Sénégal: Le procès de Karim Wade suspendu à plusieurs reprises

Karim Wade, fils et ancien ministre de l'ex-président sénégalais Abdoulaye Wade. Sénégal
31 Juillet 2014

Le procès de Karim Wade, le fils de l’ancien président du Sénégal, Me Abdoulaye Wade, qui s’est présenté à 10 h 10 minutes à la barre, ce jeudi 31 juillet 2014 au Palais de Justice de Dakar, a été suspendu à quatre reprises. Suite à un mandat d’amener servi par le juge, l’un des prévenus et témoin clé du nom d’Ibrahim Aboukhalil Bourgi dit Bibo, qui était hospitalisé dans une clinique dakaroise a été conduit manu-militari devant la barre ce matin. Citant le cas de Hosni Moubarak, le juge a pris cette décision qui intéresse un co-accusé Bibo Bourgie, cité dans le dossier de « corruption passive » et « enrichissement illicite », de près de 117 milliards de F Cfa qui pèse sur Karim Wade.

Karim, Karim, Karim…Libérez Karim ! Karim Président ! C’est les slogans que les centaines de personnes qui ont très tôt pris d’assaut la salle n°4 où se tient le procès du fils de l’ancien président du Sénégal, scandaient dès l’entrée de l’accusé, à 9 h 50mn, au Palais de justice. Une ambiance qui menace la tenue du procès et risque de perturber la solennité de l’audience.
Très au fait du règlement intérieur du lieu, les avocats de Karim s’attelaient à calmer les militants de Wade-fils avant l’arrivée du président de séance. Ça n’a pas eu grand effet car dès 10 h 25, un des supporteurs de Wade-fils, maîtrisé par deux gendarmes, a été évacué de la salle puis conduit à la brigade. Deux minutes après, l’audience est suspendue et une partie de la salle est évacuée à cause des cris des supporters. Le juge menace de faire évacuer l’ensemble du public si pareille situation se représente.

A la reprise de l’audience, le juge Henry Grégoire Diop, président de la Cour d’appel de Kaolack, appelle Karim lui demandant de présenter ses filiations et sa fonction. Comme fonction, le fils de Wade répond : « banquier et prisonnier politique ».

Le juge ordonne une suppression et lance un mandat d’amener pour Ibrahim Aboukhalil dit Bibo Bourgi qui bénéficie d’un contrôle judiciaire. Le certificat médical présenté par son avocat, Me Leyti Ndiaye, n’est pas accepté par le juge. Ce dernier qui accuse Bourgie d’avoir violé le code de procédure pénale a brandi le cas de l’ancien Président Hosni Moubarack d’Egypte qui a été jugé sur une civière.

Il faut rappeler que Bibo Bourgi a été opéré le 26 juin passé. Il est actuellement hospitalisé à la Clinique du Cap, à Dakar. Ses avocats affirment avoir sollicité une autorisation de sortie du territoire pour qu’il puisse aller se faire soigner à l’extérieur. « Actuellement, il a deux pathologies aggravées par un problème rénal. Il devait être opéré une deuxième fois et il est cardiaque. Toutes ces choses ont été déclarées à la Cour qui avait décidé de désigner deux experts pour étudier le dossier. C’est pour cela que nous sommes étonnés de la position du juge. Je suis outré quand j’entends le juge citer le cas Moubarak en exemple», se désole Me Leyti Ndiaye. Les avocats du prévenu qui dénoncent l’absence d’humanisme dans la position du juge, menacent de récuser le président de la Cour.

Devant cette nouvelle équation, un report plane désormais sur le procès qui risque de prendre une autre allure. Les avis des médecins sont attendus et on peut même s’attendre à une contre-expertise médicale. Les avocats font état de beaucoup d’incertitudes. Le document de référence a étudié pour ce procès fait 45 mille pages, environ huit gigas en version électronique. Une cinquantaine d’avocats sont annoncés pour l’ensemble des deux parties en plus des 92 témoins (à charge ou à décharge) dont Abdoulaye Diop et Pape Diop, respectivement ministre de l’Economie et des Finances et Président de l’Assemblée Nationale du temps de Abdoulaye Wade.

