Le président Goodluck Jonathan a été battu à plate couture dès le premier tour de l’élection présidentielle par Muhammadu Buhari, avec 53,24% des suffrages. Beaucoup d’observateurs avertis ont vu cette déconvenue du président sortant arriver, à cause principalement de la terreur imposée par la secte Boko Haram mais aussi de la corruption qui n’a pas arrêté de gangréner le pays.
Le verdict d’une élection présidentielle au Nigeria polarise forcément toutes les attentions. Le pays vient d’ouvrir une nouvelle page de son histoire. Le pays s’achemine vers la première alternance démocratique avec la victoire de l’opposition progressiste de l’APC (All Progressives Congress ou Congrès de tous les progressistes). Muhammadu Buhari prend les rênes d’un poids lourd économique et démographique avec une population d’environ 173,6 millions d’habitants.
Défait, le président sortant, Goodluck Jonathan s’est distingué en reconnaissant sa défaite et en appelant son rival pour le féliciter. Le géant d’Afrique de l’Ouest vient de donner une leçon de démocratie malgré le stress qu’a suscité cette élection. Le Nigeria instable, semble enfin délivré, après une longue et haletante campagne électorale, son peuple. Cette élégance dont a fait preuve Jonathan ne cache pas pour autant les raisons de sa « défenestration ».
Un ancien militaire pour relever tous les défis
Le PDP (People’s Democratic People ou Parti populaire démocratique), au pouvoir depuis la fin du régime militaire en 1999, arrive au terminus. Goodluck Jonathan descend à l’âge de 57 ans. Muhammadu Buhari monte avec son parti de l’APC dans le bus pour diriger la destinée du Nigéria et amorcer un nouveau départ. Une tâche qui s’annonce peu aisée dans un climat d’insécurité pollué par Boko Haram. La majorité des Nigérians a jeté son dévolu sur Buhari. Est-ce lié à son expérience militaire passée ? L’avenir nous édifiera !
Le nouvel homme fort d’Abuja est ancien dirigeant militaire. Agé de 72 ans, il jouit d’une « petite » mais capitale expérience en matière de gestion du pouvoir du moment où il a passé vingt mois à la tête du pays (décembre 1983 à août 1985). Une période pendant laquelle, il avait fait preuve de fermeté dans sa démarche et sa manière de faire. Remportant 20 Etats contre 15 pour le sortant, Buhari est réputé comme étant un homme intègre et un militaire à poigne. Le « revenant » s’est engagé à mettre fin à l’insurrection en quelques mois et lutter contre la corruption. Buhari semble très tôt comprendre les défis qui s’imposent à son mandat.
Premier défi : la sécurité, Boko Haram dans la ligne de mire
Même si Boko Haram n’a pas réussi, comme promis, à dérailler le processus électoral, certains justifient la défaite de Jonathan principalement par la faiblesse dont il a fait preuve face aux exactions de la secte terroriste. Le groupe « islamiste » détient toujours des centaines de jeunes écolières en dépit d’une campagne mondiale dénommée « Bring Back Our Girls » qui a fini par s’essouffler. Une posture qui, d’ailleurs, a surpris plus d’un puisque le Nigéria est pratiquement la première puissance militaire d’Afrique de l’Ouest. C’est à l’image de son homologue tchadien qui, à deux jours du scrutin nigerian, l’a violemment chargé.
Malgré le fait que l’armée tchadienne a considérablement contribué à réduire les velléités de Boko Haram, Idriss Déby, a dans l’hebdomadaire français « Le Point », pointé du doigt la timide réaction des autorités nigérianes. L’homme fort de Ndjamena leur impute également le manque de coopération entre les armées nigérianes, tchadiennes et même camerounaises face à la menace des extrémistes. Une posture qui a certainement desservi Jonathan dans sa quête de suffrages pour sa réélection. Sur cet aspect, il est à noter aussi que le choix de la population nigériane a démenti les analyses qui plaçaient ce scrutin sous le signe d’une « confrontation » à distance entre musulmans (pro-Buhari) et chrétiens (pro-Jonathan). À travers ce dénouement, s’est exprimé un électorat déterminé à définir l’avenir du pays et à exercer librement un choix entre les offres politiques incarnées par deux principaux partis en lice. En toile de fond apparait une population avide de paix et de stabilité dans l’optique de jouir pleinement des opportunités économiques que regorge le pays.
Deuxième défi : Remettre à flot l’économie en éradiquant la corruption
À côté de l’insécurité, la corruption étouffe l’économie nigériane. En plus des petits trafics dans les services publics, le Nigéria est asphyxié par la perte de milliards de dollars dans le secteur pétrolier qui est une véritable pompe à fric pour de nombreux « vampires » même établis dans des pays occidentaux. La plus grande partie de la population nigériane n’a pas accès aux infrastructures sociales de base. Le Nigeria est pourtant le sixième producteur de pétrole dans le monde. Une situation que certains expliqueraient par le fait que depuis l’indépendance, il est évalué à environ 900 milliards de dollars US, les montants dilapidés par des responsables en échange de « services » rendus aux multinationales. Devant cet état de fait, l’équipe de Buhari est dans l’obligation de donner les moyens de sa politique à la Commission sur les crimes économiques et financiers du pays (EFCC), afin de contrecarrer ce fléau endémique qu’est la corruption.
Insécurité, corruption et économie des paris ambitieux mais pas impossibles. Donc « Goodluck » Buhari.