Afrique de l'Ouest: Cheikh Adjibou Soumaré, Président de la Commission de l'UEMOA – « L'économie sous régionale est en mouvement »

15 Avril 2013

Les perspectives macroéconomiques sont bonnes dans la sous-région ouest-africaine. Le signal est donné par la croissance réalisée par la Côte d'Ivoire, malgré la crise qui sévit au Mali. Tirant le bilan de sa première année à la tête de la Commission de l'Uemoa, M. Cheikh Adjibou Soumaré, face à la presse économique sénégalaise, le samedi 6 avril 2013 à Dakar, revisite les réalisations en cours et celles envisagées pour maintenir la perspective de croissance noté dans la région ainsi que les défis à relever.

Bilan de la première année passée à la tête de la Commission de l'Uemoa

« Un an après ma prise de fonction, nous avons renforcé les acquis, poursuivi les chantiers en cours mais également initié d'autres chantiers. Un nouveau collège des commissaires a été constitué au niveau de l'Uemoa. C'est dans ce sens que nous avons initié une réflexion qui nous a permis d'envisager les actions nécessaires pour impulser la dynamique adaptée au contexte mais également aux défis que nous connaissons aujourd'hui.

L'Uemoa aura bientôt 20 ans. Beaucoup de choses ont changé. Nous avons conduit plusieurs chantiers, mais également mis en place un plan stratégique et initié beaucoup de réformes. Je citerais la réorganisation de la Commission, la dénomination de certains départements pour l'inscrire dans notre vision. Ce qui est en droite ligne avec les défis actuels qui ont pour noms : énergie, sécurité alimentaire, paix et sécurité mais aussi financement de notre économie.

Il y a également le renforcement des actions des services financiers pour plus de transparence, plus de célérité conformément à l'image que l'on voudrait d'une grande institution comme l'Uemoa. Il ne faut pas occulter la poursuite du processus d'intégration. Ainsi, le marché commun se construit toujours avec des textes renforcés, et des actions pragmatiques visant la qualité des biens et des services. Le principe de la libre circulation des personnes et des biens se renforce au quotidien.

Pour assurer le bien-être des populations, nous avons mené d'autres actions. Il s'agit de l'Initiative Régional pour l'Energie Durable (Ired). La conférence des chefs d'Etat avait jugé nécessaire d'ouvrir ces chantiers et d'en confier un à chaque président. C'est ainsi que le dossier énergie a été confié au président Yayi Boni du Bénin. La vision de l'Ired doit permettre à l'ensemble des citoyens de l'Union d'accéder à une énergie à bas prix au sein d'un vaste marché d'échange d'énergie électrique intégré, harmonisée à l'échelle de l'Afrique de l'Ouest. Produisant une énergie propre mais également s'appuyant sur des financements innovants qui reposent sur le Partenariat Public-Privé.

Le deuxième chantier relatif au financement de l'économie est présidé par M. Alassane Ouattara, président de la République de Côte d'Ivoire. Si nous avons des projets structurants, il faut trouver d'autres moyens de financement. Nous avons les moyens classiques de financement avec nos partenaires bilatéraux et multilatéraux. Nous avons jugé que ce partenariat, aujourd'hui, a atteint ses limites. Donc, il fallait trouver d'autres voies de financement de notre économie.

Nous sommes en train de travailler à amener d'autres partenaires, d'autres régions comme l'Asie à adhérer à notre Programme Economique Régionale. C'est ainsi que nous sommes en train de préparer une grande conférence en Asie pour mieux faire comprendre à nos partenaires ce qu'est l'Uemoa et quelles sont les potentialités de nos pays.

Il y a aussi le Comité de haut niveau sur la mise en œuvre du chantier paix et sécurité qui est présidé par M. Macky Sall, président de la République du Sénégal. Les chefs d'Etats ont jugé qu'on ne peut pas envisager un développement durable sur le moyen et long terme si les aspects sécuritaires ne sont pas pris en charge. C'est ainsi qu'ils ont demandé au président Macky Sall, à la dernière conférence des chefs d'Etats qui s'est tenue à Lomé, de présider ce haut comité qui a fait un travail important. Le rapport sera présenté à la prochaine rencontre des présidents de notre union. L'histoire leur a donné raison et pour preuve on a le cas du Mali qui, malgré les potentialités, malgré le train de développement qui avait été affiché, a malheureusement été confronté à cette crise. Donc ce chantier est venu à son heure ».

Un gap de 2400 milliards pour le PER

« Pour dérouler tout cela, nous nous adossons sur le Programme Economique Régional qui fédère l'ensemble des initiatives dans tous les domaines. Ce programme a été présenté à Abidjan et nous avons eu l'adhésion de la quasi-totalité de nos partenaires classiques. C'était un programme de près de 4400 milliards de F Cfa. Lorsque nous l'avons présenté, nous avons eu un financement de près de 2000 milliards de F Cfa. Nous  cherchons à combler le gap. Nous avons déjà commencé à y travailler, le président de la BOAD et moi-même. Nous nous sommes  rendus ensemble en Asie et avons déjà commencé à avoir l'adhésion de cette partie du monde au financement de notre PER. Nous avons prévu de tenir une grande conférence d'ici le mois de décembre 2013.

