Après deux mandats à la tête de la francophonie, Abdou Diouf relève le caractère particulier que revêt le sommet de Dakar qui s'est ouvert ce samedi 29 novembre. Un rendez-vous qui, selon lui, doit marquer une ère nouvelle devant permettre à l'organisation internationale, dont la population est forte de 280 millions de locuteurs, de faire face aux défis de l'heure.
Le Secrétaire Général sortant de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), a mis les chefs d'Etats de cette communauté devant leur responsabilité. Devant un public acquis à sa cause et qui lui a décerné un satisfécit, l'ancien président sénégalais qui rend les reines de l'OIF, après 15 ans d'intermédiation et de brassage culturel, interpelle les chefs d'Etats et de gouvernement sur l'avenir de la Francophonie. Signalant les particularités du sommet de Dakar, il lance : « Si vous êtes convaincus que ce sommet ne doit pas être comme les autres, alors démontrez-nous que la Francophonie n'est pas une organisation comme les autres en continuant à lui octroyer, pour les années à venir, la confiance et les moyens de répondre plus que jamais présente à la renaissance du monde, tel le levain nécessaire à la farine blanche ».
Ainsi, animé par un sentiment de « mission accompli », M. Diouf galvanise ses « héritiers » en leur indiquant le chemin à suivre pour faire de la Francophonie, dont 55% de sa population vit en Afrique, un outil incontournable dans le gotha mondial. Pour lui, l'institution est en mesure de répondre aux défis de l'heure « grâce à la force de sa langue partagée, la langue française qui est devenue la langue de la non-allégeance à une mondialisation sans âme, la langue qui redonne voix aux sans voix, la langue qui redonne droit aux sans-droits, la langue qui redonne sens à un monde en quête de sens ».
Le secrétaire général sortant de la Francophonie estime que ce deuxième sommet de Dakar, après celui 1989, doit être le moment de célébrer la pertinence, l'acuité, la modernité du projet qu'avait forgé, pour les générations futures, les précurseurs de la Francophonie.
Cet ancien président du Sénégal pense que la plus grande menace qui guette, les populations n'est pas uniquement le terrorisme ou le changement climatique, mais l'immobilisme, l'égoïsme ou l'indifférence. Il a dénoncé le fait de renoncer à la solidarité, de faire prévaloir les intérêts particuliers sur l'intérêt général de la famille humaine. Il y greffe aussi la persistance dans l'idée d'une communauté internationale qui ne soit pas une véritable communauté démocratique de nations. Ainsi que le fait de repousser sine die les moyens par lesquels les Etats accéderaient au sens de la responsabilité universelle en remettant entre les mains d'un gouvernement d'union internationale la résolution des grands problèmes transnationaux.
Soutien aux pays touchés par Ebola
C'est sur cet élan de solidarité que le président français s'est appuyé pour appeler à la mobilisation contre la propagation du virus Ebola qui secoue des pays de la sous-région. François Hollande qui revient d'une visite à Conakry estime que « la solidarité doit s'exercer face aux dangers sanitaires. Nous francophones, nous agissons pour soigner, pour prévenir et informer, pour secourir les pays touchés et pour nous protéger nous-mêmes ». A son avis, les pays francophone doivent former le personnel soignant et ouvrir des centres pour les prendre en charge lorsqu'ils sont contaminés, « parce que les médecins et les infirmièrs ont payé un trop lourd tribut ».
Pour lui, la communauté francophone doit aussi ouvrir de nouveaux centres de traitement dans les régions les plus touchées. Il confie avoir rencontré à Conakry une jeune fille guérie d'Ebola, qui maintenant redonne de l'espoir aux malades en leur disant que la maladie peut être vaincue. Un courage et une humanité que le président français cite à titre d'exemple: « la vie doit prendre le dessus, la vie doit continuer, et c'est pour cela qu'il faut à tout prix éviter d'isoler les pays touchés par l'épidémie. C'est une course contre la montre : notre mobilisation doit être totale ».
Un appui qui a visiblement touché le président guinéen Alpha Condé qui, estime que la visite de Hollande à Conakry montre que les pays touchés par Ebola sont fréquentables. Dans cette même dynamique, son homologue du Mali, Ibrahima Boubacar Keïta, pour sa part s'est empressé de signaler : « à la date d'aujourd'hui, il n'y a plus de cas d'Ebola signalé au Mali ». Ce qui ne l'empêche pas d'inviter à la vigilance. Le Président du Sénégal, Macky Sall qui a exprimé sa solidarité envers les pays touchés a appellé tous les membres de l'OIF à se joindre aux efforts en cours pour soutenir ces pays amis et frères. Le président Joseph Kabila a quant à lui a invité à la proposition d'une résolution sur Ebola.
Des maux qui menacent la promotion de la femme et l'épanouissement des jeunes
A côté du virus Ebola, l'ouverture du 15ème Sommet de la Francophonie a été une opportunité pour exposer les maux qui gangrènent l'espace francophone. Des maux qui, selon la plupart des orateurs, menacent la promotion de la femme et l'épanouissement des jeunes.
Face au contexte actuel, le président Kabila considère qu'il convient de promouvoir une Francophonie économique en phase avec les aspirations des peuples. A son avis, la Francophonie dispose aujourd'hui d'un volet économique qui se consacre aussi à l'économie verte. Ainsi, sur les questions liées à la paix, la démocratie et les droits de l'homme M. Kabila relève que de multiples efforts d'accompagnement ont été déployés dans les pays affectés et prie qu'au sortir de cette rencontre de Dakar, que les participants soient mieux outillés pour garantir la paix, la protection de l'environnement et de la biodiversité, la promotion de la femme et de l'enfant…
Son homologue du Mali, Ibrahima Boubacar Keita, en a profité pour féliciter Mr Abdou Diouf pour ses médiations dans beaucoup de pays. Pour lui, le sommet de Dakar se tient dans un contexte marqué par des menaces terroristes et des foyers de tensions dans le monde. Avant de souligner que la gestion des conflits ne peut pas réussir sans l'implication des jeunes. Ce qui est confirmé par le Premier Ministre égyptien, Ibrahim Mahlab qui estime que les femmes et les jeunes ont joué un rôle essentiel dans le changement de l'Egypte au cours de ces trois dernières années, avant de déplorer : « Le terrorisme est devenu un commerce bien organisé dont les matières premières sont l'ignorance, la pauvreté…».
Le respect de l'ordre constitutionnel et de l'aspiration des peuples à des élections libres n'a pas été omis. Sur ce point, le président François Hollande pense que « ce que vient d'accomplir la Tunisie en est la plus belle illustration ». Pour lui, cette mobilisation doit servir de leçon. « Là où les règles constitutionnelles sont malmenées, où la liberté est bafouée, et l'alternance empêchée, les citoyens doivent trouver dans l'espace francophone le soutien pour faire prévaloir la justice et le droit. C'est ce qui s'est passé au Burkina Faso il y a quelques semaines. Le peuple burkinabé a fait une belle démonstration qui doit à mon avis faire réfléchir ceux qui voudraient se maintenir au-delà du temps nécessaire à la tête de leur pays en violant l'ordre constitutionnel ».