Afrique de l'Ouest: Mise en œuvre du TEC/CEDEAO– Six États manquent encore à l'appel

Réunion du Conseil des Ministres des Finances des pays membres de la CEDEAO sur la Mise en oeuvre du Tarif Extérieur Commun (TEC), le jeudi 18 Août 2016 à Dakar, Sénégal
19 Août 2016

Six États membre de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) n’ont pas encore rendu effective la mise en œuvre du Tarif Extérieur Commun (Tec). Le président de la Commission de la Cedeao l’a dénoncé ce jeudi 18 août à l’ouverture de la Réunion du Conseil des Ministres des Finances des pays membres de cette organisation communautaire sur cet instrument qui vise l’instauration d’un marché commun. Ce qui, aux yeux de Marcel Alain de Souza, va saper tous les efforts en cours pour consolider un marché régional.

Le Cap-Vert, la Gambie, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Libéria et la Sierra-Léone n’ont pas encore mis en œuvre effectivement le Tarif Extérieur Commun (Tec) qui fait de la Communauté Économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) une véritable union économique et douanière, zone de libre échange. Ces six pays ne l’ont pas encore transposé dans leur arsenal douanier cet instrument entré en vigueur depuis le 1er janvier 2015 dans l’espace communautaire. Cette défection préoccupe les responsables de l’organisation communautaire au plus haut niveau.

Le président de la Commission de la Cedeao n’a pas caché son désarroi face cet état de fait. Le plus étonnant est la posture du Libéria dont la présidente, Helène Johnson Sirleaf, dirige actuellement la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement de la Cedeao.

Marcel Alain de Souza estime que « si les motifs évoqués pour la non mise en vigueur du Tec sont justifiés, il n’en demeure pas moins que notre espace communautaire ne saurait s’accommoder d’une telle situation pendant longtemps ».

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En effet, a-t-il souligné, « l’existence de deux ou plusieurs régimes tarifaires dans un même espace communautaire se traduira inéluctablement par l’application des droits de douane différents sur le même produit ». A son avis, cette situation est source de distorsion aux échanges et préjudiciable à l’intégration régionale, à la cohésion entre les États membres et au bon fonctionnement à la zone de libre échange.

Avec le Tec, la Cedeao s’est dotée d’un instrument de mutualisation des intérêts commerciaux nationaux. Ce qui rend désormais possible la conclusion d’accords commerciaux entre cette Communauté Économique et le reste du monde.

Le successeur de Kadré Désiré Ouédraogo à la tête de la Commission de la Cedeao a ainsi profité de cette réunion du Conseil des Ministres des Finances des pays membres pour lancer un énième appel à l’ensemble des États, afin qu’ils mettent en vigueur le Tec d’ici la fin de cette année 2016.

La présente rencontre de Dakar offrait aux ministres l’opportunité de faire un point sur l’État d’avancement de la mise en application du Tec dans les 15 États membres en mettant en exergue les insuffisances constatées dans la mise en œuvre et de faire des recommandations idoines pour une amélioration.

Des assises qui ont permis à Marcel Alain de Souza de dire que « le Tec est devenu, aujourd’hui, un instrument des finances publiques car il ressort des différentes missions d’évaluation que les recettes douanières sont en amélioration dissipant ainsi les appréhensions négatives du Tec sur les économies des États membres ».

Cet exercice a insisté, en particulier, sur la situation des États qui n’appliquent pas encore le Tec. A en croire M. De Souza, un examen minutieux a été effectué pour s’assurer que les dispositions sont effectivement prises pour le lancement du Tec au plus tard le 1er Janvier 2017.

C’était aussi l’occasion pour les ministres des finances de la Cedeao d’examiner et de valider des projets de règlement sur le Tec adoptés il y a quelques années et amendés pour faciliter leur interprétation en prenant en compte les préoccupations exprimées par les experts.

Quand le Ghana et la Côte d’Ivoire en rajoutent ?