Après près de deux heures d’attente, Bibo Bourgi convoyé de la clinique au tribunal par la gendarmerie et l’administration pénitentiaire dans une ambulance médicalisée, s’est présenté aux environs de 12 h 20 sur une chaine roulante. Ainsi après deux heures d’attente, le procès retrouve sa solennité. L’une des radios locales informe que Bibo Bourgi est présent dans la salle avec deux bouteilles de perfusion pour répondre à l’appel du juge. Un face-à-face qui sera interrompu à nouveau par une autre suspension de séance. Pape Diop, aux environs de 13 h 12 informe que tous les témoins ont été libérés par le juge en attendant de recevoir ultérieurement une autre convocation. Il faut préciser que d’après la loi, un témoin n’a pas le droit d’assister au procès. Compte tenu de son cas, Bibo Bourgi est finalement autorisé à regagner sa clinique aux environs de 14 h. Le procès est à niveau suspendu pour une reprise prévue à 16 heures.

Karim affiche la sérénité

Vêtu d’un boubou blanc, Wade-fils, comme le surnomme la presse sénégalaise, a été escorté de la prison de Rebeuss au Palais de justice, par un important dispositif sécuritaire des gardes pénitentiaires. Avant d’embarquer dans le véhicule pickup qui le transportait, l’ancien ministre des transports aériens et des infrastructures a eu le temps de saluer les quelques personnes, composées en majorité de journalistes et photographes-reporters qui étaient amassés devant la porte.

Contrairement à la majorité des détenus qu’on installe généralement dans la cave, dès son arrivée au Palais de justice, Karim Wade a été installé dans le bureau du chef de cave. Un lieu plus confortable et digne du rang du prévenu du jour.

Karim Wade attendait tranquillement dans son box. Ayant perdu un peu de son éclat, il a pris du poids. Après son entrée dans la salle, il servait des accolades à ses avocats qui l’attendaient dans la salle et fait des signes de la main aux centaines de militants et supporteurs surexcités.

Le Cour avait fait son entrée dans la salle à 10 h 10 minutes avec les magistrats et les juges. Au même moment, les radios de la place signalaient que son père, l’ancien président de la République, Me Abdoulaye Wade, n’était toujours pas sorti de son domicile sis au quartier Fann Résidence. Mais son épouse, Viviane Wade avait pris place dans la salle d’audience quelques minutes après l’arrivée de son fils au Palais de Justice.

Avec ce procès, l’histoire juridico-politique du Sénégal ouvre une nouvelle page. Le mis en cause va répondre des accusions d’enrichissement illicite qui pèsent sur sa personne.

Un dispositif sécuritaire impressionnant

Compte tenu des enjeux, ce procès a un peu changé l’environnement du Palais de justice et même de la capitale sénégalaise. Le dispositif sécuritaire déployé est renforcé. Les entrées du Palais de Justice sont filtrées. Une file indienne impressionnante composée de curieux et de militants du Parti Démocratique Sénégal (PDS), s’est très tôt formée devant l’une des entrées du Palais de justice. La présence des forces de sécuritaire est perceptible au niveau de certaines artères de Dakar pour parer à toute éventualité.

La presse nationale et internationale s’est déplacée en masse. Ainsi que les organisations de défense de droits de l’homme. Me Assane Dioma Ndiaye, président de la Ligue Sénégalaise des Droits de l’Homme, invite le juge à respecter le droit à la santé de la personne en lui permettant de bien se soigner avant de se présenter à la barre. Seydi Gassama, secrétaire exécutif Amnesty lui emboite le même pas en estimant que le tribunal doit pouvoir accepter cette demande. Le président de Transparency International France, M. Jacques Terray se félicite de l’action entreprise par le Sénégal pour s’attaquer contre l’enrichissement illicite. « Il est essentiel pour l’Afrique de combattre les transferts et enrichissement illicites au moment où le continent a besoin de ressources pour les domaines de la santé, de l’éducation… »

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