Afrique de l'Ouest: Investissements Directs Etrangers – Le poids de l'instabilité sociopolitique

15 Octobre 2013

La floraison de crises politique, sociale et économique en Afrique pèse négativement sur le flux des Investissements directs étrangers (Ide). La région de l'Afrique de l'Ouest, devenue zone à risque infestée de foyers de guerres civiles, de coups d'Etats et de troubles sociaux, semble en souffrir le plus. Pour preuve, la Cedeao attire moins de 0,3% de l'Ide mondiale.

« Risque sociopolitique et investissements directs étrangers en Afrique de l'Ouest ». C'est l'un des thèmes débattus lors du Forum de réflexion et d'échanges sur l'investissement et l'environnement de l'entreprise. Cette rencontre qui s'est tenue le vendredi 11 octobre 2013 à Dakar a permis à des chercheurs, universitaires, le secteur privé et la société civile de démontrer l'impact négatif de l'instabilité sociopolitique sur l'Investissement en général et l'Investissement direct étranger (Ide) en particulier.

Posées par la fondation panafricaine TrustAfrica, le Centre de recherches pour le développement international (Crdi) et l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, les problématiques soulevées démontrent que l'Afrique est un continent très instable car elle a connu entre 1970 et 2002, 35 guerres dont une majorité de conflits internes. Une situation qui a impacté 20% de la population africaine et 15 pays.

Chérif Sidy Kane et Allé Nar Diouf, deux experts ayant menés une étude sur la question, ont révélé que durant la décennie 2010, plusieurs pays de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) ont connu des troubles politiques entrainant de graves conséquences économiques et sociales. A leur avis, les pays qui ont du mal à se frayer un chemin pour leur développement économique, sont enfermés dans quatre types de pièges dont ils peinent à sortir. Avant de souligner qu'il s'agit du cercle vicieux des conflits à répétitions, de la malédiction des ressources naturelles, de l'enclavement ou la proximité des voisins perturbateurs et la mauvaise gouvernance.

Moins de 0,3% de l'Ide mondial à la Cedeao

Étudiant l'impact des foyers de guerres civiles, des coups d'États et des troubles sociaux durant les deux dernières décennies, sur les investissements directs étrangers, M. Kane et M. Diop ont levé un coin du voile sur une meilleure compréhension du lien entre les facteurs extra économiques et ces types de capitaux, dans l'optique de donner des pistes pour améliorer le climat des affaires.

Un tour d'horizon qui leur permet d'affirmer sans ambages que le développement fulgurant des investissements directs étrangers, a quelque peu ignoré l'Afrique, et dans une large mesure la Cedeao. Citant le rapport de la Cnuced de 2010, ils confient que les flux d'Ide allant à l'Afrique sont retombés à 59 milliards de dollars, en repli de 19% comparé à 2008 et la Cedeao n'attire que 0,3% de l'Ide mondial. Dans cet espace géographique, soulignent les chercheurs, le Nigeria et le Ghana reçoivent l'essentiel des investissements étrangers avec respectivement 38% et 18%. Deux pays qui sont suivis par la Côte d'Ivoire et le Sénégal. Et pour les cas spécifiques du Nigeria, du Ghana et de la Côte d'Ivoire, les universitaires font remarquer que les flux d'Ide s'expliquent par le potentiel en ressources naturelles notamment le pétrole et les minerais.

Ahmadou Aly Mbaye, Professeur d'économie à l'Ucad et doyen de la Faculté des sciences économiques (Faseg) de rappeler que « l'investissement est un pari sur l'avenir. On engage ses ressources, on les immobilise et on attend un retour en contrepartie ». Le doyen de la Faseg de souligner que beaucoup de pays sont en compétition dans le monde en développement pour accueillir les investissements. « Les capitaux bougent à un rythme extraordinaire. Donc avec tout frein, en termes de risque politique ou d'autres facteurs, il est clair que les conséquences sur l'investissement sont dévastatrices ».

M. Mbaye fait remarquer qu'en termes d'investissement, des facteurs comme la sécurité, la stabilité politique et la rentabilité sont très pris en compte. Avant de relever l'atout que constituent les minerais sur l'environnement des affaires. « L'Angola, malgré les années de guerre civile qu'elle a connu, a été le pays africain qui a le plus reçu d'Ide parce que la rentabilité des investissements y est assuré ».

De la nécessité de redéfinir les paradigmes

Devant cet état de fait, Mansour Cama, représentant le secteur privé sénégalais à ce forum appelle à une redéfinition des paradigmes. Il s'est offusqué de la volonté affichée de certains pays africains qui offrent les meilleures conditions aux investisseurs étrangers en oubliant les investisseurs locaux.  C'est ainsi qu'il interpelle les autorités africaines sur la pertinence des indicateurs de croissance ou de performance généralement copiés d'Europe ou des Etats-Unis et qui sont appliqués dans nos pays.

A son avis, les universitaires doivent jouer leur rôle et avoir le courage de remettre en question les termes ou concepts qui viennent de l'extérieur. Il y a des préalables à donner aux termes comme émergence ou croissance. Avant d'ajouter que la question du financement de l'économie de nos pays doit être revue afin d'inciter les opérateurs économiques et le secteur privé à prendre plus de risques et investir en Afrique. Il appelle à une sécurisation de l'investissement privé tout en administrant une justice équitable.

Face à cette interpellation, le Pr Ahmadou Aly Mbaye de préciser que la vocation de l'université c'est de travailler la main dans la main avec les décideurs du public comme du privé pour s'assurer que les stratégies mises en place sont bien pensées, bien évaluées et dont les impacts sont bien cernés. D'après cet universitaire, la meilleure des recherches dans le domaine économique c'est que les résultats impactent sur les décisions politiques.

Avant de fustiger le fait que : « Les décideurs politiques appliquent ce qu'ils pensent être le mieux par rapport à ce qu'ils veulent faire. Les universitaires ont pour rôle de donner l'information par rapport à ce qui est jugé comme étant une bonne pratique. Une fois que cela est fait, le décideur est seul à déterminer la voie à emprunter », se désole-t-il.

"Le Rapport 2010 sur l'investissement dans le monde"

"Le Rapport 2013 sur l'investissement dans le monde"

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