Rabat — L'accès des femmes rurales mauritaniennes au financement est un domaine sur lequel il n'existe pas de données statistiques détaillées, actuelles et fiables, ce qui ne facilite guère la formulation et l'implémentation des stratégies de redressement qui s'imposent pourtant. Divers obstacles structurels et institutionnels s'opposent à l'accès des femmes aux sources de financement en dépit des efforts fournis dans le cadre de la mise en œuvre de la Stratégie Nationale de la Microfinance (2012-2016).
C'est ce qui ressort d'une étude de cas que vient de publier la CEA/ Bureau sous régional pour l'Afrique du Nord intitulée « Améliorer l'accès au financement pour renforcer l'autonomisation des femmes rurales en Mauritanie : réflexions sur le secteur de la microfinance, bonnes pratiques et leçons à tirer ».
Ce travail vient compléter une étude régionale couvrant l'Algérie, l'Egypte, le Maroc et la Tunisie déjà réalisée en 2013 par la CEA/ Bureau Afrique du Nord et publiée en 2014.
Il se veut une réflexion sur la réalité et les enjeux de la microfinance dans le cadre de la lutte contre la pauvreté.
En Mauritanie, les causes de la pauvreté au féminin relèvent de plusieurs situations : faible accès des femmes aux facteurs de production (seules 18,7% des femmes détiennent une propriété foncière à leur nom) et aux ressources financières (le taux de bancarisation des femmes de manière générale ne dépasse guère 21%), analphabétisme (82,4% des femmes chefs d'exploitations agricoles en zone pluviale sont sans instruction), divorces sans garantie des droits économiques des femmes concernées, déficit en services sociaux de base, etc.
Le secteur financier mauritanien est l'un des secteurs mis à contribution dans les efforts de redressement par les autorités publiques, mais ce dernier reste moins étendu que celui des autres pays déjà examinés. L'étude indique que « le nombre de clients du secteur de la microfinance en Mauritanie est estimé à 364 304, dont 162 665 vivent en milieu rural. La clientèle féminine est estimée à plus de 70% du total, soit près de 114 000 femmes rurales. »
Vu la très faible intervention du système bancaire dans le financement de l'agriculture (les crédits au secteur rural représentent 1% seulement des crédits distribués), l'étude souligne que les institutions de microfinance demeurent les seules institutions à même de lever l'exclusion financière des ruraux en général, et des femmes rurales en particulier. Le principal intervenant dans le financement des activités génératrices de revenus au profit des populations rurales est le réseau des Mutuelles d'Investissement et de Crédit Oasien (MICO) qui compte actuellement 62 caisses, dont seulement 12 sont jugées effectivement satisfaisantes.
L'étude note également que, de par son implication dans des projets tels que Beit El Mal, les Nissa Banques (banques ciblant la clientèle féminine) et les MICO, l'Etat a fait la promotion du secteur, mais son action reste peu coordonnée. Ceci n'a pas facilité la création d'un environnement économique, légal et réglementaire favorisant le développement des institutions de microfinance et l'efficacité des marchés financiers.
Pour améliorer l'accès des femmes rurales au financement, l'étude propose une série de pistes et de recommandations basées sur une analyse comparative de quelques bonnes pratiques ayant abouti dans certains pays voisins du Maghreb. Elle recommande en particulier de :
- Renforcer lasensibilité au Genre en veillant à ce que le service universel (femmes et hommes) requis pour les économies d'échelle se fasse selon des indicateurs qui garantissent la progression vers la parité réelle des genres ;
- Accélérer la stratégie d'inclusion financièredes femmesenencourageant les institutions de microfinance (IMF) et celles d'initiative privée (mutuelles, associations sans but lucratif et sociétés anonymes, etc.) ;
- Appuyer des capacités institutionnelles, opérationnelles et financières des IMF et mieux accompagner les petites et microentreprises, surtout en milieu rural ;
- Améliorer la répartition géographique et la couverture territoriale des opérateurs de proximité que sont les IMF, et encourager les activités économiques en synergie avec les banques ;
- Assurer l'accessibilité et la qualité du conseil agricole et entrepreneurial, et mieux outiller ainsi la clientèle féminine, surtout en milieu rural ;
- Exploiter les outils technologiques adaptés et y initier les femmes rurales, afin qu'elles puissent les utiliser de manière optimale.
Pour plus d'informations sur l'étude, veuillez contacter :
Houda Mejri, Responsable du Genre & Point focal, Gouvernance et participation citoyenne
Email : hmejri@uneca.org