame dit être écœurée par le fait que personne n'est venu leur parler, ni les autorités et même pas le propriétaire de l'usine.

La même ambiance austère a été relevée à Grand Yoff, un autre quartier de la banlieue proche, où trois personnes dont un enfant sont décédées suite aux dégâts causés par les fortes pluies. Sur place un jeune trouvé dans le voisinage d'une des familles meurtries a confié que l'incident s'est produit aux environs de quatre heures du matin. Notre interlocuteur a avisé : «Le mur de cette maison s'est affaissé au moment où les membres de la famille tentaient d'évacuer les eaux de pluies qui avaient envahi leur maison. Malheureusement, un enfant de sept mois a été emporté par les eaux vers le grand bassin qui est à quelques mètres. » A l'en croire, il a fallu l'arrivée des sapeurs-pompiers pour extirper le corps sans vie de l'enfant.

Le sale temps après la pluie

Malgré la symbolique du 15 août, jour de fête de l'Assomption pour les fidèles chrétiens, le réveil a été difficile pour les habitants de cette ville cosmopolite, après le passage des pluies torrentielles de la veille. Le décor était le même partout avec des habitations, rues et ruelles conquises par des eaux de pluie qui ont fini de les transformer en marres ou bassins. Un tour dans la banlieue dakaroise, a permis de s'en rendre compte.

De la Médina (Centre-ville) à Keur Massar (limite de la banlieue) en passant par d'autres quartiers périphériques très peuplés comme Yarakh, Grand Yoff, Pikine, Guédiawaye, Yeumbeul, Thiaroye, Gounass, Dalifor…la désolation se lisait sur les visages des populations qui ont fait les frais du passage des eaux de pluie.

L'image qui se répétait est celle de populations mobilisées comme un seul homme, avec les moyens du bord pour faire libérer leurs quartiers ou habitations des eaux. Armés de pelles, piques et autres instruments du côté des hommes, seaux, bassines, marmites, entre autres, pour les femmes, les files indiennes partaient de l'intérieur des maisons vers les lieux d'évacuation, bas-fonds où sont érigés des bassins.

Malgré des journées alourdies par les exigences du jeun, les gens étaient au summum de leur détermination, car obligés de faire preuve de bravoure et de témérité pour évacuer les eaux. Une activité qui impacte doublement sur le quotidien des populations. Comme le témoigne Cheikh Ibra Fall, trouvé devant sa maison sous les eaux. «Je suis chauffeur de taxi, mais depuis hier (mardi 14 août 2012, NDLR), je ne peux pas bouger de chez moi à cause de l'état dans lequel se trouve ma maison». Bien assis dans son boubou de couleur noire, bonnet soigneusement serré à la tête, des chapelets et photos de son guide religieux sagement noués au cou, ce quinquagénaire, malgré la chaleur ardente gracieusement servi par un soleil de plomb, était déterminé à «chasser» les eaux qui ont pris chambres, cuisines, salle de bain, salon...

Pelle à la main et aidé par ses enfants, M. Fall a pu déposer des sacs remplis de sable à l'entrée de sa maison pour barrer la route à d'éventuelles coulées d'eaux. Avec un visage maquillé de grosses sueurs, il cachait mal le préjudice subi. «Imaginez-vous un père de famille qui ne va pas au boulot pendant deux jours et qui doit faire face à la dépense quotidienne surtout en cette approche de fête de korité où les dépenses passent du simple au double ».

Dans la maison d'en face, l'on aperçoit une femme faisant son linge dans une cour totalement envahie par des eaux de pluie. Son fils noué au dos, la dame, malgré des pieds trempés dans les eaux, était concentrée sur son sujet. Elle était secondée par un enfant, environ la quinzaine, qui avait la chance de porter des bottes en plastiques pour protéger ses pieds, contrairement à la presque totalité des gens rencontrés dans les zones inondées.

