L'Etat du Tchad se constitue partie civile sur le volet économique de l'affaire Hissène Habré. Le pool d'avocats qu'il a choisi pour défendre ses intérêts a déposé ce mardi 25 février, la lettre y afférente, au greffe des Chambres Africaines Extraordinaires. La délégation était dirigée par le Ministre de la Justice du Tchad, Me Béchir Madet.
Après avoir déposé une plainte, l'Etat tchadien qui estime avoir subi un préjudice énorme dans l'affaire Hissène Habré vient de se constituer partie civile. Elle prend ainsi l'engagement d'accompagner les chambres africaines extraordinaires dans ce dossier mettant en cause l'ex président du Tchad.
Le pool d'avocats choisi pour défendre les intérêts de l'Etat tchadien dans ce dossier a déposé une lettre de constitution de partie civile au greffe des Chambres Africaines Extraordinaires dont le siège est à Dakar.
Le Ministre de la Justice du Tchad, Me Béchir Madet qui dirigeait la délégation a confié à la presse, avoir fait le déplacement, au nom de l'Etat tchadien et en sa qualité d'autorité centrale, pour accompagner le pool d'avocats devant procéder à la constitution de l'Etat tchadien en tant que partie civile dans le cadre du procès Hissène Habré.
A l'en croire, le statut de la chambre extraordinaire prévoit que la constitution de partie civile peut avoir lieu à tout moment de l'instruction. M. Madet pense ainsi que les motifs pour lequel Hissène Habré est poursuivi, à savoir génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre et de torture font que la République du Tchad, est la victime parfaite des agissements de l'ancien homme fort de son pays.
Sur cette nouvelle donne, Me Philippe Houssine, coordonnateur du pool d'avocat de l'Etat du Tchad de préciser : « L'Etat tchadien qui a subi des préjudices est seul habilité à se constituer partie civile pour faire valoir ses intérêts, s'agissant des crimes économiques ».
De l'avis de Me Houssine, la constitution de partie civile de son client se justifie car : « L'Etat tchadien, premier victime et premier contributeur ne peut pas assister passivement au déroulement d'un tel procès. C'est ainsi qu'il a décidé de venir en renfort aux autres parties civiles mais uniquement sur le volet économique parce que le préjudice financier est énorme ».
A travers ses défenseurs, l'Etat du Tchad dit vouloir aider les chambres africaines pour ce procès qui permettra à beaucoup de familles de faire leur deuil mais aussi d'indemniser les survivants ou leurs ayants droit. « Ce procès permettra également au peuple tchadien de se réconcilier avec lui-même pour se consacrer à son développement», considère M. Madet.
L'Etat du Tchad s'engage ainsi à accompagner les chambres africaines extraordinaires lors de leur prochain déplacement à Ndjamena dans le cadre des commissions rogatoires. « Nous allons les inviter à visiter les grands charniers situés à l'Est, au Nord et à l'Ouest du Tchad. La commission rogatoire devra les constater pour que la conviction des juges soit emportée sur les dégâts et tout le mal qui a été fait au peuple tchadien par cet homme (ndlr, Hissène Habré)».
Pour sa part, le ministre de la justice Me Béchir Madet souligne : « Dans crime de guerre, il faut aussi dire qu'il y a la notion de pillage. Dans sa fuite, Habré n'a pas oublié de vider les caisses de l'Etat. C'est pour toutes ces raisons que l'Etat tchadien a décidé de se constituer partie civile ». Avant d'inviter toutes les victimes qui se murent encore dans le silence à aller porter plainte soit individuellement soit en groupe. « Il y a beaucoup de victimes qui vivent encore dans la peur mais il faut qu'ils sachent que le temps presse. Une fois la procédure clôturée, il sera impossible de se constituer partie civile », précise M. Madet.
La constitution de l'Etat tchadien sur l'aspect financier n'entrainerait-elle pas l'implication du Sénégal où « Habré aurait planqué une partie de l'argent emporté », Me Houssine de couper court à la question: « La procédure est en cours et le dossier est confidentiel. Attendez le moment venu pour voir si un Etat X ou Y sera impliqué ».
A la question de savoir pourquoi l'Etat tchadien qui dit être la principale victime est resté tout ce temps sans se constituer partie civile, le ministre de la justice de rappeler : « C'est nous qui avons demandé la commission d'enquête. Le premier travail fournit sur les crimes commis par Hissène Habré a été révélé dans le rapport de la commission d'enquête que l'Etat tchadien a mis en place ».
Interpelé sur une possible comparution d'Idriss Déby que les proches de Habré taxent de complice dans cette affaire, Me Madet de lancer : « La comparution du président n'apportera aucun élément nouveau et pour nous Habré est là, l'essentiel c'est de pouvoir le juger ». Acculé par la presse sur la relation qui existait entre Habré et Idriss Déby, le ministre de la justice tchadienne lance : « Avec les secrets de l'instruction, je n'ai rien à dire là-dessus mais le moment venu, quand la procédure commencera, vous en saurez un peu plus ».