Yaoundé — En dépit des divergences qui sous-tendent le plaidoyer pour l'élaboration des politiques de développement pour les pays africains, la politique industrielle transformatrice demeure cruciale pour le continent ainsi qu'une approche holistique dans l'évaluation et la lutte contre la corruption - en prenant particulièrement en compte la dimension internationale de ce problème ; et ceci, dans le contexte de la gouvernance.
C'est le double message qui a émergé du débat passionné organisé conjointement à Yaoundé par la Commission Economique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA) et l'Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC). Le débat était centré autour des deux publications de la CEA: Politique industrielle transformatrice pour l'Afrique et le IVème Rapport sur la Gouvernance en Afrique.
La politique industrielle est essentielle pour l'Afrique
En partant du postulat du rapport intitulé La politique industrielle transformatrice pour l'Afrique - qui en appelle à des orientations intelligentes et dynamiques en matière de politique industrielle afin d'atteindre une croissance économique soutenue et durable, le Directeur du Bureau Sous-Régional de la CEA, M. Antonio Pedro a déclaré que les pays africains doivent désormais mettre l'accent sur trois choses: développer un capital humain fort, créer et renforcer les institutions ayant un fort potentiel de développement, et élaborer des politiques cohérentes.
« En matière de politiques publiques, il devient urgent pour nos Etats membres de trouver un ensemble de politiques et interventions susceptibles de permettre à nos pays de maintenir des rythmes de croissance élevés, créer des sources de revenus fiables, tirer profit de l'évolution démographique et de l'explosion de la population jeune afin de parvenir à une plus grande stabilité économique et, finalement à une croissance résiliente et durable en vue d'atteindre le statut de pays à revenu intermédiaire ou de pays avancé ».
Pour M. Pedro, c'est par le biais d'une mise en œuvre intelligente de la politique industrielle favorisant l'industrialisation basée sur les ressources que le continent pourrait accroître ses capacités de production. Mais pour ce faire, il faudrait également dépasser les avantages comparatifs initiaux- car, cet avantage (qui favorise davantage l'exportation des matières brutes et la production de biens nécessitant de faibles capacités) peut facilement être perdu au profit de la concurrence.
Cette posture a été approuvée par le Directeur de l'Industrie au Ministère de l'Industrie, des Mines et du Développement technologique du Cameroun, M. Mindjos Momeny, qui a déclaré que l'industrie occupait une place de choix dans le programme de développement du Cameroun et que la compétitivité de son secteur industriel a largement contribué à la résilience économique du pays lors de l'effondrement du cours des matières premières et du pétrole.
Lien entre politique industrielle et la gouvernance
Au même moment, l'hôte de la cérémonie et Directeur de l'IRIC, Le Ministre plénipotentiaire M. Pierre Emmanuel Tabi a démontré avec finesse le lien étroit entre le débat sur la politique industrielle et celui sur la lutte contre la corruption. De son point de vue, l'Afrique a besoin de politiques industrielles engagées pour se transformer mais seulement dans un contexte de bonne gouvernance, d'accords multilatéraux et avec l'implication du secteur privé et de la société civile.
Pour sa part, le Président de la Commission Nationale Anti-Corruption (CONAC) du Cameroun, le Rév. Dr Dieudonné Massi Gams, s'est fermement aligné sur le point de vue défendu dans le IVème Rapport sur la Gouvernance en Afrique selon lequel l'évaluation de la corruption en Afrique ne saurait se limiter à une perception (qui est jusqu'ici la principale méthodologie utilisée) mais que la dimension internationale de ce fléau doit être véritablement prise en compte. Il a déclaré que la CONAC s'attaque à ce problème à l'aide d'un outil appelé PRECIS qui vise à lutter contre la corruption orchestrée par les multinationales sous le nom de code « corruption par les tigres » par opposition à la « corruption par les mouches ». Il a conclu son propos en disant que le recours au patriotisme, l'appropriation de la stratégie nationale de lutte contre la corruption, les programmes de formation en intégrité et la culture du mérite - de la maternelle à l'université - devraient aider à éradiquer ce fléau.
Hormis les évaluations structurées du rapport sur la gouvernance et celui sur la politique industrielle faites respectivement par le Dr Eric Mathias Owona Nguini de l'Université de Yaoundé II et l'Economiste financier indépendant M. Babissaka, hauts fonctionnaires camerounais, le Président de Transparency International Cameroon - Maitre Charles Nguini, les élèves diplomates et de nombreuses autres personnalités ont enrichi le débat par des contributions aussi favorables que divergentes sur les positions prises par les rédacteurs des deux rapports de la CEA.