Nzerekore - Guinea — Une équipe multidisciplinaire de la Commission de la CEDEAO vient d'effectuer dans la région administrative de Nzérékoré, en Guinée, une mission destinée à évaluer les résultats du Projet d'appui à la CEDEAO pour le Développement et la Paix (PADEP) dont l'objectif sectoriel est de contribuer à la promotion de la paix et du développement dans les Etats membres.
Conduite en partenariat avec la délégation locale du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) et ses partenaires de mise en œuvre, la mission a essentiellement consisté en des visites de terrain et des échanges avec les bénéficiaires du projet sur l'appropriation et les conditions de pérennisation des acquis eu égard à la perspective de sa clôture prochaine.
En effet, le PADEP, dont la mise en œuvre a débuté en mai 2006 grâce à une subvention de 15 millions de dollars US consentie par la Banque africaine de développement (BAD), sera officiellement clos le 30 juin 2013. Le projet a été conçu pour couvrir les Etats de la CEDEAO, en se concentrant prioritairement sur les pays les plus durement éprouvés par des guerres et crises liées aux conflits (Guinée, Guinée-Bissau, Libéria et Sierra Leone).
L'objectif spécifique du PADEP est de renforcer les capacités institutionnelles de la CEDEAO et de la société civile dans les pays en situation de conflit en vue d'assurer la coordination et la mise en œuvre de la gestion des conflits et des actions préventives dans un environnement caractérisé par la bonne gouvernance. La mission pluridisciplinaire de la CEDEAO sur la Guinée, à l'instar de celles qui se sont rendues ces dernières semaines en Sierra Leone, au Libéria et en Guinée-Bissau, a surtout permis de voir des réalisations effectuées sur place dans le cadre du PADEP, essentiellement en faveur des réfugiés libériens établis dans la région, en collaboration avec l'UNHCR, partenaire privilégié de la CEDEAO dans l'opération.
En compagnie du point focal UNHCR pour le PADEP, Mme Marion Badot, et de représentants d'ONG partenaires telles que l'Agence de coopération et de recherche pour le développement (Acord) et l'Organisation pour le développement intégré communautaire de la Guinée (Odic), les membres de la mission de la CEDEAO ont vécu, trois jours durant, les réalités de ces ex- réfugiés. Trois sites de la Région forestière de la Guinée, frontalière avec le Libéria, ont été visités entre le 8 et le 10 mai 2013. Il s'agit précisément des réalisations dans les localités de Kouankan et de Lainé, mais aussi dans la banlieue de Nzérékoré, la principale ville de la zone.
Pilotée par M. Dieudonné NIKIEMA, gestionnaire du Fonds de la CEDEAO pour la paix (EPF), qui coordonne le projet PADEP, la délégation venue d'Abuja était conduite par M. Daniel Lago, conseiller juridique principal à la Direction des Affaires juridiques de la Commission de la CEDEAO. Elle comprenait également MM. Edmond Nanevie Amegassi, chef de division au Bureau de l'audit interne, Amadou Diouf, expert du Programme communautaire de développement (PCD) de la CEDEAO, et Mamadou Amat, chargé de communication à la Commission de la CEDEAO. Elle était également accompagnée d'une équipe de l'Autorité nigériane de télévision (NTA), chargée de produire un documentaire sur la mise en œuvre du PADEP dans les quatre pays cibles. Répondant aux sollicitations et questions de la délégation, les bénéficiaires, responsables UNHCR, représentants d'ONG et opérateurs locaux ont montré dans les détails les programmes réalisés sur ces sites dans le cadre du PADEP et qui s'inscrivent tous dans le cadre du volet «intégration socioéconomique et réhabilitation des réfugiés». Les échanges ont permis à la mission de s'enquérir du déroulement effectif du processus de sélection et d'accompagnement des réfugiés par les partenaires de mise en œuvre à travers des sessions de formation en entreprenariat, en initiation et en gestion d'activités génératrices de revenus (AGR). L'aptitude ou l'expérience particulière du réfugié à mener certains types d'activités est également prise en compte ainsi que la disponibilité d'un plan d'affaires.
