Le projet de lutte contre la pauvreté NoPoor qui regroupe une centaine de chercheurs issus de 20 institutions de 17 pays, après inventaire des mécanismes jusque-là utilisés pour lutter contre la pauvreté, propose le développement de nouveaux paradigmes. Lors de ses assises du 6 juin 2014 à Dakar, chercheurs et décideurs ont mis l'accent sur la promotion des bourses familiales entre autres politiques mieux adaptées aux attentes des populations vulnérables mais surtout guidées par la recherche.
Lors de la décennie passée, il est constaté une croissance relativement forte aussi bien en Afrique, qu'en Asie et Amérique Latine. Une croissance qui, aux yeux de beaucoup d'observateurs, présente une double facette. Elle aurait permis une réduction assez significative de la pauvreté mais en même temps des groupes de populations sont encore dans une extrême vulnérabilité. Devant cet état de fait, les chercheurs ont convenu de la nécessité de mettre en place d'autres mécanismes et types d'interventions. Une donne dont le socle est le renouvellement des connaissances jusque-là utilisées sur la réduction de la pauvreté.
Réunis au sein du projet NoPoor ou « Pas de pauvreté », la centaine de chercheurs en conclave à Dakar, sur invitation du Consortium pour la Recherche Economique et Sociale (CRES), a planché sur la problématique. Dans sa démarche, ce réseau qui travaille depuis trois ans sur les questions de la pauvreté dans des approches multidisciplinaires, accorde plus d'intérêt au partenariat et interaction avec les décideurs publics, les organisations de la société civile, les organisations multilatérales et régionales.
Le directeur du CRES au Sénégal, Abdoulaye Diagne s'est réjoui du fait que les questions qui mobilisent depuis quatre ans le réseau NoPoor commencent à figurer en très bonne place dans les agendas des organisations internationales aussi bien que dans ceux des politiques. Le cas du Sénégal a été cité en exemple avec sa politique économique mettant l'accent sur la protection sociale à côté de la croissance, pour faire reculer la pauvreté. Pour renforcer cette option qui suscite beaucoup d'espoir, l'exemple du Brésil a été partagé et mis à l'appréciation des autres pays ayant pris part aux assises de Dakar qui avaient pour thème central « Contribution de la recherche et des politiques publiques dans le combat contre la pauvreté ».
Le Pr Joao Saboia de l'Université Fédérale de Rio de Janeiro a fait savoir qu'au Brésil, le programme de bourse familiale qui est expérimenté depuis 10 ans, couvre 14 millions de familles avec environ 50 millions de personnes touchées. Il assure que cette initiative a aidé à la baisse du taux de pauvreté depuis 2004-2005. « C'était une décision politique du nouveau gouvernement brésilien. Ce programme coute 0,5% du Pib. Ce qui est important mais l'économie brésilienne est en mesure de la supporter grâce aux bénéfices réalisés », justifie-t-il. Avant de préciser : « Pour avoir droit à ces bourses, les familles ont l'obligation d'inscrire leurs enfants à l'école et les femmes enceintes doivent respecter leur suivi médical. Ce programme travaille pour l'avenir en veillant sur la santé et l'éducation des enfants ».
Le Directeur du Consortium pour la Recherche Economique et Social, M. Abdoulaye Diagne place ce programme à caractère social dans le cadre des résultats provisoires obtenus par des institutions et des chercheurs implantés en Afrique, en Amérique Latine, en Europe et en Asie qui visent le renouvellement des connaissances sur le phénomène de la pauvreté et contribue à l'élaboration de politiques plus efficaces.
Des connaissances, des outils et des approches nouveaux
Se voulant rassurant, le directeur du CRES estime que la recherche apporte diverses nouvelles connaissances dans la lutte contre la pauvreté du moment. Beaucoup de pays ont des difficultés à bien identifier les pauvres, les vulnérables et voir comment ce fléau change avec le temps. Une maitrise de ces questions devrait aider à avoir des programmes plus ciblés et plus orientés vers les véritables bénéficiaires. Dans ce cas, M. Diagne pense qu'«il faut des outils et des approches nouvelles et la recherche est là pour les concevoir et les développer ». Pour lui, les stratégies qui vont avec cette option innovante sont de différentes sortes. Ce qui amène les chercheurs du réseau NoPoor à travailler sur diverses questions relatives à l'Aide internationale, la mise en place et l'évaluation de programmes de protection sociale.
Dans cette même veine, le coordonnateur du projet NoPoor, Xavier Oudin, ajoute l'effet du commerce international sur la réduction de la pauvreté. Pour lui, ce point touche les problématiques de la mondialisation et ses effets dans les pays pauvres. « Certains pensent que la mondialisation a des effets positifs sur le niveau de vie des populations, d'autres défendent le contraire. La recherche devrait permettre de mieux comprendre les mécanismes mis en œuvre pour voir si le commerce international, l'aide internationale sont efficaces pour réduire la pauvreté ».
A son avis, il sera également crucial pour la recherche de mesurer l'effet de la bonne gouvernance sur la réduction de la pauvreté. « on se rend compte que quelque soit les programmes techniquement valides et mis en place, s'il n'y a pas de bonnes politiques, s'il n'y a pas un régime démocratique, les effets de ces programmes de réduction de la pauvreté risquent d'être très réduits.
Le coordonateur de NoPoor assure que beaucoup d'efforts sont faits pour trouver le lien entre les préoccupations politiques et les liens avec la recherche.
Financé par l'Union européenne, coordonné par l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD), et lancé le 1er avril 2012, pour une durée de cinq ans, le projet NoPoor est le plus important programme de recherche de l'UE sur la pauvreté dans les pays en développement.
Dans un souci de mieux vulgariser son approche, le projet NoPoor ratisse large dans sa démarche. Après avoir tenu l'édition de l'année dernière de sa conférence internationale à Rio de Janeiro (Brésil), cette année à Dakar (Sénégal), les chercheurs se donnent rendez-vous à Hanoï (Vietnam) l'année prochaine pour mieux évaluer les politiques de réduction de la pauvreté et surtout l'impact de la recherche dans les politiques de lutte contre ce fléau. Auparavant une évaluation à mi-parcours sera menée à Bruxelles en Octobre/Novembre prochain pendant laquelle il est attendu de toutes les équipes NoPoor la présentation de leurs travaux à des experts de la Commission européenne dont des consultants, des professeurs, des fonctionnaires des organisations internationales...