La signature d’un accord commercial de libre échange entre la Cedeao et l’Union Européenne risque encore d’être retardée. Une situation enfoncée par les multiples rebondissements que vit la sous-région, plongée dans un contexte économique marqué par la persistance de la crise qui affecte les états producteurs de pétrole, le choc du Brexit dont les effets restent à déterminer.

Ainsi, la volonté d’unir les forces en vue de l’établissement d’un marché commun est surtout entachée par le fait que deux Etats de la Cedeao, à savoir la Côte d’Ivoire et le Ghana, viennent d’être autorisés par leur parlement pour la ratification d’accords intérimaires avec l’Union européenne (UE).

Ainsi, par la mise en œuvre de ces accords intérimaires sur le marché communautaire des produits européens à des droits de douanes préférentiels différents de ceux du Tec, la Côte d’Ivoire et le Ghana vont négocier directement avec l’UE. Ils vont également bénéficier de 100% pour l’entrée de leur produit dans le marché européen. « Ce qui va saper tous les efforts en cours pour consolider un marché régional et entraine une cassure pour la solidarité que nous devons entretenir », s’est désolé le président de la Commission de la Cedeao.

Ce dernier de rappeler que les différentes sessions des chefs d’État et de gouvernement tenues depuis 2009 ont réitéré la nécessité d’une cohésion dans la région Afrique de l’Ouest à la conclusion d’un Accord de Partenariat Économique régionale dont l’entrée en vigueur rendra caduc les « Ape intérimaires ».

Avant de confier qu’à ce jour 13 États membres de la Cedeao sur les 15 ont signé l’«Ape régional » sauf le Nigéria et la Gambie.

Au Nigeria, la situation de blocage serait l’œuvre du secteur privé qui n’est pas trop emballé par un « Ape régional ». Dans ce pays, il y a une industrie naissante qui a peur d’être étouffée par l’ouverture du marché ouest africain aux produits européens. Les syndicalistes récalcitrants ont émis des craintes pour les domaines de l’industrie, de l’élevage, de la pêche, les peintures et autres.

Interpellé sur les conséquences de ce blocage, « le président Mouhamedu Buhari promet de prendre les dispositions nécessaires afin d’arriver à faire accepter au secteur privé nigérian cet accord », s’est réjoui M. De Souza.

En attendant que tout rentre dans l’ordre, la Mauritanie, partie prenante de l’Ape régionale, attend la conclusion d’un accord de coopération avec la Cedeao. Ce qui fera une région commerciale de 16 pays avec des conditions tarifaires harmonisées applicables aux produits européens.

Les avantages d’un « APE régional »

La Cedeao ne veut pas aller en ordre dispersé. C’est pour quoi elle vante les avantages de son « Ape régional » dont les principes fondamentaux consacrent une ouverture de 15% du marché ouest- africain contre 100% pour la partie européenne.

A cela, il est ajouté le démantèlement tarifaire obtenu par la Cedeao et qui s’étale sur 20 ans avec une période moratoire de cinq ans pour le début de la libération commerciale. « Si l’Ape régional est signé en 2016, le démantèlement tarifaire ne débutera qu’en 2021 », a précisé Marcel Alain de Souza.

A l’en croire, la Cedeao a obtenu une clause de révision quinquennale qui a été incluse dans l’accord régional. Ce qui permet à la zone de revisiter tous les cinq ans la liste des produits à exclure pour la libéralisation du commerce.

Les responsables de la Cedeao se réjouissent également du fait que la région ait pu négocier un Programme d’Ape pour le Développement (Paped) où il est prévu une enveloppe de près de 6,5 milliards de dollars pour soutenir les projets et programmes pour la mise à niveau de certains secteurs économiques.

M. de Souza confie que des règles d’origine asymétriques favorables à l’Afrique de l’Ouest ont été ainsi obtenues dans l’Ape ainsi que des clauses de sauvegarde pour protéger l’industrie naissante en cas d’invasion massive des produits provenant de l’Union européenne.

Ce qui lui permet à cet égard d’affirmer que l’Ape régional présente plus d’avantages que tous les accords intérimaires qui ont été négociés.

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