Le continent est appelé à mettre les jeunes au devant des priorités dans les programmes de développement. La réalisation du dividende démographique est présentée comme le meilleur moyen d’y parvenir. Le Symposium de Haut niveau sur le dividende démographique et le développement en Afrique qui se tient du 20 juin au 24 juin au Sénégal oriente les politiques à faire du dividende démographique le fer de lance pour mettre les jeunes au cœur de la dynamique de développement escomptée dans le continent.
L’ambition commune des autorités africaines ainsi que des acteurs au développement du continent doit être de mettre les jeunes au premier rang de leurs priorités, et le dividende démographique est fondamental pour y parvenir. C’est la conviction du Directeur Régional du Fonds des Nations Unies pour la Population (Fnuap ou Unfpa/Wcaro). M. Mabingué Ngom qui s’exprimait à l’ouverture officielle, ce lundi 20 juin à Dakar, du Symposium sur le Dividende Démographique et le Développement Durable de l’Afrique.
A son avis, « le Dividende Démographique nous indique en effet, la trajectoire à suivre pour atteindre l’émergence à l’image d’autres pays du monde comme la Thaïlande, la Corée, l’île Maurice, pour ne citer que ceux-là. Il nous montre en particulier que cette émergence est possible si les pays privilégient des investissements stratégiques dans la santé, l’éducation, l’emploi des jeunes, le développement économique et la bonne gouvernance ».
Cette nouvelle option s’impose au moment où l’Afrique est marquée par des mutations considérables en enregistrant déjà un recul rapide de la mortalité maternelle et infantile, une hausse du taux de scolarisation des filles, un soutien politique réaffirmé de haut niveau sur la nécessité de lier la question démographique à une croissance économique rapide.
Cette situation semble être l’arbre qui cache la forêt car « certains pays affichent des taux de fécondité supérieurs à 5 enfants par femme - un niveau qui reste préoccupant et le plus élevé au monde ». Ce qui, de l’avis de M. Ngom, se traduit au niveau démographique par des pyramides d’âges fortement dominées par les jeunes de moins de 25 ans qui représentent souvent plus de la moitié de la population. Il en résulte de nombreux défis en termes d’éducation, de santé et de création d’emplois.
Dans un grand nombre de pays, souligne le Directeur régional de Unfpa/Wcaro, « une majorité toujours plus grande de femmes souhaitent différer leurs grossesses ou avoir moins d’enfants mais n’ont pas accès aux moyens de contraception ». Avant d’ajouter que « près du quart des jeunes filles interrompent leur scolarité en raison d’une grossesse non désirée ou d’un mariage précoce. Chaque jour, c’est environ 20 000 adolescentes et jeunes filles de 15 à 19 ans qui accouchent dans les pays en développement, particulièrement l’Afrique ».
Les statistiques de la Banque mondiale montrent que chaque année, l’Afrique devra accueillir 11 millions de jeunes sur le marché du travail, alors que les possibilités de création d’emplois sont limitées aux deux millions d’emplois créés chaque année.
Le Directeur des Opérations de la Banque mondiale pour le Sénégal, la Mauritanie, Cabo Verde, la Gambie et la Guinée-Bissau, Mme Louise Cord, précise que « le continent est moins touchée que les autres et l’Afrique subsaharienne sera bien la locomotive de la croissance démographique mondiale, d’ici à 2050, puisqu’elle va engendrer plus de 50% de la croissance mondiale de la population et avec une croissance de 2,5% par an de sa population active, c’est-à-dire les hommes et les femmes qui ont entre 15 et 64 ans ».
Devant cette prévision qui ne laisse personne indifférent, Mabingué Ngom alerte : « les conséquences de notre échec à créer suffisamment d’emplois stables pour les jeunes sont facteurs d’instabilité et d’insécurité dans nos pays, et se traduisent par une augmentation du nombre de jeunes chômeurs ou d’inactifs. Elles nous enferment dans le cycle de la pauvreté, handicape nos économies et engendrent des flux d’émigrations sans cesse croissants, notamment vers l’Europe avec tous les risques que nous connaissons ».