Il y a aussi le comité de haut niveau sur la sécurité alimentaire. En 2009, notre région a connu un choc avec la crise alimentaire. Nous avions commencé un premier programme de sécurité alimentaire. Malheureusement, il n'y a pas eu un suivi et nous avons été confrontés en 2011 à un problème aussi important que celui qu'on a eu en 2009. Les chefs d'Etat avait jugé donc qu'il fallait créer ce comité de haut niveau autour du président Mamadou Issouphou du Niger qui a demandé de travailler autour de cette question mais en ayant  comme base l'initiative que lui-même avait commencé à dérouler dans son pays et que nous appelons les 3N (Les Nigériens Nourrissent les Nigériens). C'est un programme ambitieux, qui comprend aussi bien l'hydraulique rurale, les aspects d'aménagement mais également  la motorisation de notre agriculture pour donner un plus à notre agriculture dans le chemin de la compétitivité ».

Perspectives macroéconomiques ?

« Au regard de toutes ces actions en cours et celles envisagées, les perspectives macroéconomiques sont favorables dans notre zone. Je donnerais simplement deux cas pour confirmer cette thèse. Le cas de la Côte d'Ivoire. Un pays post-conflit qui, un an seulement, après l'arrivée d'Alassane Ouattara à la tête du pays, s'est aujourd'hui positionné avec des taux de croissance de l'ordre de 8%. La Côte d'Ivoire a pu lever des ressources sur les marchés financiers, à un taux inférieur de celui de certains pays européens qui le faisaient à 6,5%.

Le deuxième exemple est le cas du Mali. Ce pays qui, malgré le conflit qu'il traverse, est en train de se positionner avec des taux de croissance de l'ordre de 4%. Cela signifie simplement que, nonobstant de la crise, les gouvernements sont en train de faire des efforts importants pour soutenir l'économie avec l'appui de l'Uemoa.

Aujourd'hui, je peux vous dire qu'il y a une vision nouvelle de l'Uemoa. Il y a un nouvel état d'esprit au sein de l'Uemoa. C'est grâce à une synergie d'actions que nous relèverons les défis de l'intégration économique de notre espace au bénéfice des populations ».

Le processus d'intégration avec la Zone Monétaire de l'Afrique de l'Ouest (ZMAO)

« Notre zone est déjà intégrée au plan monétaire. Nos huit pays ont la même monnaie depuis très longtemps. Les chefs d'Etat avaient pris la décision qu'à l'horizon 2015, ils allaient créer la Zone Monétaire de l'Afrique de l'Ouest et qu'à l'horizon 2020, cette zone monétaire et celle Cfa allaient converger vers une seule monnaie. Nous savons aujourd'hui qu'il y a des difficultés et que l'horizon que nous nous étions définis pour la création de la ZMAO ne pourra pas être respecté. Il nous faut envisager un autre horizon et la réflexion est en cours. Nous savons obligatoirement qu'il faut aller vers une monnaie commune pour conforter les tendances obtenues dans nos économies ».

Retards sur l'application des réformes sur les critères de convergence

« Nous avions défini plusieurs critères de convergences parce que si nous voulons aller vers une intégration réussie, il va de soi que nous ne pouvons avoir une économie sous-régionale dans laquelle cohabitent des économies qui divergent. C'est pourquoi les chefs d'Etats avaient défini quelques critères de convergences. A l'application, nous nous sommes rendus compte également que nous avons un retard important sur la convergence de nos économies. Et nous avons entamé une réflexion sur la pertinence de ces critères de convergence qui ont été définis il y a de cela 20 ans. Après tout ce temps, il faut faire une évaluation des critères sur la masse salariale, celui sur le déficit budgétaire, sur les endettements, sur l'inflation.

L'horizon pour les critères de convergence était 2013, mais il est certain qu'aujourd'hui, l'horizon que nous nous étions fixés de 2013 ne pourra pas être atteint ».

L'Uemoa dans le financement de la guerre au Mali?  

« Nous sommes certes concernés par ce problème géré par la Cedeao. Nous travaillons avec elle sur ces questions. Nous essayons d'apporter un plus en ce qui concerne la résolution de cette crise mais le problème mérite d'être posé. Si aujourd'hui, la France qui a apporté son soutien devait se désengager il va de soi que nous devons trouver des solutions pour le financement de la force qui sera présente sur le terrain. Nous, en tant qu'institution, ce que nous pouvons faire, c'est de dire quel support nous pouvons apporter à l'économie pour aller vers la réconciliation et vers une paix durable au nord du Mali.

Nous sommes également en train de travailler sur des programmes qui seront structurants au niveau des frontières entre les pays. Les populations qui sont dans ces zones ne connaissent pas les frontières. Vous avez une école au Sénégal, un dispensaire au Mali. Qu'est-ce qu'il faut faire pour que les populations des deux pays puissent bénéficier de ces mêmes infrastructures ? C'est la même situation au niveau de la frontière entre le Niger et le Mali, le Burkina Faso et le Mali… Nous voulons travailler plus sur les programmes économiques pour soutenir cette dynamique de croissance au niveau de ces pays pour que les populations frontalières puissent se sentir concerné ».

Ce qui est attendu de la baisse des taux directeurs de la Bceao

« La Bceao a baissé de 25 points de base son taux directeur. Il faut que cela soit répercuté aux secteurs réels de l'économie. La Banque centrales travaille avec les banques pour que cette baisse du taux de base de 25 points soit répercutée sur le financement de notre économie. Ce qui doit  permettre une plus grande accessibilité au crédit mais également une diminution de la pression  exercée sur le financement des entreprises ».

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