Le Conseil pour le Développement de la Recherche en Sciences sociales en Afrique (CODESRIA) est classé troisième meilleur Think-Tank africain en 2015 et 124ème au niveau mondial.
L'information est contenue dans le rapport de l'année dernière de l'Indice Global Go-To Think-Tank. Avec ce bond d'une place, le CODESRIA talonne le KIPPRA du Kenya et l'IMANI du Ghana, sur le critère Think-Tank au service du développement humain, dans le continent.
Classé quatrième en Afrique par l'Indice Global Go-To Think-Tank de 2014, le Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (CODESRIA) continue sa progression. Il a fait un bond en occupant la troisième place dans le classement 2015 du même indice concernant les Think-Tank au service du développement humain. Une progression lente, aux yeux de certains, mais sûre et porteuse d'espoir. Ce qui fait dire à Ebrima Sall du CODESRIA que « c'est la reconnaissance de la qualité de notre travail ».
Il faut souligner que ce classement concernant près de 7000 Think-Tank au niveau mondial avec un top 30 est dominé par des groupes de réflexion anglophones. Dans ce cercle restreint, CODESRIA fait partie des meilleurs sur des questions essentielles comme les politiques publiques, entre autres.
Pour le Pr Penda Mbow de la Présidence de la République, le classement est important pour le CODESRIA car cela lui donne une certaine légitimité pour avoir une voix qui porte au niveau mondial.
Le classement 2015 de l'Indice « Global Go-To Think-Tank » n'a pas échappé aux critiques d'observateurs avertis africains qui ont soulevé des incongruités et parfois des contradictions notamment dans certains critères pris en compte.
Lors du débat organisé le mercredi, 27 janvier au siège du CODESRIA à Dakar, sur « L'importance des think-tank pour les décideurs politiques et le public», certains participants ont pointé du doigt le problème de la légitimité de certaines structures souvent mieux classées dans ce domaine.
Ce dernier classement de l'indice global remet au goût du jour l'opportunité des Think-Tank dont le rôle essentiel est de réfléchir sur des questions intéressantes et donner aux gouvernants, aux Partenaires Techniques et Financiers et à la société civile la palette d'options qui existent pour la résolution d'un problème, au bénéfice de la population.
Sous cet angle, Ebrima Sall y greffe le rôle de vigie que peut jouer les Think-Tank en avertissant les politiques sur les conséquences avant la prise d'une quelconque décision.
A l'image des classements internationaux sur les banques et établissements financiers, les Grandes écoles de commerce, les Grandes entreprises…, le classement du « Go-To Think Tank 2015» est dominé par des groupes américains et allemands. L'Afrique est encore une fois à la traine.
Les maux qui bloquent les Think-Tank africains
Les Think-Tank africains ont-ils une influence sur les politiques publiques ? La question s'impose au vu des nombreux manquements dans la gestion des affaires publiques mais aussi dans l'incohérence des décisions prises. Un constat qui laisse présager que les conclusions de la recherche réalisée par les Think-Tank africains sont sous-utilisés ou tout bonnement rangés dans les tiroirs.
Contrairement aux Etats-Unis, en Allemagne où les groupes de réflexion reçoivent des financements publics et même les pays arabes qui commencent à investir dans le domaine du savoir pour orienter leurs décisions politiques, l'Afrique semble négliger l'apport que peut-avoir les Think-Tank.
A en croire le Pr Pendra Mbow, « en Afrique, on n'a pas cette organisation car au lieu des Think-Tank, les Etats font recours à des cabinets ». Ce qui l'a fait remarquer que « si nous voulons gagner, nous devons produire un savoir sur nous même et par nous mêmes ». Avant d'ajouter : « il nous faut un savoir stratégique qui influe sur la marche du monde ».
Pour expliquer cet état de fait, cette inertie des Think-Tank africains est justifiée par un problème de ressources humaines et financières auxquels ils sont confrontés. La plupart d'entre eux ont des bailleurs établis dans les pays occidentaux et qui, en contre partie, imposent que des thématiques qui les intéressent.
Dans cette même dynamique, les Think-Tank africains sont taxés de produire des résultats pas tout à fait digestes pour les pouvoirs publics qui, face à un problème, cherchent des solutions immédiates et sur le court terme. D'où leur propension à faire consommer aveuglément tout ce que leur servent le FMI et la Banque Mondiale. « Nos décideurs sont plus pressés d'avoir de l'argent que des idées », s'est désolé M. Aboubacry Demba Lom, ancien directeur de la Planification du Sénégal.
Les Think-Tank africains appelés à se placer dans l'agenda des pays
A l'heure, où l'Afrique fait face à plusieurs besoins, l'apport attendu des Think-Tank n'est plus à démontrer. Ils sont priés de se donner les moyens d'influencer les politiques. Dans cette dynamique, Aboubacry Demba Lom pense qu'il faut que « les Think Tank africains se placent dans l'agenda des pays s'ils veulent influer sur les politiques publiques ». A son avis, nos pays devraient travailler à avoir des Think-Tank avec des équipes pluridisciplinaires pour mieux aider à la prise de décision.
Cheikh Tidiane Dièye de l'Ong ENDA, pour sa part, pense que les Think-Tank ont une utilité pour anticiper sur les évolutions ou la prospection. C'est ainsi que face à la problématique des ressources, ils doivent mutualiser les besoins et résoudre le problème de l'autonomisation. A ce sujet, Ebrima Sall du CODESRIA imagine « le jour où les Etats africains se rendront compte que la connaissance est un élément stratégique ». Une manière pour lui d'inviter les décideurs à consacrer plus de moyens dans la connaissance en créant des fonds de soutien à la recherche.
Sur cette lancée, M. Pascal Kambal d'OSIWA estime qu'un Think-Tank comme le CODESRIA doit développer sa capacité de plaidoyer et assurer le suivi de ses actions. Pour ainsi capter l'attention des décideurs, les Think Tank africains sont appelés à produire de la recherche utile et combler le gap sur la capacité d'anticipation et de prospection de nos pays.
Face à cet écart qui ne cesse de se creuser, Doudou Ndiaye du Consortium pour la recherche économique et sociale (CRES) juge utile d'organiser tous les Think-Tank en réseau pour encourager le partage de données et renforcer leur positionnement au niveau international.