Cette même situation prévaut à Dalifor, un autre quartier de la banlieue dakaroise dont le maire, à travers les ondes d'une radio de la place, appelle à l'aide. Selon Idrissa Diallo, ce quartier très peuplé est totalement sous les eaux. D'ailleurs, un des employés de la mairie de Dalifor interpellé informe que « depuis le passage des fortes pluies, nous travaillons dehors. On est obligé de la faire parce que les sollicitations des populations nous interdisent d'arrêter le boulot même si tous nos bureaux sont sous les eaux ». Cette bonne dame fait savoir que la situation est pire dans les maisons de ce quartier. « Il y a certaines ménagères qui, du fait des eaux ayant envahi leur cuisine, sont obligées de préparer leur repas sur leur lit ou les escaliers pour que les gens qui ont jeuné puissent avoir quelque chose à mettre sous la dent après la rupture du jeun ».

Le piège des bassins de rétention

Si des infrastructures comme les bassins de rétention, aménagées pour alléger les difficultés des populations face aux inondations, ont été saluées, certaines d'entre elles renferment beaucoup d'inconvénients. Le revers de la médaille, c'est que ces «lacs artificiels à ciel ouvert» constituent un danger pour les enfants qui viennent y jouer mais aussi pour les populations, en général, avec la prolifération des maladies, des moustiques...

A Pikine Niety Mbar, Macodou Conté, la trentaine s'est réjoui de la présence du bassin de rétention construit en 2003 après la destruction de maisons qui y étaient bâties avant de reloger leurs occupants dans d'autres zones à travers un programme spécial très controversé, dénommé Plan Jaxay (L'oiseau en wolof). «Beaucoup d'eaux se sont abattues lors des dernières précipitations, mais Dieu merci, avec la proximité du bassin, nos maisons ne sont pas inondées».

Vêtu d'un short de couleur sombre et d'un tee-shirt jaunâtre, le jeune homme aux sandales, a fait savoir que cette situation s'explique par le fait que les sapeurs-pompiers ont pompé et épuré les eaux qui stagnaient dans le bassin depuis l'année dernière. Macodou Conté, debout à côté d'un groupe de femmes assises à la devanture de leur maison, située à quelques encablures du bassin, a, par ailleurs, tiré la sonnette d'alarme sur le danger que constitue ce bassin. «Malgré son utilité, ce bassin constitue un réel danger du fait qu'il n'est pas clôturé. Dans le passé, il y a des enfants qui y ont perdu la vie et actuellement d'autres viennent y jouer malgré la présence de surveillants. Nous invitons vivement les autorités à mieux sécuriser ce trou pour nous préserver d'éventuels cas de noyade». A son avis, l'autre inconvénient, c'est que le bassin est parfois transformé en dépotoir d'ordures. Un état de fait qui, à l'en croire, constitue un danger avec les populations qui seront exposées à des maladies respiratoires, dermatologiques ou des cas de paludisme.

Le bonheur des uns fait le malheur des autres. Si la proximité du bassin est jugée avantageuse par certains, tel n'est pas le cas chez d'autres personnes vivant dans les alentours de ces infrastructures. C'est à l'image de Cheikh Ibra Fall. Ce père de famille estime que le bassin de Pikine Niety Mbar ne leur sert pas à grand-chose. «Toutes les eaux de la localité se déversent dans ce bassin. Du coup, avec les forts ruissellements, nos maisons sont en permanences inondées». Pire, s'est-il désolé, «souvent les eaux de pluie se mélangent avec des eaux usées charriant ainsi toute sorte de maladie et de danger. C'est pourquoi nos enfants sont très exposés».

Les automobilistes n'ont pas été épargnés avec des chaussées prisonnières des eaux stagnantes. A part, les gros porteurs et autres grands véhicules, toutes les autres petites voitures avaient du mal à se déplacer. Les rares téméraires qui tentaient un forcing sont souvent piégés par des flaques d'eaux.

Ces dernières années, Dakar est réputée pour ses inondations. Une situation qui hante le sommeil des populations et même celui des autorités du moment que la météo nationale annonce l'arrivée prochaine d'autres fortes pluies. Un phénomène qui n'épargne même plus le centre-ville et les nouvelles infrastructures routières qui, jusque-là étaient épargnés par le phénomène des inondations. Un état de fait qui, selon plusieurs observateurs, met à nu les politiques d'assainissement et d'urbanisation, jusque-là appliquées.

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