Afrique: Clément Capo Chichi - « La Cour Pénale Internationale est une juridiction complémentaire »

Fatou Bensouda
22 Juillet 2015
interview

Pour Commémorer la journée de la justice internationale, la Cour Pénale Internationale a organisé à Dakar les 20 et 21 Juillet 2015 une conférence internationale sous le thème « Souveraineté des Etats et Justice pénale Internationale », plusieurs représentants de la CPI y ont pris part, dont le Coordonateur Régionale pour l'Afrique Clément Capo Chichi qui a répondu aux questions d'Allafrica.

A l'instar de la conférence, aujourd'hui aussi s'ouvre le procès de l'ancien Président Tchadien Hissène Habré. En nous basant sur les propos du Garde des sceaux ministre de la justice du Sénégal et Président de l'Assemblée des Etats partis au statut de Rome M. Sidiki Kaba « L'Afrique juge l'Afrique ». Pour mettre cela en exergue est-ce envisageable que les chefs d'Etats et haut responsables présentement à la Haye soient jugés en Afrique comme le cas Hissène Habré ?

Comme l'ont exprimé les représentants de la CPI, madame la procureur de la CPI Fatou Bensouda , la juge Silvia Fernandez de Gurmendi , Présidente de la CPI et le président de l'Assemblée des Etats partis au statut de Rome Sidiki Kaba, nous sommes réunis ici sur une thématique très importante « Souveraineté des Etats et Justice Internationale », c'est vrai que l'idéal est que les africains jugent eux même les criminels ou présumés criminels.

La Cour Pénale Internationale est une juridiction complémentaire des juridictions nationales comme le dit l'article 1er du statut de Rome. Elle intervient en cas de crime grave, crime contre l'humanité et dans des cas de génocide, quand les présumés coupables ne sont pas jugés, ou que l'Etat ne témoigne d'aucune volonté de les juger, elle ne juge que les hauts responsables.

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Ce qui se passe avec le procès d'Hissène Habré est un pas important de la justice africaine et c'est ce que nous souhaitons. L'espoir que nous avons est que le procès se termine dans de bonnes conditions et que justice soit rendu aux victimes. Et que parallèlement il n'y ait pas un problème d'efficacité.

La préoccupation aujourd'hui est d'amener les pouvoirs à domestiquer le statut de Rome, c'est-à-dire à mettre en application les lois du statut de Rome, s'ils ont ratifié le statut de Rome, de tout faire pour rendre leur juridiction nationale forte pour pouvoir juger les mêmes crimes. Une fois que cela est fait, la CPI devient complémentaire.

Elle ne serait saisi que si l'Etat estime nécessaire que la CPI intervienne. C'est le cas de la Guinée avec les évènements du 28 Septembre, ou l'Etat a décidé de juger lui-même les présumés coupables. Dans ce cas la CPI l'accompagne.

Nous souhaitons au-delà de la coopération avec la CPI, que les juridictions nationales soient renforcées. Que nous ayons au niveau des pays africains une justice nationale efficace, ou le procès est, équitable, impartial et ou la présomption d'innocence est respectée. C'est ce que nous souhaitons, et c'est le plaidoyer que nous menons aux cotés de la Cour Pénale Internationale.

Revenons sur « L'Afrique juge l'Afrique » le procès de l'ancien Président Tchadien Hissène Habré. La presse a relayé l'information sur l'insistance et le refus catégorique de l'ex président sénégalais Maitre Abdoulaye Wade, d'extrader l'ancien Président tchadien. A qui revient ce mérite ?

Le mérite revient d'abord au Sénégal, qui a accepté de juger un ancien chef d'Etat sur son territoire. Le mérite revient aussi à l'UA qui a décidé de montrer que l'Afrique peut juger les africains. Nous estimons que c'est un premier pas et souhaitons que ce procès soit historique, et que les victimes qui ont soif de la justice aient droit à un jugement équitable.

La seule question qui reste à se poser : Est ce que le système pénal de justice africaine sera effectivement efficace pour faire face aux crimes atroces dont nous parlons ? Est-ce que lorsque vous avez une juridiction ou les juges sont nommés par ces chefs d'Etats en exercice, et que ces derniers se réunissent pour dire « Nous donnons l'immunité». Pensez vous que nous allons rester les bras croisés par ce que les africains ont décidé de juger eux même les africains ?  Non ! Nous devons maintenir la veille citoyenne et les appeler à rendre effectivement justice.

Nous voulons que nos hauts dirigeants soient jugés en Afrique. Mais est- ce que les infrastructures le permettent ? Donnons- nous les moyens et respectons le jugement rendu par cette justice là. C'est là tout le défi de la Cour pénale Internationale.

L'union Africaine a en vue une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples qui est censé se charger des jugements des crimes commis au sein du continent. Quelle est votre opinion sur cet organe de l'UA ?

Il est important de préciser avant tout, que la CPI intervient qu'au sein des Etas membres ou de ceux qui reconnaissent ses compétences. Jusqu'ici la plus part des affaires que traite la CPI ont été déférées par les Etats eux-mêmes.

Parlons de la Cour de Justice des droits de l'homme et des peuples, c'est vrai qu'il y a eu un protocole de Ouagadougou qui a amendé le protocole de création de cet organe. Mais ce protocole nous pose problème avec la création de l'article sur « l'immunité des chefs d'Etats », pour nous l'immunité est égale à impunité tout simplement.

Si les africains peuvent eux même juger les criminels, il est important qu'ils ne violent pas l'article 4 de la constitution de l'Union Africaine qui précise que l'impunité doit être banni et également l'article 27 du statut de Rome qui parle du défaut de pertinence, du défaut de la qualité officielle. Lorsqu'on vous confie un pouvoir, vous êtes élus par le peuple, vous avez l'obligation de protéger ce peuple. Lorsque vous violez les droits de ce peuple, justice doit être rendue.

Malheureusement ils ont plombé dès le départ la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, en insérant un article 46ABis qui parle de « l'immunité des chefs d'Etats et hauts responsables en exercice », ça veut dire qu'ils ne peuvent être jugés étant au pourvoir ! Quelle garantie avons-nous qu'ils vont quitter le pouvoir et pourront être jugés?

Est-ce là pour vous une faille ?

Oui ! Mais précisant également qu'elle n'est pas encore entrée en vigueur sachant qu'à l'état actuel juste onze pays ont signé mais ils n'ont pas encore ratifié or il faut quinze signatures. Donc nous, nous estimons s'il faut avoir une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, c'est une bonne chose, mais l'immunité des chefs d'Etats et hauts responsables en exercice, pose problème. ça viole l'article 4 de la constitution même de la charte africaine.

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