Sénégal: Des seringues neuves distribuées aux usagers de drogues

(Photo d'archives) - Addiction de drogue par injection.
14 Octobre 2016

Au Sénégal, des usagers de drogue reçoivent des seringues pour leur consommation. Cette démarche qui fait tiquer est du Centre de prise en charge intégrée des addictions de Dakar (Cepiad). Les résultats jusque-là obtenus par cette structure qui traite la question sous l’angle de « problème de santé publique », alliant justice et milieu de la santé, fait du Sénégal un pays de référence en matière de lutte contre la drogue en Afrique de l’Ouest.

Ouvert à Dakar en décembre 2014, le Centre de prise en charge intégrée des addictions de Dakar (Cepiad) accueille librement des consommateurs de drogue et met, entre autres, à leur disposition, un programme d’échange de seringues, des soins de santé gratuits, des consultations, des traitements et une formation qualifiante.

Au quotidien ses équipes traversent les rues de Dakar, la capitale sénégalaise, à la rencontre des usagers de drogue. Ils leur distribuent des seringues neuves et les sensibilisent pour aider à la prévention de maladies transmissibles telles que le VIH et les hépatites.

Les responsables de cette structure l’ont fait savoir lors de la projection du film intitulé « Réduction des risques : l’Expérience Sénégalaise », ce jeudi 13 octobre au siège de l’Open Society Initiative for West Africa (Osiwa).

Ce court-métrage rythmé par la voix d’anciens et actuels toxicomanes, de travailleurs sociaux, d’agents de santé et décideurs politiques donne, selon la chargée du Plaidoyer adjointe d’Osiwa, Mme Haingo Valencia Rakotomalala, un visage humain à la consommation de la drogue. D’où la pertinence de la politique de partage d’aiguilles du Cepiad. Cet acte, « illégal » aux yeux des juristes, est perçu, par ses initiateurs, comme un moyen de cultiver la confiance chez les consommateurs de drogue en vue de les aider sortir d’une situation chaotique.

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Une approche jugée nécessaire du moment que rien qu’à Dakar, il est estimé une population de 1300 usagers de drogue. Le Secrétaire Exécutif du Conseil national de lutte contre le Sida (Cnls), intervenue dans le film, informe qu’une enquête menée en 2011 a montré que malgré le faible taux de prévalence du VIH chez la population générale (0,7%), la prévalence chez les usagers de drogue par voie injectable atteignait les 9% et la prévalence de l’hépatite C dépassait les 23%.

A l’en croire, la prévalence du VIH chez les femmes qui s’injectent des drogues était beaucoup plus élevée que chez les hommes (21,1% contre 7,5%). Avant de faire remarquer que le partage d’aiguille était également fréquent au sein de cette population. De manière générale, les usagers de drogues au Sénégal ont un risque de mortalité très élevé.

Face au danger d’une épidémie de VIH liée à l’injection de drogues, le gouvernement a accordé une place importante à la population d’usagers de drogues injectables dans le Programme national sur le sida pour 2011 – 2015.

Le projet gouvernemental Usagers de drogues au Sénégal (Udsen) a mobilisé des équipes de proximité pour sensibiliser les usagers de drogues quant aux pratiques à moindre risque. En 2011, le Programme d’échange d’aiguille et seringues (Pes) a commencé dans la région de Dakar et, en 2014, un centre de traitement de la dépendance s’est ouvert et comprend le traitement d’initialisation et de maintien à la méthadone.

Osiwa, dans une notre remise à la presse qu’au moment du tournage du film, 123 usagers d’héroïne bénéficiaient de méthadone, un opiacé réduisant les symptômes dus au sevrage chez les additifs à l’héroïne, à la morphine et à d’autres drogues.

Le Pr Mamadou Habib Thiam, psychiatre des hôpitaux universitaires, médecin légiste, Chef de service psychiatrie et psychologie médicale, informe que 600 patients ont été suivis en deux ans.

Des toxicomanes qui ont témoigné dans le documentaire assurent que le Cepiad crée un environnement favorable aux usagers de drogues leur permettant de regagner confiance en eux de se réintégrer dans la société. A travers le partage d’aiguilles, le Cepiad assure un accès à la prévention, aux soins, aux traitements et un soutien aux personnes présentant des additions aux substances psychoactives ; en particulier aux consommateurs de drogues injectables. Il vise la réduction de la consommation de drogue, à l’amélioration de la situation sanitaire et sociale des consommateurs de drogues injectables et favorise la réinsertion sociale familiale et professionnelle. Les femmes bénéficient d’un accès au traitement à parité avec les hommes.

Le documentaire a essayé d’expliquer comment une telle approche aussi avant-gardiste est utilisée pour réduire les conséquences néfastes liées à l’usage de drogue et préserver la santé publique. Une approche similaire est utilisée dans d’autres pays africains tels que l’Île Maurice, la Tanzanie et le Kenya.

Cette démarche souligne la nécessité de réformer la manière de lutter contre la drogue, qui préconise plus des solutions répressives.  Ce qui, M. Ousmane Diouf, président de la 3ème Chambre de Cour d’Appel de Dakar, ne devrait pas, pour autant, faire de Dakar un eldorado pour les usagers de drogues.

Selon lui, il est difficile de juger un usager de drogue comme un malade et un non un prévenu. M. Diouf tient à préciser qu’en matière de drogue, la loi est plus contraignante pour le trafiquant que le consommateur qui bénéficie souvent de brèches ouvertes par le législateur qui prend en compte l’aspect humain. A l’en croire, un recensement dans les prisons permettra de se rendre compte que les usagers de drogue représentent une faible part dans la population carcérale.

Dans une dynamique de réformer les méthodes de lutte contre la drogue, M. Diouf invite au développement de planches de collaboration entre la justice et la santé pour essayer de faire la part des choses.

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