Les pays africains ont de plus en plus recours au marché financier pour lever des fonds destinés à financer leurs programmes de développement et booster leurs investissements. Mais malgré les opportunités qu’il offre, le marché africain est encore à la traine par rapport à ceux occidentaux ou asiatiques.
« Développement des marchés financiers en Afrique ». C’était le thème principal du lancement du Master en finance de marché du Groupe École Supérieure de Commerce de Dakar (Sup de Co), tenu le 14 novembre 2014. Des échanges qui ont permis d’avoir une vue panoramique sur les bourses africaines.
Un exposé des services de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) informe que de 2011 à 2012, la capitalisation des bourses africaines est passée de 1 320 milliards USD à 1 481 milliards USD, soit une progression de 12%. Au cours du 1er semestre 2014, poursuit la BRVM, les marchés africains ont permis de lever plus de 808,5 millions de dollars US contre 757,5 millions de dollars US pour toute l’année 2013.
Le classement établi indique que les plus fortes hausses, en 2013, sont enregistrées respectivement à la BRVM, Stock Exchange of Mauritius, Ghana SE, Zimbabwe SE, Johannesburg SE, Nigerian SE et Nairobi SE.
Le « Top 18 des bourses africaines suivant la capitalisation boursière au 25 septembre 2014 » classe respectivement JSE Ltd., Nigerian SE, Egyptian Exchange, Casablanca SE, Nairobi SE. La BRVM arrive en sixième position
Concernant l’évolution du marché primaire du Marché Financier Régional, la BRVM informe que de 1998 à juin 2014, plus de 270 opérations ont été autorisées pour 3 669,5 milliards de FCFA mobilisés. Les ressources levées en 2013 s’élèvent à 512,28 milliards de FCFA alors qu’elles sont à 126,5 milliards de FCFA de Janvier à Juin 2014.
Toujours larguée à la dernière place malgré les efforts
Malgré ces résultats encourageants, les bourses africaines font face à plusieurs défis dans l’objectif de favoriser un meilleur financement des économies. Elles sont confrontées à l’étroitesse des marchés locaux, la faiblesse de la levée de ressources et celle des émissions du secteur privé.
Devant cette situation peu reluisante, les responsables de la BRVM recommandent la promotion du développement des marchés obligataires locaux, l’accélération de la mise en place d’Agences de notation financière et l’établissement des courbes de taux. Les places financières africaines sont également appelées à renforcer la demande intérieure avec l’amélioration de la culture financière et boursière des populations, le renforcement ou l’incitation de l’intervention des Fonds de pension et des Compagnies d’assurance (à l’image du Kenya, du Nigéria et du Maroc) mais également assurer un meilleur développement des produits d’assurance vie et la vulgarisation des « project bonds » pour le financement des infrastructures.
Au titre des marchés actions, l’Afrique se caractérise par une faible liquidité. La principale contrainte s’illustre du fait qu’en 2012, le Turnover des bourses africaines se fixait en moyenne à 9% contre 67,9% au Brésil; 87,6% en Russie; 144,4% en Arabie Saoudite; 164,4% en Chine.
Dans cette même veine, le continent se signale par la faible intervention des Fonds de Private-Equity. La BRVM renseigne que la part de l’Afrique Subsaharienne dans les fonds de capital investissement levés sur les marchés émergents de 2006 à 2010 n’est que de 4,8%. Le marché souffre aussi du faible nombre de sociétés cotées. Environ 2 000 sociétés cotées sont décomptées pour l’ensemble des bourses africaines contre 3 500 sur la place de l’Inde et 1 700 en Chine.
A cela s’ajoute le difficile accès des PME aux marchés. En Afrique, 60 PME cotées sont répertoriées en Afrique du Sud; 47 en Ile Maurice; 24 en Egypte; 15 au Maroc; 10 au Botswana; 9 en Namibie; 1 au Kenya; 0 au Ghana.
Entre autres écueils, le marché africain protégerait faiblement les investisseurs. L’Indice de protection des investisseurs en 2011 (échelle de 0 à 10) place l’Afrique Subsaharienne à la dernière place avec une note de 4,4. Un classement dominé respectivement par l’économie à revenu élevé de l’OCDE 6 ; l’Europe de l’Est et Asie Centrale 5,5 ; l’Asie de l’Est et Pacifique 5,3 ; l’Amérique latine et Caraïbes 5,1 ; l’Asie du Sud 5 ; le Moyen Orient et Afrique du Nord 4,8.
Le marché financier africain souffre également de la faible diffusion de l’information financière mais aussi d’intermédiaires peu expérimentés et d’une faible intervention des Fonds de pension et des Compagnies d’Assurance.
Face à l’énormité des enjeux, les spécialistes ayant pris part à la conférence de Sup de Co Dakar invitent les pays à prendre conscience du fait qu’« une bourse est un outil de développement et non de souveraineté nationale ». C’est ainsi qu’ils prônent le regroupement à l’image de la BRVM mais aussi l’élargissement du marché. Il est souhaité de travailler à rapprocher les places boursières de l’Afrique de l’Ouest à celles de l’Afrique du Nord et Centrale.
Le directeur général de Sup de Co, pour sa part, parle d’une démarche d’anticipation. Pour Aboubacar Sadekh Sy, « il ne sert à rien de courir derrière les progrès et innovations mais d’anticiper ». D’où, selon lui, la pertinence du master que son école vient de lancer avec l’appui de la BRVM pour aller à la recherche de compétences à mettre à la disposition du marché financier africain. Ce qui permet au directeur général de la BRVM d’assurer que le marché financier pourra franchir d’autres caps le jour où il aura des techniciens de qualité dans la bourse.