Afrique: Le retard des cotisations plombe le fonctionnement de l'Ohada

5 Octobre 2016

Le 24 octobre 2016 est prévu à Brazzaville, la capitale du Congo, le prochain Conseil des ministres des États membres de l'Organisation pour l'harmonisation du droit des affaires (Ohada). Une occasion qui sera donnée pour faire le point sur le niveau de transposition des réformes recommandées sur les actes uniformes. L'opportunité sera également donnée aux responsables de cette organisation internationale de remettre au goût du jour les difficultés notées dans son fonctionnement et qui est  la résultante des retards notés dans les cotisations de certains États membres.

A l'image de la plupart des organisations africaines qui sont tenaillées par des écueils, l'Organisation pour l'harmonisation du droit des affaires (Ohada) n'échappe pas à la règle. Sa première difficulté réside dans son financement. Elle est actuellement financée par les cotisations des pays membres. « Son budget est assez important et les États ont du mal à cotiser régulièrement dans les délais surtout ceux de l'Afrique Centrale », s'est désolé le Secrétaire exécutif de la Commission nationale Ohada au Sénégal.

C'était en marge d'une rencontre de sensibilisation sur : « le droit des sociétés et le droit des procédures collectives » que la commission nationale avait organisé, en collaboration avec le Collectif des journalistes économiques du Sénégal (Cojes), les 30 septembre et 01 octobre 2016 à Saly-Portudal une station balnéaire située à 77 kilomètres de Dakar.

M. Mountaga Diouf précise que l'Ohada a un système de financement autonome mais qui est difficilement mis en œuvre. Avant de faire savoir que cette situation provoque parfois le report ou l'annulation de certaines activités de l'Ohada.

M. Diouf se réjouit du fait que « tous les pays de l'Afrique de l'Ouest sont à jour sur leurs cotisations ». Un comportement justifié par le fait que l'Uemoa veille à ce que les engagements pris par ses états membres sur le terrain économique vis-à-vis des institutions internationales comme l'Ohada soient respectés.

Animé d'un optimisme certain, M. Diouf avance que « c'est toujours difficile de fédérer 17 États qui ont des différences sur leurs cultures, leur pratique économique, leur démocratie, mais l'organisation réussit la prouesse pour les questions essentielles d'avoir un consensus au sein de ces États ».

Un boom dans la création de société

Créée en 1993 par la conférence des chefs d'État, suite à une idée, selon laquelle, les États gagneraient à harmoniser leur droit des affaires, avoir une intégration juridique à coté de celle économique déjà connue, l'Ohada a atteint l'âge de la maturité. L'heure du bilan a sonné surtout pour les actes uniformes dont les premières réformes ont  débuté il y environ cinq ans. Le prochain Conseil des ministres des 17 États membres prévu le 24 octobre prochain à Brazzaville s'offre comme une belle opportunité.

Un bilan à mi-parcours avec le Secrétaire exécutif de la Commission nationale Ohada a permis de se rendre compte des performances que cette organisation africaine a réalisé. Mountaga Diouf reconnait, par ailleurs, qu'avec 17 États, il était difficile de faire le consensus sur tout notamment sur l'acte uniforme concernant le droit des sociétés.

Ce conseiller au ministère de la justice du Sénégal avise que des divergences étaient notées sur la présence des notaires dans la procédure de création des sociétés mais aussi sur la baisse du capital social minimum qui était d'un million de francs. Pour solutionner ce problème, souligne M. Diouf, l'Ohada a autorisé à tout État qui le souhaite de baisser son capital minimum pour la Petite et moyenne entreprise ou les Sociétés à responsabilité limité (Sarl).

Sur la Sarl, Mountaga Diouf confie que la Côte d'Ivoire, le Burkina Faso, le Bénin et le Sénégal avaient fait des réformes. Avant de souligner : « Le Sénégal, au lendemain de l'adoption de cet acte uniforme a pris un décret en 2014 pour baisser le capital minimum des SARL à 100 mille F Cfa. »

Ce qui, au bout de quelques mois, avait boosté le processus de création des Sarl. A l'en croire, en l'espace de quelques mois, plus de 5000 sociétés à responsabilité limitée ont été créées au niveau du Registre de commerce de Dakar.

Devant cet état de fait, ce magistrat rappelle avec conviction que « la loi ne doit plus  constituer un facteur de blocage de l'esprit entrepreneurial ». Il a été donc libéralisé le montant du capital social de la Sarl. Ces réformes sur la Sarl ont permis au Sénégal d'intégrer entre 2015 et 2016, le Top 10 des meilleurs réformateurs au monde dans le classement Doing Business.

Amélioration du tissu économique dans la zone

Sur la même lancée, le Directeur du Laboratoire d'Étude et de Recherches en droit privé et sciences criminelles (LER'DP-SCRIM), M. Dieunedort Nzouabeth souligne que la Sarl  a connu un boom surtout dans les États où il y a eu des textes dérogatoires à l'article 311 par rapport au capital social et par rapport à la forme de statut. « On s'est rendu compte que les premiers États qui ont pris des textes, en l'occurrence, le Sénégal, le Bénin, le Togo, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire ont connu une nette amélioration sur le plan économique ».

Cet Agrégé de Droit privé et des Sciences criminelles  pense qu'avec les réformes de l'Ohada il y a une nette amélioration du tissu économique dans la zone. « Avec la réforme du droit des sociétés intervenue en 2014, on s'est rendu compte que la création des sociétés a augmenté dans les États membres de l'Ohada ».

A son avis, le sacrifice consenti par les notaires du Sénégal qui ont adopté un décret qui limite leurs émoluments démontre une volonté d'encourager la création des Petites et moyennes entreprises.

Sur cette lancée, Mountaga Diouf y greffe les procédures collectives sur lesquelles la Côte d'Ivoire et le Sénégal ont fait un statut des mandataires.

A son avis, la réforme sur les actes révisés aura des conséquences économiques certaines mais aussi sociales. L'activité du crédit devra être considérablement développée avec plus de garanties.

L'Ohada à la rescousse de l'entreprise en difficulté

Les premiers actes uniformes de l'Ohada ont été adoptés dans les années 97-98. Actuellement, l'organisation est à neuf actes plus quelques règlements dont celui de la procédure de la Cour de justice pour arbitrage. Sur ces neuf actes uniformes quatre sont déjà révisés.

La situation du secteur informel ainsi que celle des entreprises en difficultés n'ont pas été occultées.

La révision de l'acte uniforme portant sur le droit commercial général effectué en 2010 avait créé des innovations notamment la création d'un nouveau statut pour les opérateurs économiques : le statut de l'entreprenant qui vise à formaliser leurs acteurs qui sont dans le secteur informel tout en modernisant les règles qui régissaient les commerçants.

Dans le domaine des entreprises en difficultés, M. Moussa Guèye, enseignant et maitre de conférences à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l'UCAD souligne qu'il est constaté que le nouvel acte uniforme qui est entré en vigueur en décembre 2015 a apporté des innovations importantes. Ce qui, d'après lui, concerne d'abord l'élargissement du domaine des mesures préventives avec l'introduction de la procédure de conciliation et une meilleure organisation de la procédure de règlement préventive.

Pour ce Docteur d'État en Droit prié, l'évolution notable notée à ce niveau est que désormais le législateur permet à des personnes physiques qui n'ont pas la qualité de commerçant de pouvoir solliciter soit le règlement préventif, soit la conciliation. Dans tous les cas, « ces mesures préventives ne pourront être efficaces que si l'entreprise traverse certes des difficultés sérieuses mais n'est pas en situation de cessation de paiement ».

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