Déclaration de M. Abdalla Hamdok, Secrétaire exécutif par interim de la Commission économique pour l'Afrique, à l'occasion de l'entrée en vigueur historique de l'accord de Paris sur le climat
Le 4 novembre est un jour historique, car c'est aujourd'hui qu'entre en vigueur l'Accord de Paris sur le climat. C'est un jalon important pour l'engagement de la communauté internationale à contenir le réchauffement de la planète en-dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels. Ce seuil est considéré par les scientifiques comme la limite de sécurité au-delà de laquelle les changements climatiques risquent de devenir irréversibles.
Lorsque l'Accord de Paris a été conclu en décembre 2015, on pensait que son entrée en vigueur interviendrait en 2020. Or, signe de l'urgence de la crise climatique, il n'a fallu que 11 mois pour que l'Accord entre en vigueur.
C'est pourquoi la vingt-deuxième Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 22), prévue du 7 au 18 novembre 2016, revêt une très grande importance, notamment pour ce qui est de l'élaboration des mécanismes et des dispositions nécessaires à la mise en œuvre de l'Accord. D'ailleurs, il n'est pas surprenant que cette Conférence ait été appelée la COP de la mise en œuvre ou la COP de l'action.
En collaboration avec les institutions panafricaines sœurs, la CEA s'est employée à renforcer la présence de l'Afrique à la COP 22, grâce à la construction d'un pavillon africain sur le modèle de celui qui avait si bien réussi lors de la COP 21. C'est avec la conviction que l'Accord de Paris doit répondre aux attentes de l'Afrique que la CEA se rend à Marrakech pour y délivrer les messages validés lors de la sixième Conférence sur les changements climatiques et le développement en Afrique, tenue dans le cadre des préparatifs de la COP 22. Ces messages, qui exhortent les gouvernements et les autres parties prenantes à montrer la voie pour la mise en œuvre de l'Accord de Paris, sont les suivants :
- La rapidité sans précédent avec laquelle l'Accord de Paris est entré en vigueur signifie que les pays africains n'ayant pas encore ratifié l'Accord doivent de toute urgence réviser leurs contributions prévues déterminées au niveau national afin d'assurer la cohérence et la conformité avec les plans et priorités de développement national, ainsi qu'avec les moyens de mise en œuvre.
- L'Afrique a joué un rôle clef dans l'adoption de l'Accord de Paris. Les pays développés doivent donc s'acquitter de leurs obligations et tenir leurs engagements pour ce qui est d'aider les pays africains à mettre en œuvre l'Accord.
- La COP 22 a été appelée la « COP de la mise en œuvre ». Or, l'Accord de Paris ne contient pas de dispositions relatives aux moyens de mise en œuvre, en particulier pour ce qui est des engagements déterminés au niveau national. Ce sont là des questions qui doivent être réglées à la COP 22. Pour l'Afrique, le plus grand problème est que les moyens actuels de mise en œuvre (dispositions concernant le financement, transfert de technologies et renforcement des capacités) sont nettement insuffisants pour permettre la mise en œuvre complète de ses engagements déterminés au niveau national. Il est donc crucial que la COP 22 examine et règle cette question d'une manière qui soit conforme aux impératifs de développement du continent.
- Les objectifs de développement durable de l'ONU à l'horizon 2030, l'Agenda 2063 pour la transformation de l'Afrique et l'Accord de Paris doivent être mis en œuvre de manière intégrée, la priorité absolue étant de mettre les pauvres et les plus vulnérables au cœur de tous les efforts.
- L'élan ainsi créé par l'Accord de Paris donne aux pays africains l'occasion d'exploiter pleinement leurs abondantes ressources énergétiques renouvelables afin de favoriser une croissance inclusive et un développement sobre en carbone et résilient au climat.
- L'Accord de Paris donne également un nouvel élan à un changement d'orientation en faveur d'une transformation structurelle fondée sur une industrialisation verte qui ajoute de la valeur aux produits de base de l'Afrique et qui en accroît la compétitivité sur les marchés mondiaux.
- Il faut des cadres directifs et règlementaires appropriés pour attirer des investissements et mobiliser le secteur privé et d'autres sources de financement, notamment les ressources intérieures, les obligations vertes et d'autres instruments novateurs comme les obligations à l'intention de la diaspora, en faveur d'une croissance inclusive qui soit sobre en carbone et résiliente au climat.
- Les initiatives africaines, notamment celles qui ont été lancées à la COP 21 (Initiative africaine pour les énergies renouvelables et Initiative d'adaptation de l'Afrique, par exemple), doivent être coordonnées comme il se doit au niveau continental, et leur mise en œuvre au niveau national doit être harmonisée avec les efforts visant à atteindre les objectifs de développement durable et à mettre en œuvre l'Agenda 2063.
- Il est urgent de mettre en place un mécanisme de coordination pour renforcer le rôle des acteurs non étatiques dans les activités relatives au climat qui sont menées dans le cadre d'institutions et de programmes régionaux. À cet égard, il faut de toute urgence préparer les acteurs non étatiques africains à une participation au mécanisme et aux dispositifs définis à l'article 6 de l'Accord.
- Les effets des changements climatiques en Afrique sont de plus en plus complexes, ce qui fait planer de nouvelles menaces sur les populations et leurs moyens de subsistance, en créant une nouvelle dynamique de migrations, de catastrophes et de conflits qui, à son tour, exacerbe les effets des changements climatiques. Pour faire face à ces menaces, il faut une approche globale et intégrée de l'élaboration et de la mise en œuvre des politiques.
- Des données climatiques fiables et à jour sont essentielles à l'élaboration de politiques et à la prise de décisions concernant la gestion des risques climatiques. À mesure que s'intensifient les changements climatiques, il devient encore plus impératif d'adopter une approche intégrée et globale de la production, de la présentation, de la diffusion et de l'utilisation d'informations climatiques en vue de la mise en œuvre de l'Accord de Paris.
- Les pays africains devraient encourager l'investissement dans la transformation du secteur agricole afin de tirer parti des possibilités offertes par le lien entre les changements climatiques, la production agricole et le commerce, en particulier pour les petits agriculteurs.
- Les pays africains devraient investir dans les possibilités découlant des changements climatiques afin de créer des moyens de subsistance pour leur jeunesse, notamment des innovations dans les domaines des énergies renouvelables, de l'agriculture et des technologies écologiquement rationnelles.
- Il est urgent de favoriser une collaboration au sein des régions et entre les régions dans les domaines de l'innovation et de la recherche-développement en faveur de solutions climatiques.
[Arabe]