Afrique: Un projet de jumelage des îles de Gorée et Robben Island à l'étude

Ile de Gorée (Sénégal) - Monument en mémoire de l'esclavage
21 Janvier 2016

Le Sénégal et l’Afrique du Sud cherchent les moyens de renforcer les relations culturelles entre leurs deux peuples. C’est dans ce sens qu’un projet de jumelage des îles de Gorée et Robben Island verra prochainement le jour.

Les îles de Gorée, au Sénégal et de Robben Island, en Afrique du Sud, pourraient être prochainement jumelées. La révélation a été faite le mercredi 20 janvier à Dakar par une responsable du ministère sénégalais des Arts et de la Culture, Mme Mariame Diop Bâ. C’était à l’occasion d’une session de discussion entre l’Afrique du Sud et le Sénégal autour du thème : « Réinventer le futur vers l’Agenda 2063 de l’Union Africaine : les liens qui nous unissent ».

Mme Bâ met l’idée de jumelage de ces deux sites historiques dans le cadre d’une volonté des deux pays, suite au dernier voyage de Jacob Zuma à Dakar, de créer des liens à travers la diplomatie culturelle.

Deux îles ainsi caractérisées par un symbolique ayant marqué l’histoire de la lutte pour la liberté. Gorée du Sénégal renvoie aux périodes fatidiques de l’esclavage du temps de la colonisation occidentale. Robben Island d’Afrique du Sud, située au large du Cap, à 6,9 km à l'ouest de la côte de Bloubergstrand, était utilisée comme prison, léproserie, hôpital psychiatrique et poste militaire de défense. Au XXe siècle, les opposants noirs au régime d'apartheid, condamnés à de longues peines, y furent internés dont notamment trois futurs présidents sud-africains (Nelson Mandela, Kgalema Motlanthe et Jacob Zuma).

Un parallélisme qui fait dire à l’ambassadeur d’Afrique du Sud au Sénégal, M. A.M Shilubane que les deux pays ont en commun une histoire douloureuse. Le diplomate estime, devant cet état de fait, que les deux pays doivent voir comment mettre l’accent sur le riche patrimoine en dopant l’industrie culturelle. Une manière qui, selon lui, permettra de savoir comment faire ou quoi enseigner aux enfants afin que les erreurs commis à Gorée et à Robben Island ne se reproduisent plus.

L’idée de jumelage des deux îles peint en toile de fonds le rôle des arts créatifs dans la libération de l’Afrique. A titre illustratif, la Directrice Générale, Afrique et Moyen Orient de Brand South Africa, Mme Sindiswa Mququ de se rappeler du rôle joué en 1988, par les arts créatifs dans la libération du pays. Ce qui, à son avis, avait permis aux artistes d’initier un vaste mouvement ayant contribué à l’élargissement de Nelson Mandela. Dans cette dynamique, elle invite artistes et créateurs de tout secteur confondu, à utiliser les mêmes énergies pour lutter contre la pauvreté en Afrique.

Décloisonner les cultures des peuples africains

« Nous sommes unis dans la diversité qui doit être utilisée comme une force ». C’est la conviction de Mme Mququ. Un objectif qui, selon Mansour Abdoul Aziz Dieng, conseiller technique au ministère de la culture du Sénégal, passe impérativement par le règlement du problème de cloisonnement. Pour lui, face aux nombreuses mutations dictées par le numérique, les peuples gagneraient à harmoniser leurs ressources culturelles pour en faire un vecteur de développement.

M. Dieng estime que le cloisonnement doit se faire au niveau de la pensée du moment que l’identité africaine est en construction. « Il convient de voir comment évoluer ensemble au niveau de la pensée en travaillant sur les points communs mais pas de manière dispersée ».
Dans ce même ordre d’idée, M. Abdoulaye Ly du Ministère de la Promotion des investissements du Sénégal, signale que la dimension infrastructurelle manque au maillon pour décloisonner, par exemple, les relations entre l’Afrique du Sud et le Sénégal. Une manière de recommander de favoriser les ponts au détriment des murs érigés entre les peuples.

Une idée appuyée par le président de la Fédération africaine des critiques cinématographiques, M. Baba Diop. Pour ce journaliste culturel, lutter contre le décloisonnement reviendrait à bannir la partition de l’Afrique selon les langues (arabobophone, francophone, anglophone, lusophone).

L’ensemble de ces suggestions place la culture au cœur du rapprochement entre les peuples. Une option qui, d’après la plupart des participants à ces échanges, nécessitera des moyens financiers conséquents. Un souhait qui passera également par la capacité des acteurs culturels africains à démontrer leur capacité.

Pour rappeler aux Africains leurs points de liaison, le Dr Massamba Guèye, conseiller spécial du président de la république du Sénégal, a convoqué le discours de Léopold Sedar Senghor prononcé en 1963.

A son avis, le fait de poser le débat sur le rapprochement des peuples montre que les leaders africains ont oublié le cahier de charge défini par les pères fondateurs de la pensée africaine. M. Guèye considère que « nos peuples ne sont pas unis car ils ne rêvent pas ensemble ».

Pour y remédier, il conseille de partir du patrimoine immatériel mais aussi de travailler sur les représentations pour arriver à ce que l’Africain se sente chez lui partout où il sera dans le continent. C’est ainsi qu’il conseille aux écrivains sénégalais et sud-africains de travailler à mettre en place des bandes dessinées retraçant la vie et l’œuvre des héros des deux pays. Une forme de partenariat à généraliser dans le continent afin d’accélérer le rapprochement entre les peuples.

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