L'épanouissement et le bien-être des filles garantiraient une autonomisation des femmes à l'horizon 2030. C'est l'un des plaidoyers forts avancés par les femmes leaders lors du panel de haut niveau qu'a organisé le Groupe AllAfrica Global Media, le 08 Mars 2016, célébrant la Journée Internationale de la Femme, à Dakar.
« Parvenir à l’Egalité des Sexes et Autonomiser toutes les Femmes et les Filles en Afrique ». C’est le thème autour duquel la réflexion a été convoquée par le Groupe AllAfrica Global Media, le 08 Mars passé, Journée Internationale de la Femme.
« Parvenir à l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, passe par un ensemble de paquets qui repose sur une éducation de qualité et la formation qui seront au centre de toute stratégie envisageable ». C’est par ce message fort que Mme Fatou Bintou Djibo, Représentante Résident du PNUD au Sénégal a orienté le débat.
Avec sa trentaine d’année d’expérience, ce Coordonnateur Résident du Système des Nations-Unies au Sénégal ouvre ainsi une fenêtre qui met un focus sur le point cinq des Objectifs de développement Durable (ODD) entièrement consacré à l’égalité des sexes et autonomisation de la femme. Un impératif éducationnel qui, à son avis, sera favorisé par un environnement où la pauvreté n’aurait plus sa place et la faim également éradiquée.
Dans ce même ordre d’idée, le Pr Ndioro Ndiaye, Coordonatrice du réseau francophone pour l’égalité femme-homme estime que « l’autonomisation des femmes ne peut pas se faire en dehors de l’éducation, l’instruction, la scolarité ». De ce fait, souligne-t-elle, « il faut maintenir les jeunes filles dans la sphère de l’éducation, de la connaissance parce qu’on ne peut rien faire dans l’ignorance ».
Le Chef de Section Sciences Humaines et Sociales de l’UNESCO, Mme Maréma Touré Thiam, sans détour, affirme : « L’éducation est le début pour la réalisation des 17 ODD ». A son avis, « au-delà des questions de développement, l’éducation est un bien public et c’est ce qui sert à l’épanouissement de la personne humaine. Ce qui fonde la capacité d’un citoyen à vivre sa citoyenneté de façon responsable ».
Le respect du droit des enfants, un impératif
La représentante résidente de l’UNICEF au Sénégal, le Dr Leylee Moshiri, pour sa part, s’interroge : « Peut-on atteindre l’autonomisation des femmes quand les mariages des enfants et les mutilations génitales féminines continuent d’être des violations des droits fondamentaux des filles et compromettre leur santé sexuelle, leur reproductivité ainsi que leur bien-être ? » Un questionnement qui mérite réflexion du moment que dans le monde, soulignent les rapports onusiens, il est noté que 720 mille femmes ou filles ont été mariées avant d’atteindre leur 18ème anniversaire. « Si rien n’est fait le monde des filles mariées doublera d’ici 2050. L’Afrique deviendra la région du monde avec le plus grand nombre de filles mariées avant l’âge de 18 ans », s’est désolée Mme Moshiri. Avant d’ajouter qu’en Afrique subsaharienne, 40% des femmes sont mariées avant l’âge de 18 ans dont 33% au Sénégal.
Sur cette même lancée, Mme Awa Ba d’OSIWA convoque le rapport d’United Nation Girl Initiative de septembre 2014 qui confiait qu’il y a 40% de déperdition de filles qui ne terminaient pas leur cycle primaire. Ce paquet de goulot d’étranglement l’amène d’ailleurs à se demander : « Est-ce que l’autonomisation de la femme peut être envisagée si le droit de l’enfant n’est pas respecté ? ».
Mme Oulimata Sarr, Conseillère régionale sur les questions d’autonomisation économique des femmes au bureau régionale d’ONUFEM, embouche la même trompette. Plaidant pour une autonomisation économique de la femme, elle pense qu’en plus d’alphabétiser les femmes et de leur apprendre les techniques de production, il est important de renforcer leur capacité pour faciliter leur accès au marché avec tout ce qui est certification ISO et les aider. A son avis, les femmes ne doivent pas être vues comme une couche vulnérable mais comme une solution.
