Afrique de l'Ouest: Projections « pessimistes » sur la réalisation du dividende démographique

Haliru N Yahaya, Emir du Shonga, Nigéria (à gauche), l'une des figures emblématiques ayant pris par à la Consultation Régionale sur le Dividende Démographique, Dakar du 26 au 27 octobre 2015
24 Décembre 2014

Le continent africain, avec ses forts taux de croissance escomptés, semble être dans la meilleure période pour réaliser le dividende démographique. Malgré cet environnement « favorable », les défis restent énormes vue le niveau de la qualité humaine, le faible accès aux structures de santé, le taux bas de scolarisation des jeunes et des femmes, une économie déséquilibrée par rapport aux attentes des populations.

Est-il possible de réaliser le dividende démographique en Afrique dans les années à venir ? La question s’impose après l’analyse des projections faites sur la situation du dividende démographique pour les femmes et les jeunes. Un concept que le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) définit comme la croissance économique accélérée qui peut être générée par une baisse soutenue des taux de mortalité et de fécondité d'un pays, suivie d’une modification progressive de la structure par âge de la population : la population jeune dépendante (moins de 15 ans) devient de plus en plus réduite par rapport à la population en âge de travailler (15-64 ans).

Lors de l’atelier régional des médias sur le dividende démographique en Afrique de l’Ouest et du Centre tenu du 18 au 20 décembre 2014 à Saly (Sénégal), l’UNFPA/WCARO informe que plus de 125 millions de jeunes filles et de femmes d'Afrique et du Moyen-Orient vivent en ayant subi une mutilation sexuelle – le plus souvent une excision. La même source indique que cette évaluation a été établie à partir des études réalisées au cours des vingt dernières années dans les vingt-neuf pays les plus touchés par ces pratiques. Avant de faire remarquer que l’altération de l’intégrité physique, psychologique entraine aussi l’altération de la capacité de la fille/femme à être à être autonome. Donc une altération de la capacité à réaliser le dividende démographique.

La moitié des 23 pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre a un taux de fécondité chez les adolescentes (15-19 ans) de plus de 100 par 1000. Il varie entre 53/1000 au Togo et 192/1000 au Niger. Le taux le plus élevé de naissances chez les filles de moins de 15 ans dans le monde: 6% contre 0,2% en Europe de l’Est et en Asie centrale.

Selon toujours l’UNFPA, une jeune fille de moins de 15 ans sur dix en Guinée, au Mali, au Mozambique, au Niger et au Tchad a un enfant, dû à un mariage précoce. De plus, selon les estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 45% des femmes en Afrique expérimentent une violence basée sur le genre.

Cet état de fait implique des conséquences sur la scolarité, l’autonomie économique, l’accès aux sphères de décisions et l’accès à la santé.

Dans la même dynamique, les dernières projections informent que non seulement l’Afrique a les niveaux de fécondité les plus élevés mais aussi cette tendance perdurera encore longtemps. Toutes les régions devraient progressivement connaître une baisse de leur fécondité dans les cinq décennies à venir. Les régions australes et septentrionales connaîtront les baisses les plus importantes.

Le Sahel plus qu’exposé

Cette situation n’est pas favorable à une région comme le Sahel qui est marquée par une forte incidence de la pauvreté, de l'insécurité alimentaire, et de multiples contraintes qui ont une incidence sur sa sécurité et développement. Il est également relevé qu’au cours des dernières années la croissance économique a été forte dans les pays de cette zone, mais n'a pas conduit à une hausse du Produit intérieur brut (PIB) par habitant et à améliorer l'égalité entre les sexes. Avant de souligner que la mortalité infantile dans la région du Sahel a diminué à un taux relativement rapide, mais elle n’a pas enclenché celle de la fécondité, ni de la mortalité maternelle.

Le Nigéria un géant aux pieds d’argile, éclairci au Rwanda, Cap-Vert, Tunisie…

Grand sur le plan superficie et démographie en Afrique de l’Ouest, le Nigeria est perçu comme un « géant au pied d’argile ». Les experts de l’UNFPA/WCARO qui ont soulevé ces tares ont mis le doigt sur les retards notés par rapport à la réalisation du dividende démographique de ce pays. Cette situation du Nigeria n’est pas lié à sa taille du moment que des pays comme Sao Tomé et Principe, petit par sa dimension, ont les mêmes problèmes.

Sur la même tendance, le Niger occupe une position de « champion » de la fécondité en Afrique de l’Ouest avec un taux de 7,58%. En dehors de la Mauritanie qui est à 4,96% dans tous les autres pays de la sous-région, la moyenne minimum est de cinq enfants par femme.

