Guinée: Souviens-toi…le 28 Septembre 2009

Alpha Condé, Président de la République de Guinée
16 Octobre 2015
analyse

Les Guinéens ont-ils la mémoire courte ? La question s’impose vu le climat très tendu qui règne dans le pays où tous les yeux sont rivés vers les résultats partiels ou officiels de la présidentielle du 11 octobre 2015. Une situation que devrait éviter une population qui, jusqu’à présent, six ans après n’arrête pas de panser les plaies d’un tragique 28 septembre 2009 où plus de 150 personnes étaient massacrées dans le stade de Conakry.

L’interpellation est inspirée du film d'horreur américain « Souviens-toi…l’été dernier » ou Le Pacte du silence au Québec, réalisé par Jim Gillespie, sorti en 1997. Cette saga horrifique relate des meurtres en série subis par un groupe de jeunes ivres, revenant d’une virée nocturne en boite, avait renversé un badaud sur leur chemin. Croyant leur victime morte, les jeunes fêtards qui avaient pris la fuite après leur forfait, ont fait les frais de leur « proie ». Un an après l’accident, l’inconnu les a retrouvé avant de les massacrer, un à un, à coup de gaffe.

Ce scénario devrait interpeller la population guinéenne notamment son élite politique qui semble avoir la mémoire courte. Un pays qui, jusqu’à présent, souffre des stigmates d’un tragique événement du 28 septembre 2009 où 150 personnes ont été massacrées dans le stade de Conakry par des militaires guinéens sous les ordres d’un certain Moussa Dadis Camara.

Sept ans après, le peuple meurtri continue de pleurer ses morts et de réclamer justice alors que les principaux responsables, dont Dadis, reposent paisiblement dans les salons feutrés de résidences surveillées loin des regards des organisations de défense des droits de l’homme. Situation ne devrait être plus édifiante pour alerter une population qui semble jouer avec le feu en suivant aveuglément un jeu politique loin de la sainteté.

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Depuis le début de la campagne électorale pour la présente présidentielle, la plupart des populations vivent la peur au ventre. Avec les derniers heurs notés dans le pays, beaucoup d’observateurs pensent que la Guinée s’achemine directement vers une crise post-électorale. Ce qui est accentué par la montée d’adrénaline notée depuis le jour du scrutin présidentiel où invective, menace à peine voilée, défis…sont entre autres maux qui animent le landernau politique guinéen.

Tous les protagonistes, opposition comme pouvoir, ont reconnu que le scrutin du dimanche 11 octobre 2015 s’est déroulé correctement dans l’ensemble malgré quelques irrégularités signalées çà et là. La plupart des observateurs internationaux et la société civile ont, à leur tour, salué le déroulement d’un processus électoral qui n’est pas un des meilleurs comparé à ce qui se passe actuellement en Afrique.

Dans l’optique de préserver l’intégrité territoriale et une paix sociale d’un pays qui sort d’une longue et endémique épidémie à virus ebola ayant fortement éprouvé son économie et son système sanitaire, opposition comme pouvoir devrait adopter une démarche beaucoup plus responsable. Cellou Daleine Diallo n’a-t-il pas tort de contester des résultats partiels et officiels avant leur publication par la CENI ? Sur ce point, il faut rappeler que la légitimité de cette dernière instance chargée d’organiser et de superviser l’élection n’avait, jusque-là, souffert d’aucune contestation. Par ailleurs, l’appel à manifester de M. Diallo, n’est-il vraiment pas risqué face une police ou une armée qui a la gâchette facile ?

Pour sa part, Alpha Condé ne devrait pas être surpris de la bonne place qu’il occupe dans le box des accusés. Qu’a réellement fait le président sortant, durant son mandat, pour aider à l’édification d’un climat politique apaisé et basé sur un dialogue franc entre acteurs qui se font confiance et sur arbitrage d’une société civile crédible et totalement indépendante ? N’avez-t-il pas le temps de travailler à doter son pays d’un système électoral performant et transparent au moment où des pays de la sous-région ouest-africaine dont le Burkina Faso, le Nigéria, le Mali, le Sénégal, la Guinée-Bissau, la Côte d’Ivoire, le Bénin, aidés par une société civile engagée et très regardante sur cette question, rivalisent d’ardeur sur ce plan ?

Mieux vaut tard que jamais, la Guinée devrait se doter d’un jeu politique qui l’éloigne de l’arbitrage de l’armée ou des forces de l’ordre. L’issue de ce scrutin, quelque soit le vainqueur, ne devrait pas mener à une situation qui livrerait le pays à des sanctions économiques, politiques ou militaire de la communauté internationale. La responsabilité morale de tous les acteurs politiques vainqueurs comme vaincus sera engagée quoiqu’il advienne.

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