Le 25 juin prochain à Dakar d'importants responsables viendront débattre de questions liées à la Cour pénale internationale (CPI). Nombre de représentants éminents des pays francophones du continent africain seront présents. Le Sénégal est d'ailleurs l'un des nombreux Etats africains à avoir soutenu dès le départ la CPI afin de donner un élan décisif à la lutte contre l'impunité.
Historiquement, Les Etats africains jouèrent un rôle clé dans la création de la CPI. Le Statut de Rome, qui est le traité fondateur de la CPI, reprend maintes positions africaines déterminantes, telles la priorité donnée aux procédures nationales, l'indépendance du procureur ou l'indépendance de la Cour par rapport au conseil de sécurité de l'ONU. Et aujourd'hui j'ai le grand honneur de présider une assemblée de 122 Etats membres dont 34 sont des Etats africains.
Tout récemment la CPI et ses activités ont été l'objet d'une attention considérable des medias internationaux. Une attention qui allait au-delà du suivi des cas individuels et qui portait sur des questions plus générales liées à la Cour. C'est le signe que, onze ans après sa création, la Cour commence vraiment à marquer de sa présence la scène internationale.
On ne se demande plus aujourd'hui (comme c'était le cas après la conférence de Rome en 1998) si la CPI aura quelque chose à faire, mais plutôt si elle ne va pas trop vite, si elle fonctionne comme on se l'imaginait. Les discussions auxquelles on assiste dans les medias, y compris dans les medias africains, révèlent un intérêt croissant pour l'institution, mais il arrive que certaines des données de base soient perdues.
On oublie que ce sont les Etats qui ont mis sur pied la CPI. Et que, par conséquent, ce sont les Etats signataires du Statut de Rome qui sont les vraies parties prenantes du système. La façon dont la Cour fonctionne aujourd'hui, quand elle traite du génocide, des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre, est la conséquence directe des décisions que les Etats ont prises lorsqu'ils ont forgé les textes fondateurs de la Cour.
Et les Etats parties au traité ont aussi la faculté – voire l'obligation – de mettre à jour ces textes fondateurs. C'est ce qu'ils firent par exemple en Ouganda en 2010 quand ils incorporèrent au Statut la définition du crime d'agression et les conditions de l'exercice de la compétence par la Cour a l'égard de ce crime. De la même façon, c'est avec l'adoption du Statut de Rome que furent décidées à la fois l'indépendance du procureur, qui est élu collectivement par les Etats, et ses pouvoirs d'investigations. On oublie parfois à quel point les négociateurs du Statut avaient insisté pour asseoir la CPI sur un traité international et pour assurer son indépendance par rapport au conseil de sécurité des Nations unies.
Un point très important, c'est la confiance que nombre d'Etats parties au traité ont exprimée à la Cour en lui déférant des crimes commis sur leur propre territoire (Ouganda, RDC, République centrafricaine, Mali, Comores). En faisant appel à la CPI, ces cinq Etats ont démontré qu'ils avaient confiance dans la capacité de la Cour à instruire des crimes alors qu'eux-mêmes n'étaient pas en position de le faire.
N'oublions pas que la CPI est une instance de dernier ressort. En signant le Statut de Rome, les Etats ont aussi entrepris de développer leurs capacités nationales d'instruction et de poursuite des crimes internationaux qui tombent sous la juridiction de la Cour. Le préambule du statut de Rome proclame qu' « il est du devoir de chaque Etat de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux ». Mais beaucoup d'Etats membres n'ont pas encore cette capacité et dans ce cas j'espère sincèrement qu'ils demanderont de l'aide aux organisations compétentes et d'autres Etats parties s'ils manquent la capacité interne d'adresser cette question.
Il faut que les Etats gardent continuellement à l'esprit que la réussite de la CPI dépend de leur coopération avec celle-ci. Le sentiment commun de prise en main et de responsabilité des 122 Etats membres doit aussi se traduire par un engagement permanent d'aider la Cour dans sa quête de justice internationale.
A Dakar les discussions se concentreront sur l'un des aspects de cette coopération : la protection des témoins. Ils sont indispensables à la Cour pour établir les faits et étayer les dossiers. Par la nature même de ses travaux, la CPI est souvent amenée à intervenir dans des situations de conflit ou immédiatement après, quand la sécurité est un élément déterminant. La Cour peut prendre des mesures pour protéger les victimes et les témoins, dont la négociation d'accords pour déménager les témoins. La conclusion de tels accords dépend entièrement de la coopération volontaire des Etats. C'est un des aspects que peut revêtir la coopération des Etats avec la CPI.
Tiina Intelmann, est la présidente de l'Assemblée des Etats parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale