L’expérience chinoise en matière de développement peut bel et bien inspirer le continent africain. Ses similitudes avec celle du continent noir sont nombreuses. Mais beaucoup d’observateurs pensent que le « success story » chinois n’est pas transposable en Afrique à cause d’une différence de culture.
Le modèle chinois en matière développement peut bien inspirer l’Afrique mais elle n’est pas transposable dans le continent noir. Cette conviction est largement partagée par l’ensemble des panélistes qui se sont retrouvés le temps d’un après-midi pour réfléchir sur « Expérience chinoise et africaine du développement ». Une réflexion que le CODESRIA a convoqué le lundi 14 novembre à son siège à Dakar.
Le Pr Samir Amin du Forum Social Mondial a ouvert le bal d’une manière affirmative « L’expérience chinoise peut bien servir à l’Afrique mais elle n’est pas transposable ». Le modérateur du jour justifie son assertion par la différence des cultures chinoise et africaine. Avant de souligner que, malgré ce point d’achoppement, « les Africains ont à apprendre de la Chine qui a inauguré, sur beaucoup de plan, des voies nouvelles ».
Parmi les spécificités de l’expérience chinoise qui pourraient être bénéfiques à l’Afrique, le Pr Amin met le doigt sur les réussites agricole et rurale avec la loi fondamentale de l’accès à la terre. A son avis, « la révolution chinoise a été une réussite car elle a donné la terre aux paysans sur la base de la meilleure égalité possible ».
Samir Amin d’y ajouter l’engagement du pays à développer les forces productrices en se basant sur l’évolution technologique. Ce qui, à son avis, revient à allier exploitation familiale et production industrielle.
Pour lui, l’Afrique est toujours à la recherche d’un model de développement qui lui est authentique. Ce leader du Forum Social Mondial invite les Africains à se baser sur l’expérience chinoise qui est très connectée à sa culture, et établir un véritable agenda africain.
Sur la même lancée, le Pr Demba Moussa Dembelé du Forum des Alternatives pointe du doigt les programmes d’ajustement structurel qui, à son avis, ont détruit tout ce qui a été fait pour l’industrialisation de l’Afrique. Dénonçant cette mainmise occidentale via les institutions de Breton Wood, M. Dembélé brandit ce rapport de la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) qui confie que « l’Afrique a connu neuf modèles de développement durant les 50 ans, avec des conséquences désastreuses ».
Ce farouche pourfendeur de l’existence de la monnaie du franc CFA, se réjouit de ce qu’il qualifie de début de prise de conscience sur la nécessité, pour l’Afrique, de chercher sa voie avec des initiatives comme une banque centrale africaine, une monnaie unique de la CEDEAO…
Demba Moussa Dembélé pense que les Africains ont besoin d’un projet de développement souverain comme ça a été le cas en Chine. A son avis, rien n’empêche d’y parvenir à condition de d’assurer sa souveraineté au niveau des ressources naturelles.
Dans cette même veine, M. Dembélé parle également d’une souveraineté sur les politiques, le foncier… « Si nous ne faisons pas attention, la ruée des multinationales vers le foncier africain risque de déboucher sur une recolonisation ». Il recommande ainsi le développement de la coopération sud-sud avec les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), le Moyen et le Proche Orient. A son avis, c’est le seul moyen pour l’Afrique d’avoir ce projet souverain tant recherché pour marcher vers son industrialisation.
Emboitant le pas à ses prédécesseurs, le Pr Yang Guang de l’Académie chinoise des sciences sociales oriente le débat vers l’approche chinoise de lutte contre la pauvreté. Une démarche qui a consisté à éliminer les barrières institutionnelles avec la responsabilisation, la production ou l’exploitation familiale ou responsabilisation domestique.
Sur cette lancée, le pays avait jeté son dévolu sur la création d’emplois pour les producteurs agricoles ou promouvant l’industrialisation rurale et l’entreprise villageoise. Elle avait également levé l’interdiction faite aux populations rurales de se rendre dans les villes pour aller chercher du travail.
Dans son processus de développement, le pays avait également initié une création de zones économiques spéciales dans les régions côtières.
Ce géant asiatique a également réussi le processus de décentralisation du système de collecte des impôts ayant permis aux gouvernements locaux de partager une partie de leurs recettes fiscales. Une option qui, selon M. Guang a aidé les provinces à beaucoup investir dans l’industrialisation et la création d’emplois.
Dans cette même veine, il a été rendu possible la promotion de la production en contrôlant les prix de matières premières et éliminant les taxes sur les produits agricoles. A l’en croire, toutes ces initiatives ont été réalisées à travers différents programmes nationaux et la formation de techniciens agricoles en zone rurale.
La réussite du développement chinois est aussi passée par la construction d’infrastructures appropriées avec des investissements énormes consentis par le gouvernement. « Dans le plus petit village de la Chine, on y trouve des routes qui le raccordent à la ville la plus proche, un réseau d’électricité digne de ce nom et l’accès à l’outil technologique ».
Sur cette dynamique, confie ce professeur de l’Académie chinoise des sciences sociale, le gouvernement a pris l’option d’améliorer la capacité physique et intellectuelle de la population pauvre. Ce qui, d’après lui, a été fait sur la base de la mise en place de systèmes gratuits de formation ou d’apprentissage au niveau primaire et secondaire. A cela, s’ajoutent la création d’un système de sécurité médicale avec un paiement symbolique de la population rurale. Et que, poursuit M. Guang, « depuis 2009, le gouvernement essaye de créer un système de pension de retraite pour les agriculteurs ».