Face à cette nouvelle donne, le président du Réseau africain des jeunes et adolescents en population et développement (Afriyan), Pape Arona Traoré, dans une « déclaration par les jeunes et pour les jeunes de l’Afrique », appelle à « mettre les jeunes au premier plan pour l'Afrique que nous voulons ».
Par sa voix, les jeunes lancent un appel pour que les investissements dans les jeunes soient plus consolidés afin d’assurer à l'Afrique « un avenir meilleur ».
Représentant plus de 60% de la population du continent et contribuant à près de 45% de la main-d'œuvre du continent, les jeunes pensent que « s'il n'y a pas d'actions concrètes pour investir dans la santé (notamment sur la SSRAJ, l'éducation, l'emploi et l'autonomisation des jeunes, nous ne parviendrons pas à exploiter ou à capturer le dividende démographique ».
Ils demandent avec insistance à être des partenaires stratégiques dans le processus sur le dividende démographique. A leur avis, bien que divers aspects de l'investissement dans le développement de la jeunesse et le bien-être soient importants, « les investissements prioritaires devraient porter sur le fait de donner aux jeunes la voix, le choix et le contrôle de leur propre corps, leur santé et leur vie, et de leur permettre de développer les capacités dont ils ont besoin pour mener une vie productive, saine, satisfaisante et digne ».
Ils demandent vivement aux chefs d'État et leurs gouvernements de traduire leurs promesses en actions concrètes axées sur des objectifs et des résultats, en veillant à ce que les jeunes soient protégés par des investissements efficaces et efficients qui soient orientés vers notre éducation, la santé et l'autonomisation.
Il faut souligner que ce symposium a été marqué par la présence effective d’anciens présidents africains comme M Jakaya Kikwete de la Tanzanie, M Armando Emilio Guebuza du Mozambique et du le Général Dr Yakubu Gowon du Nigeria. Entre autres personnalités remarquées figurent aussi son Altesse Royale Yahaya Haliru, Emir de Shonga et Mme Leymah Gbowee du Libéria, Lauréate du Prix Nobel de la Paix en 2011. L’ouverture des travaux a été présidée par le Premier ministre du Sénégal, M. Boun Abdallah Dione.
Il faut rappeler que ce symposium de Haut niveau sur le dividende démographique et le développement en Afrique, qui se poursuit jusqu’au 24 juin à Saly Portudal, se tient dans le cadre de la 11e Conférence Internationale du Réseau NTA (National Transfer Accounts - Comptes de transferts Nationaux) qui se tient pour la première fois en Afrique. Ces assises organisées par l’Unfpa, Le Centre de Recherche en Économie et Finance Appliquées de l’Université de Thiès (Crefat) et le Gouvernement du Sénégal travaillent à donner des orientations sur l’agenda commun, que l’Unfpa/Wcaro qualifie de « l’Afrique que nous voulons », « une Afrique intégrée, prospère et pacifique, conduite et gérée par ses propres citoyens ».
Le ministre de l’Enseignement Supérieur et de la recherche du Sénégal, Mary Teuw Niane, lors de la 11ème conférence du réseau Nta, tenue dans la matinée du 20 juin, s’est réjoui des estimations du CREFAT qui montrent que la plupart des pays de la Sous-région ouest-africaine disposant de la première partie des comptes NTA ont vu leurs fenêtres du dividende démographique ouvertes il y a moins de 25 ans. Avant d’indiquer que cette fenêtre d’opportunités unique dans la vie d’un peuple dure en moyenne un demi-siècle.
De l’avis de M. Niane, « il urge en conséquence de mettre en œuvre des actions coordonnées afin d’approfondir les connaissances sur les questions d’économie générationnelle qui permettront à coup sûr de mettre le développement inclusif au cœur des politiques et programmes nationaux ».
Le Ministre du plan et de la prospective de la République du Tchad, Mme Mariam Mahamat Nour considère que « l'Afrique a tous les instruments d'orientation et le cadre politique nécessaire pour le dividende démographique ».