Des infrastructures sanitaires pour diminuer le taux d’abandon scolaire chez les filles
Dans le même tempo, la directrice de WaterAid Internationale, organisation basée à Dakar Mme Marième Dème, avance sans ambages : « Nous sommes tous d’accord que la force vient du niveau d’éducation mais on commettrait une erreur en ne regardant que l’éducation formelle ». Une interpellation qui permet à Mme Dème d’attirer l’attention sur une réalité à laquelle il faut faire. « Il y a énormément de femmes, de jeunes filles qui ne sont pas dans ce circuit d’éducation formelle mais qui sont ingénieuses, qui ont des expertises dans les domaines dans lesquels elles évoluent ».
A son avis, les femmes et jeunes qui sont hors des circuits d’éducation, ont besoin d’alternatives à l’éducation et de formation. « Avec les 40% d’abandons de fille à l’école, nous nous sommes rendus compte que la plupart est due au manque d’infrastructures disponibles ». Avant de révéler : « Il y a des écoles où, si elles disposent de toilettes, c’est partagé entre garçons et filles ». Le plus grave, souligne-t-elle : « Généralement, dans les écoles il n’y aucun dispositif qui permet aux filles qui ont leurs menstrues de pouvoir gérer ces moments comme il le faut ».
Un tableau sombre qui permet à la directrice de WaterAid Internationale de dire : « si on veut agir dans le maintien des filles à l’école, à côté des tables bancs il faut avoir des toilettes garçons séparées de celles des filles avec tout le dispositif nécessaire ». Elle estime également qu’augmenter le nombre de filles qui accèdent à l’école dans les villages reviendrait à doter ou à rapprocher le forage ou le puits de sa localité pour l’éviter les corvées au quotidien et mieux suivre son cursus scolaire.
Membre du groupe de travail de Haut niveau sur l’autonomisation de la femme au sein du système des Nationaux-Unies, M. Amadou Mahtar Ba, Co-fondateur de AllAfrica Global Media rappelle que « dans toutes les sociétés du monde, on parle de la centralité et presque de la sacralité et de l’instruction y compris l’éducation ». D’après lui : « Si quelqu’un juge trop cher le coût de l’éducation, il paiera un prix beaucoup plus élevé à l’ignorance. Il faut assurer l’éducation à la base en faisant de sorte que les filles aillent à l’école et y restent dans un système éducatif de qualité ».
Le panel d’AllAfrica a tenu ses promesses. L’accent mis sur l’éducation est une manière de dire que « 2030, commence maintenant ». Pour parvenir à l’autonomisation des femmes à l’horizon des ODD, il faut agir sur la génération actuelle des jeunes filles.
Ainsi le panel a été l’occasion pour célébrer quatre valeureuses africaines dont la dévotion peut servir d’exemple aux plus jeunes. Ces femmes qui ont fait la fierté du continent pour leur engagement politique, économique, social et citoyen ont reçu le prix AllAfrica Leadership Féminin. Il s’agit de Mme Ellen Johnson Sirleaf, première femme élue au suffrage universel à la tête d'un État africain (Libéria) et Mme Irène Koki Mutungi, première femme africaine capitaine dans l’histoire du transport aérien et est aujourd’hui capitaine sur un Boeing 787 (Dreamliner) pour la compagnie aérienne Kenya Airways (Kenya). En autres récipiendaires, il ya également Mme Angélique Kidjo, artiste qui a été récompensée dans la catégorie du meilleur album de musique du monde pour « Sings » et le GIE Xaritou Xaleyii, Lauréat du Grand Prix Chef de l’Etat pour la promotion de l’Artisanat (Sénégal).
L’équipe d’AllAfrica a rendu un vibrant hommage aux figures emblématiques féminines du continent en donnant le nom de chaque table à une figure ayant marqué l’histoire du continent. La Directrice Régionale, Mme Mariama Ba Sy,a rappelé que l’innovation de cette année a été l’atelier de formation que le Groupe a organisé en partenariat avec par la structure Jjiguène Tech Hub sur l’apport des TIC dans l’autonomisation des femmes.