Afrique: Difficile accès à la terre – Les femmes victimes d'une absence de volonté politique

10 Novembre 2016

En Afrique, les femmes accèdent difficilement à la terre alors qu'elles contribuent plus dans la production agricole. Un état des lieux permet de constater que cet état de fait n'est que la résultante d'une absence de volonté politique qui pêche dans l'application d'un cadre juridique qui ne dénie pas ce droit à la femme.

Le difficile accès des femmes à la terre est jugé paradoxale voir incompréhensible aux yeux de plusieurs observateurs qui ont pointé du doigt une « complicité » des autorités publiques à ne pas veiller à l'application des textes juridiques existants. Le panel sur « La terre de tous : L'exercice du droit à la terre », inscrit dans le cadre de la campagne L'Affaire de Tous : Droits de la Femme en Afrique de l'Ouest, initiée par l'Open Society Initiative for West Africa (Osiwa), tenu ce mercredi 9 novembre 2016 à Dakar, a permis de s'en rendre compte.

Farouche défenseur de la nature, Mme Mariama Sow, coordonnatrice d'ENDA PRONAT a d'emblée mis les pieds dans le plat. Elle s'est étonnée du fait que la loi n'a jamais été un frein pour l'accès des femmes à la terre qui, à son avis, est plutôt lié à des problèmes économique et culturel.

Dans cette même veine, le Dr Alpha Ba, enseignant-chercheur à l'École Normale Supérieur d'Agriculture de Thiès estime que « si l'accès des femmes à la terre continue d'exister c'est que l'approche pour la résolution de ce problème a été faussée ». A son avis, il serait préférable de montrer comment cet accès constitue d'abord un impératif de la communauté avant même d'être un intérêt pour la femme.

Panélistes comme participants ont dénoncé les « démarches en trompe-l'œil » consistant à affecter des lopins de terre à des groupements composés d'une demi-centaine de femmes. Un moyen que les autorités étatiques ou locales utilisent pour se donner bonne conscience face aux multiples interpellations sur la question du difficile accès des femmes à la terre.

Devant cet état de fait, Daouda Diop, un acteur de la société civile connu pour son engagement au droit de la femme, remet en cause la crédibilité de la loi qui, théoriquement, ne constitue pas une entrave à l'accès à la terre. Pour lui, les lois ne sont pas suffisantes car elles manquent de mesures d'application. Face à cette situation, M. Diop recommande la prise de mesures administratives qui vont permettre d'avancer. C'est ainsi qu'il invite les juristes à approfondir la réflexion dans l'optique de trouver les meilleures formules pour une application simple.

Sur cette même cadence, M. Samba Barry, spécialiste en gouvernance Droits Humains et Démocratie à l'USAID, de leur rappeler que : « une loi n'est pertinente que quand elle répond aux aspirations des communautés ».

Pour Mariama Sow, résoudre ce problème d'accès à la terre, revient d'abord à replacer les femmes au sein de la société en leur donnant une part entière. Elle pense que cette situation n'est que la résultante de l'absence d'une volonté politique.

La coordonnatrice d'ENDA PRONAT invite autorités et juristes à définir, avec les femmes, des procédures d'anticipation mais en faisant comprendre aux concernées, leur terroir avec un plan de gestion et d'exploitation qui prend en compte les besoins de tout le monde.

Adopter des normes juridiques qui prennent en compte les pratiques communautaires

Avec la situation inconfortable dans laquelle patauge la gouvernance foncière, l'accès des femmes ne pouvait être meilleur au moment où la ressource fait l'objet de toutes les convoitises. En plus de la mainmise des hommes et des gouvernants, les multinationales se tournent de plus vers les terres africaines pour, soit des exploitations agricoles, soit extirper les ressources qu'elle renferme. Un facteur qui, selon Samba Barry, constitue une menace pour l'exploitation familiale qui nourrit principalement les familles africaines.

Pour le Dr Alpha Bâ, cette convoitise contribue à déstructurer le rapport symbolique et identitaire qui lie l'Africain à la terre. Il estime que pour régler les problèmes fonciers, le législateur a voulu imposer une approche normative qui ne prend pas en compte les attentes des communautés locales. Ce qui est d'ailleurs à la source des conflits latents ou réels sur le foncier. Face à cette situation, M. Bâ juge nécessaire de combiner les pratiques en mettant des normes juridiques qui tiennent en compte les pratiques communautaires.

Profitant de cette brèche, Mme Sow d'ENDA PRONAT considère qu'en initiant des réformes pour sécuriser les investisseurs, il faut également penser à l'exploitation familiale qui assure une sécurité alimentaire aux populations. Elle en profite, par ailleurs, pour dénoncer l'«immatriculation sauvage » des terres au nom de l'État et des collectivités locales. Ce qui, d'après elle, conduit à une « marchandisation » de la ressource. A son avis, les modes de gouvernances foncières doivent être définies de concert les populations pour éviter toutes formes de résistance dans la mise en œuvre. Un postulat qui sera appuyé par Mme Ndaye Coumba Diouf de l'Initiative prospectives agricoles et rurales (Ipar). Cette dernière invite à l'institutionnalisation des comités villageois paritaires qui auront un rôle de concertation, de veille sur l'action des collectivités territoriales.

Pour sa part, c'est ce que Mme Safiétou Diop du réseau Siggil Jigéen appellera « dialogue social » pour des solutions adaptées. A son avis, il faut une volonté politique de discrimination positive à l'endroit de la femme. Mme Diop juge également nécessaire de miser sur l'éducation surtout des filles, pour régler les problèmes de l'information des femmes sur leurs droits.

Ce qui permet la promotrice de la plate-forme digitale Sooretul de mettre les nouvelles technologies dans le bain. Awa Kaba invite les acteurs à voir comment promouvoir l'utilisation de l'outil technologique pour résoudre les problèmes ruraux, sensibiliser les femmes sur leurs droits et éduquer les jeunes et les impliquer dans les débats.

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