Vouloir atteindre le dividende démographique reviendrait à inverser cette tendance. Les pays africains sont ainsi appelés à saisir cette tendance haussière de la croissance attendue sur le continent. Une option qui reviendra à utiliser tout le potentiel de la femme. Ainsi, l’UNFPA /WCARO stipule que l’investissement des gouvernements dans le capital humain des femmes et le passage d’un taux de fécondité élevé à un taux de fécondité bas permettra d’augmenter les revenus des ménages et d’accroître les recettes fiscales.

Heureusement que des pays comme la Tunisie, le Cap-Vert ou le Rwanda montrent le chemin à suivre. Sur le cas du Rwanda, les chercheurs James Gribble et Jason Bremner, dans une note intitulée « Le défi d’atteindre le dividende démographique » informent que ce pays a fait des progrès significatifs pour réduire la fécondité et la mortalité infantile au cours de la dernière décennie. L’augmentation des investissements dans le système de santé a entraîné des améliorations rapides dans la survie de l’enfant et dans l’utilisation de contraceptifs modernes. La mortalité infantile a été divisée par deux en seulement dix ans et l’utilisation de la contraception moderne a plus que quadruplé. Aujourd’hui, les femmes ont en moyenne 4,6 enfants et le nombre d’enfants souhaité est tombé à trois, ont-ils souligné.

Ainsi, d’après eux, même si les progrès se poursuivent, plus de deux décennies séparent le Rwanda des conditions démographiques nécessaires pour récolter un dividende démographique. Ils retiennent ainsi que pour de nombreux pays d’Afrique subsaharienne qui ont fait moins de progrès, un dividende démographique est encore lointain. Pour accélérer la transition démographique, « la majorité des pays d’Afrique subsaharienne doivent augmenter de manière significative leurs investissements dans la planification familiale », recommandent-ils.

Une lueur d’espoir est également notée au Niger où, d’après les experts de l’UNFPA, /WCARO, dans les années 90, parler de réduction de la population était presque impossible face aux religieux. Une tendance qui est aujourd’hui en train d’être inversé grâce à leur prise de conscience et leur accompagnement dans le combat mené pour la promotion de la réduction des naissances.

Partenariat UNFPA-pays du Sahel Se à la place d’une assistance

Dans cette dynamique opportuniste, l’UNFPA/WCARO est dans une nouvelle optique consistant à se démarquer de l’assistance qu’elle apporte pour travailler sur la base d’un partenariat avec les pays du Sahel. Cette démarche consiste à faire de sorte que les pays acceptent de contracter des crédits auprès de la Banque Mondiale pour résoudre des problèmes de population. D’où la pertinence du projet Banque mondiale/UNFPA sur le Dividende Démographique au Sahel dont la signature de financement a eu lieu ce mois décembre 2014.

D’un coût global d’environ 200 millions de dollars US (plus de 100 milliards de F Cfa) pour une durée de cinq ans (2015-2019), ce projet concerne la Côte d’Ivoire, le Tchad, la Mauritanie, le Niger et le Mali. L’instrument de prêt sera un investissement de financement de projet alloué aux pays participants.

Le Burkina Faso et le Sénégal qui figurait sur la liste des pays bénéficiaires ont été enlevés, selon M. Huges Koné, Conseiller Régional en communication de l’UNFPA/WCARO, en raison d’un autre partenariat que ce pays négocie avec la Banque Mondiale.

Ce projet se donne pour but d’accélérer le dividende démographique en ciblant dans un premier temps la baisse de la fécondité et de la mortalité des enfants et ensuite, de façon spécifique, améliorer l’autonomisation des femmes et des adolescentes, améliorer l’accès à des services de santé reproductive, santé de la mère et de l’enfant…

Selon Idrissa Ouedraogo, le Conseiller régional en genre de l’UNFPA/WCARO, ce projet vise également l’engagement des hommes, des travailleurs de la santé, des cadres des gouvernements, de la société civile et les leaders religieux. Il confie que le projet à trois composantes dont la génération de demande pour les services de santé reproductive, la santé de la mère et de l’enfant pour la promotion de l’autonomisation des femmes et des filles. Tout ceci pour une enveloppe de US$93 million. A cela s’ajoute le renforcement de la capacité régionale pour la disponibilité des produits de planification familiale ainsi que des travailleurs de santé de haute qualification (US$ 73 million). La troisième partie est relative à la mobilisation de l’engagement politique et renforcement des capacités à prendre des décisions politiques (US$41million).

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