Des problèmes à résoudre si l'Afrique du Nord veut se refaire une santé

26 Mars 2014
communiqué de presse

Une interrogation de nature empirique et historique continue de faire l'objet de plusieurs études sur les raisons et les facteurs distinguant les pays d'Asie et d'Amérique du Sud qui ont émergé des autres pays pauvres. Pourquoi ces pays ont-ils réussi à remporter le pari du développement, alors que les pays d'Afrique ont encore du mal à décoller de manière concrète et durable ?

Les hypothèses abondent sur les facteurs pouvant expliquer le miracle de ces pays qui ont réussi plus que la grande majorité des pays africains, y compris ceux d'Afrique du Nord. On a tour à tour considéré que c'était l'épargne, la culture, les institutions, qui pouvaient expliquer cette divergence. Mais c'est le capital humain qui ressort très nettement comme étant celui qui différencie, dès les années 1960, les pays émergents des autres pays pauvres de cette époque.

Parmi les composantes du capital humain, la santé joue un rôle central, et les pays émergents- principalement en Asie- ont échappé à la misère à partir du moment où ils ont commencé à faire des progrès en matière de santé et d'éducation. Les pays d'Afrique du Nord ont été tout aussi conscients de l'importance de ce pré-requis dans leurs politiques de développement respectives.

Dis-moi quelle est ta politique de santé, je te dirai qui tu es

En effet, dans la région d'Afrique du Nord, des efforts importants ont été fournis depuis les années quatre vingt pour développer le secteur de la santé. C'est ainsi que les investissements en termes de couverture médicale, de vaccination, d'accèsà l'eau et à une meilleure alimentation ont permis un recul de la mortalité infantile et maternelle et un allongement de l'espérance de vie. Cette dernière est passée d'une moyenne de 42.4 ans en 1950 à 68.3 en 2010, soit un gain de près de 26 ans. Selon le rapport sur le développement humain de 2013, l'Algérie, la Libye et la Tunisie font partie des 20 pays qui ont le plus fortement diminué leur déficit d'IDH entre 1990 et 2012. L'Egypte, la Mauritanie et le Soudan ont aussi amélioré leur moyenne.

Ces pays ont fait des efforts pour adopter des politiques de santé basées sur une approche horizontale intégrative et renforcer les interactions entre la santé, l'éducation, l'accès à l'eau potable et d'autres infrastructures, d'autant plus qu'ils avaient amorcé leur transition démographique dans leur majorité. Ainsi, le taux moyen de fécondité dans la région est passé de 5 à 6 enfants par femme à 2 ou 3 enfants, grâce notamment à l'éducation de la population en général et celle des filles en particulier, aux politiques de planification familiale, à l'arrivée des femmes sur le marché du travail, au recul de l'âge du mariage et au développement du travail féminin, sans oublier l'effet de la crise économique.

La conjugaison des trois facteurs - que sont la rapidité des changements socioéconomiques en cours, l'évolution des transitions démographiques donnant lieu à une augmentation de la population juvénile et un début de vieillissement de la population (dans la plupart des pays de la région la proportion des personnes de plus 60 sera de 20% en l'espace de 40 ans), et l'évolution des modes de vie - a donné lieu à de nouveaux modes de consommation, de nouvelles maladies et de nouveaux besoins qui vont représenter autant de défis pour les pays de la région.

Le revers de la médaille

Un exemple pouvant illustrer ces nouveaux défis de santé est le phénomène de l'obésité perçu aujourd'hui comme un véritable problème de santé publique qui nécessite un traitement et des solutions, ce qui va impliquer forcément de nouvelles dépenses et solliciter davantage les caisses de l'Etat.

Les quelques études déjà produites sur le sujet établissent que c'est un problème qui s'amplifie et qui touche une population de plus en plus jeune. Les femmes sont plus touchées que les hommes par le phénomène. En Egypte par exemple, selon une étude du Centre national de nutrition réalisée en 2002, 48,5 % des Égyptiennes et 16,7 % des Égyptiens âgés de plus de 20 ans sont obèses. Au Caire, une femme sur deux et un homme sur cinq de plus de 20 ans sont concernés par le problème, ce qui vaut à l'Egypte de figurer parmi les 20 pays du monde les plus touchés par cette maladie. Au Maroc selon les chiffres du Haut Commissariat au Plan publiés en juin 2011 sur la population adulte de 20 ans et plus, 33,7% sont affectés par la pré-obésité. Au total, 10,3 millions de marocains adultes, dont 63,1% de femmes sont en situation d'obésité ou de pré- obésité.

En Tunisie, l'obésité représente un problème de santé puisque une femme sur trois de 35 à 70 ans est considérée comme obèse. En Algérie, une étude du surpoids, de l'obésité et des facteurs associés au surpoids chez les élèves du cycle moyen scolarisés dans les collèges publics d'EPSP Bouzaréah réalisée en 2011, établit que la prévalence de l'excès pondéral est de 19 %, dont 17% chez les garçons et 22 % chez les filles.

L'amélioration du niveau de vie de la classe moyenne, les nouveaux modes de consommation, la « malbouffe » à cause du manque de moyens pour certaines catégories sociales, une tendance à la diminution de l'activité physique, etc. sont quelques unes des raisons qui sont à l'origine de la recrudescence de ce phénomène.

Un autre défi auquel les pays de la région sont de plus en plus confrontés est celui relatif à l'augmentation d'un certain nombre de maladies liées au vieillissement de la population tels que le cancer, l'hypertension artérielle et le diabète. Cette situation est de nature à exercer un pression supplémentaire sur les caisses de protection sociale.

L'incontournable nécessité de reformer

Faire face à ces nouveaux défis, y compris ceux liés aux inégalités en santé nécessite que les systèmes de santé développent une vision et une stratégie claires, de même qu'il faudra introduire des réformes afin de mettre en place des politiques de financement de la santé plus équitables et de réaliser la couverture universelle. Par ailleurs, le potentiel que le secteur privé représente en tant que soutien aux systèmes de santé publique devrait être mieux exploité.

Ces réformes requièrent aussi que les responsables de la région se penchent également sur la question relative aux infrastructures et aux ressources humaines dans les secteurs de la santé (accessibilité et proximité des soins, diversification et adaptation des spécialités aux nouveaux besoins, création d'emplois dans le secteur médical et paramédical, etc.).

C'est là le seul moyen de renforcer l'efficacité des politiques de santé en Afrique du Nord, et de donner tout son sens au développement inclusif et à visage humain dans la région qui se prépare à prendre le tournant décisif de l'après 2015.

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