Afrique de l'Ouest: Le million d'emplois de la pêche maritime en sursis

17 Avril 2013

Le million d'emplois que fournit la pêche maritime dans la sous-région est aujourd'hui en sursis. L'épée de Damoclès qui plane sur sa tête est la rareté des ressources halieutiques. Une situation de détresse installée, entre autres, par la pêche Illicite Non déclarée et Non réglementée (Inn) et la surexploitation des stocks. Au même moment, la Convention sur les conditions minimales d'accès aux ressources halieutiques, qui est un instrument de régulation concertée et harmonisée, signée depuis 1993, peine à être mise en œuvre au niveau des pays.  

Le secteur de la pêche en Afrique de l'ouest a un impact socio-économique certain. Sa situation dans la zone des pays de la Commission sous-régionale des pêches (Csrp) en est une référence. Composée de la Mauritanie, du Sénégal, de la Gambie, de la Guinée Bissau, de la Guinée et de la Sierra Léone, cet espace s'étend sur 1,6 millions de kilomètres carrés avec une population de 37 millions en 2010 dont les 70% sont en zone côtière.

La Csrp, citant la Banque mondiale, informe que la pêche dans cette région procure un million d'emplois (directs et indirects) et polarise près de 17% de la population active. Le parc piroguier est évalué à plus de 36 mille embarcations artisanales et plus 1200 unités pour la flottille de navires industriels, dont 750 bateaux étrangers opérant dans le cadre d'accord de pêche.

Au Sénégal, ce secteur représente 25 à 30% des revenus générés par l'exportation. En Guinée-Bissau, en Sierra-Léone et en Mauritanie, la pêche représente au moins 10% du Pib national. Au Cap-Vert, la pêche couvre 7 à 10% de l'économie nationale et en Mauritanie, elle représente 20% des exportations.

Dans cette même région, la consommation de poisson par personne est estimée à 20 kilogrammes par an. Un état de fait qui s'explique par une capture des pêches maritimes estimée à 1,7 millions de tonnes par an, dont environ 86% de petits pélagiques (sardinelles, chinchards, ethmalose, etc.) de faible valeur commerciale mais indispensables à la sécurité alimentaire au niveau régional. Il y a aussi le fait que la pêche assure 50% de la consommation totale de protéines animales des populations. La valeur annuelle estimée des captures est de 1,5 milliards de dollars US.

Cet ensemble d'éléments témoigne de la contribution significative de ce secteur d'activité à l'équilibre de la balance des paiements, sa possibilité réelle de créer des dizaines de milliers d'emplois, sans omettre sa participation remarquable à la sécurité alimentaires des populations des pays.

Impact de la pêche illicite et surexploitation des ressources halieutiques

Les ressources halieutiques sont de plus en plus rares et une bonne partie de la population de pêcheurs en pâtit. Un état de fait alarmant qui a amené la Csrp, une fois de plus, a posé le débat lors du 14ème Session extraordinaire de la Conférence de ses ministres dont la présidence est actuellement assurée par M. Moussa Condé de la Guinée.

Au cours de ces assises qui se sont tenues du 25 au 29 mars 2013 à Dakar, en même temps que la 24ème Session extraordinaire du comité de coordination de la Csrp, il a été souligné que le nombre croissant d'embarcations entraine une surcapacité de pêche d'où l'urgence de mieux les maîtriser. Il est certifié que la qualité des ressources halieutiques pêchée de manière illégale est presque aussi élevée que celle pêchée de manière légale dans certains États membres.

Selon la Csrp, les estimations varient, mais la valeur des ressources halieutiques pêchées annuellement de manière illégale en Afrique de l'Ouest est dans l'ordre de plus de 500 millions de dollars US en perte pour les économies de la sous-région. Les captures Inn sont estimées à 40% environ en Guinée-Bissau, et à 35% en Sierra Léone.

Dans ce même cadre, il faut y greffer l'action néfaste des bateaux européens et asiatiques. Ce qui a amené certains pays à procéder au gel des licences de pêche industrielle démersale côtière et à des armateurs étrangers. A l'ouverture de l'Assemblée générale, le Premier ministre du Sénégal, M. Abdoul Mbaye avait fait savoir que cette dernière mesure, en vigueur dans son pays depuis 2012, sera maintenue et poursuivie en 2013. Il a également fait état d'une généralisation du repos biologique à toutes les pêcheries artisanales et industrielles, réalisée en octobre et novembre 2012. Des mesures qu'il a soumises à l'appréciation des ministres de la sous-région.

Dans cette même foulée, il a été recommandée des propositions relatives à l'harmonisation des périodes des accords de pêche, ou de leurs suspension, à la synchronisation de la durée des suspensions des autorisations de pêche délivrées aux navires pélagiques étrangers, et à la concertation sur les repos biologiques pour tenir compte de la migration et des cycles de reproduction des espèces ciblées.

En plus des désagréments mentionnés plus haut, l'espace sous-régionale est également frappé par des menaces environnementales comme les perturbations climatiques qui entrainent un ralentissement de la circulation océanique avec de sévères conséquences sur les pêcheries et les écosystèmes. A cela s'ajoute le phénomène des rejets en mer de poisson qui contribuent à la pollution marine.

Le secrétaire permanent de la Csrp, M. Kane Ciré Amadou, informe que « le manque à gagner va s'aggraver en Afrique de l'Ouest pour dépasser le milliard de dollars ».

La Convention sur les conditions minimales d'accès aux ressources halieutiques

Malgré ce « désordre », le cadre juridique qui régit l'activité de pêche existe avec des conventions régionales et internationales qui ont été paraphées par les pays. Le hic réside dans les différences relevées au niveau national. C'est ainsi que les ministres de la Csrp ont été, à nouveau, sensibilisés sur la nécessité d'harmoniser les politiques de pêches au bénéfice des populations ou du développement du secteur artisanale qui contribue beaucoup à la sécurité alimentaire. D'où l'impérative de veiller à la mise en œuvre de la Convention sur les conditions minimales d'accès aux ressources halieutiques. Cet instrument de régulation mis en place depuis 1993 à Praia et révisé en juin 2012, peine à être appliquée au niveau des pays. Pourtant, renseigne la Csrp, elle aide à harmoniser leurs positions pendant les négociations sur les accords de pêche au sein des instances internationales. La convention leur permet aussi de disposer d'un ensemble de règles minimales pour accéder aux ressources halieutiques.

Pour rappel, créée en mars 1985, la Csrp devait matérialiser l'élan de solidarité et la volonté commune des États membres de conjuguer leurs efforts, de mutualiser leurs moyens et de coordonner leurs actions. Cet organisme sous régional dispose d'un plan stratégique 2011-2015 pour atteindre ses objectifs. Son secrétariat permanent demande le renforcement de son mandat pour devenir une organisation de coopération et de contrôle des pêches.

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