L’Afrique est dans l’attente d’initiatives qui réhabilitent ses valeurs et indiquent à ses populations, si diverses, une perspective de progrès qui découle de son propre génie.
La colonisation et l’asservissement, par la violence, du Continent africain avaient pour objectif, et ont gardé comme unique motivation, l’exploitation de ses ressources humaines et naturelles. Pour consolider un état de dépendance des peuples africains envers les envahisseurs, c’est dans leur esprit que l’école occidentale a installé comme modèle sa vision du Monde et sa notion du bien-être. Réduits à consommer sans retenue des prêts à penser et des objets de confort, des générations d’africains ont fini par accepter comme une fatalité le mode de domination occidental, son train de vie, ses idées, sa représentation du Monde.
Et pourtant, plusieurs siècles de compagnonnage avec l’occident ne nous ont pas apporté le bonheur. Pire, les africains sont de plus en plus malheureux, de plus en plus « pauvres » et, en conséquence, de moins en moins respectés. Le traitement fait aux immigrants africains, partout dans le Monde en atteste. L’arrogance dont font montre les occidentaux vis à vis des africains dans le cadre des relations internationales en devient, de plus en plus, insupportable. Je ne parle même plus de tous les mauvais traitements qui nous on été infligés depuis des siècles… De nos jours, la mondialisation et l’accessibilité de l’information nous fournissent, en direct, des raisons de nous interroger sur nous-mêmes et sur notre place dans le Monde.
Est-il acceptable qu’un Continent si doté en ressources de toutes sortes, et dont les populations se retrouvent parmi les plus jeunes au Monde, soit confiné à la dernière place de toutes les courses vers l’Excellence ? Les élites africaines, en charge de la destinée de nos pays et de ce Continent depuis plus de cinquante ans sont interpellées ! Convenons en une bonne fois pour toutes : L’Afrique n’existe dans aucune des nomenclatures contemporaines du progrès et figure, par contre, en tête de toutes les références en matière de calamités, de maladies et de misère. Aucun pays africain ne voit dans un avenir proche la solution à ses problèmes essentiels, sur la base du modèle occidental de bien-être. Ne nous laissons plus distraire par certains indicateurs qui décèleraient des frémissements de mieux-être par ci par là… La vérité c’est qu’il y a, franchement, quelque chose qui ne va pas !!
Il est donc temps de changer de cap ! « Lorsque l’on ne sait plus où l’on va, il faut retourner d’où l’on vient » dit un proverbe sénégalais. Cela ne veut point dire nous lancer dans une contemplation béate d’un passé révolu, mais prendre conscience de la voie sans issue vers laquelle notre fascination pour le modèle occidental nous a mené serait déjà un premier pas. Car il y a un fait nouveau : A y regarder de près, l’occident n’est pas aussi heureux que les mises en scène médiatiques de son apparente opulence pourrait le laisser croire : posez la question aux millions d’individus réduits au chômage par l’appât du gain d’une minorité de possédants. Observez l’implacable tyrannie des machines qui prennent les emplois à des humains pour assurer des gains de productivité à un système essentiellement arithmétique. Méditez sur les dérives pornographiques et lubriques du culte à l’infini du plaisir des sens et vous constaterez alors que l’humain, dans ce qu’il a de profondément divin, a pratiquement disparu du modèle occidental. Le consommateur, comme machine-objet à faire tourner une économie en perte de sens confirme, jour après jour, que l’occident est en voie de sous développement spirituel avancé. Et cela est plus grave et destructeur à terme que le sous développement matériel au nom duquel nous sommes étiquetés « pauvres et sous développés »!
Changer de cap, c’est se demander si la notion de « pauvreté » telle que l’occident l’entend nous concerne. Il appartient aux élites africaines de s’interroger sur toutes ces notions et les approches du développement telles que posées aujourd’hui ; on s’apercevrait que beaucoup de fausses définitions nous empêchent d’aborder les questions du bien-être de nos populations de façon correcte. Or, le développement c’est surtout le bien-être du plus grand nombre. Tant au plan de la santé que de l’épanouissement intellectuel et spirituel. Le développement ce n’est pas cette course effrénée aux biens entre individus ou entre pays. Regardons où cela a mené l’Humanité : une course, jusque, et y compris, aux armements pour semer la mort et la désolation… Il faut changer de cap et l’Afrique en a les moyens. Du fait même de son exclusion du jeu, l’Afrique a la possibilité d’explorer de nouvelles avenues pour ramener l’Homme au cœur des problématiques du progrès. Ironie du sort, notre « pauvreté » est une opportunité, une chance incroyable à saisir !
Pour aborder ces questions avec courage et imagination, une révolution culturelle et mentale est devenue incontournable pour mettre les élites africaines face à leurs responsabilités. Sinon elles se rendraient coupables de passivité face au défaut de perspectives offertes à la jeunesse et aux peuples africains. Formatées par l’école occidentale les élites africaines doivent s’affranchir et se préoccuper davantage à trouver des solutions concrètes aux problèmes qui assaillent nos masses populaires, rurales en majorité.
Les élites africaines, engagées dans des joutes verbales d’une activité politicienne, copiée et mal collée d’un occident en voie de décadence, doivent prendre conscience du fossé qui s’est creusé entre elles et leurs peuples …Sinon le réveil risque d’être brutal.
Changer de cap est devenu nécessaire, urgent et impératif. Le premier chantier, et non des moindres, c’est la remise en cause dans nos esprits des frontières héritées de la colonisation. Envisager le développement de l’Afrique comme un vaste mouvement de réappropriation de nos dynamiques sociales, culturelles, commerciales et économiques. Doter nos peuples des modalités technologiques et techniques de partage de l’information et de transport des biens et des services. Consommer ce que produit notre terre et devenir le grenier du Monde, produire des biens culturels enracinés dans notre patrimoine immatériel .Voilà quelques unes des pistes à explorer pour dégager l’horizon à la jeunesse africaine et l’occuper pour les cent prochaines années. Quant à nous, cinquantenaires en phase d’atterrissage, le temps de s’écouter, de se parler et d’agir ensemble est venu, pour baliser à nos enfants les voies de la Renaissance et du Progrès.
Tout cela est à notre portée.