Enfin, l'appui porte essentiellement sur l'achat de produits pour les activités commerciales, l'approvisionnement en semences et/ou matériel agricole, l'acquisition d'animaux, de matériel d'entretien et d'alimentation pour l'élevage commercial et la pisciculture. La fourniture de kits et matériels de construction pour les puits améliorés et les maisons, l'acquisition de médicaments par les mutuelles et le paiement de frais d'adhésion par les réfugiés, de même que l'achat de semences et de produits phytosanitaires pour l'agriculture ont contribué à améliorer les conditions de vie des bénéficiaires. Accueillie sur place par les autorités locales, aussi bien à Kouankan qu'à Lainé, la délégation a visité trois des puits améliorés avec pompe manuelle et quelques-unes des 85 maisons réalisés dans le cadre du PADEP, ainsi que les deux centres de santé, qui ont également bénéficié de l'appui du projet.
Dans le cadre des AGR, un étang piscicole et une porcherie permettent aux intéressés, organisés en coopératives, de bénéficier à la fois d'une meilleure alimentation et de revenus assez conséquents. Un des réfugiés aujourd'hui intégrés, Vonter Wilson, âgé de 47 ans et ayant fui la guerre dans son pays en 1993, a ouvert une boutique de vente d'accessoires pour téléphones mobiles grâce à l'aide fournie par le PADEP.
Dans cette localité non connectée au réseau électrique guinéen, M. Wilson et son épouse, équipés d'un groupe électrogène, font des affaires très lucratives en monnayant la recharge des appareils portables. Après avoir déchargé leurs téléphones par les appels effectués dans la journée, les habitants se bousculent au portillon pour les réalimenter, contre paiement, sur la batterie de chargeurs du couple Wilson. Pas très loin d'eux, sur la même rue, les dames Wata Kosia et Shea Koroma, associées à un autochtone du nom de Kaman Camara, tiennent une boutique bien achalandée en divers produits de consommation courante, et avouent bien s'en sortir sur le plan financier.
A ce jour, sur le financement octroyé par la BAD, la CEDEAO a fait décaisser en faveur de la Guinée un total de plus de 1 million de dollars US dans le cadre du programme PADEP, et qui aura touché pour ce pays environ 12 000 réfugiés, dont 10 000 Libériens et 2 000 Sierra-léonais.
Dans leurs échanges avec la mission, les réfugiés ont positivement apprécié leur collaboration avec l'UNHCR et les autres partenaires et exprimé leur profonde gratitude envers la CEDEAO et la BAD, soulignant l'impact très positif du projet à travers la possibilité d'extension de l'échelle de leurs activités et, en conséquence, d'augmentation de leurs bénéfices. Ils ont notamment insisté sur l'amélioration sensible de leurs conditions de vie, les revenus supplémentaires générés leur ayant permis de mieux subvenir aux besoins de leurs familles et aux frais d'éducation de leurs enfants, dont la plupart sont nés en Guinée forestière et vivent les mêmes conditions que leurs congénères autochtones. Il persiste cependant quelques difficultés, qui portent principalement sur la disponibilité des médicaments et les fréquentes ruptures pour certains remèdes essentiels.
En outre, les bénéficiaires ont souligné le coût assez élevé, selon eux, de la part qu'ils doivent acquitter (30%) pour bénéficier d'une maison à usage d'habitation. Au cours de la réunion d'évaluation tenue à la fin de la visite avec la responsable de la délégation du HCR à Nzérékoré, Mme Aminata Bamba, la mission de la CEDEAO a manifesté une satisfaction globale sur les réalisations du programme et noté l'impact réel des infrastructures construites en partenariat avec les réfugiés en vue de leur intégration locale et l'amélioration de leurs conditions de vie.
La mission a salué la qualité de la réalisation et de la gestion des puits améliorés ainsi que le relatif succès du volet «activités génératrices de revenus», avant d'observer la bonne visibilité des bailleurs de fonds que sont la BAD et la CEDEAO sur les infrastructures ainsi que la bonne appréciation de l'UNHCR et des autres partenaires de mise en œuvre de la part des bénéficiaires. En réponse, Mme Bamba et ses collaborateurs ont apporté des précisions utiles sur les observations formulées, indiquant notamment que le protocole pour l'acquisition des maisons a été révisé pour rendre plus supportable la contribution des bénéficiaires.
La chef de la délégation du HCR dans la zone de Nzérékoré a enfin remercié la CEDEAO et plaidé pour le renouvellement ainsi que la hausse de son appui en vue d'aider plus de réfugiés à s'intégrer.