L'agenda de recherche des Think-Tanks ou laboratoires d'idées en Afrique croule sous le poids de l'influence des bailleurs dont les priorités sont généralement contraires à celles de l'Afrique. La mobilisation de ressources domestiques est ainsi agitée comme solution afin de rendre aux groupes de recherche africains leur autonomie pour mieux axer leur travail sur les attentes du continent.
Comment les institutions productrices de savoir en Afrique peuvent se libérer de la tyrannie des bailleurs qui le plus souvent orientent leurs thématiques de recherche ? C'est la question soulevée lors du panel sur « Le rôle des Think-Tanks dans la réalisation de l'Afrique que nous voulons » par le Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (Codesria), le jeudi 26 janvier 2017 à Dakar.
Une situation qui explique le fait que beaucoup de résultats de recherches produits par des Think-Tanks africains n'emballent pas trop les populations encore moins les autorités. Beaucoup d'acteurs pointent du doigt l'hégémonie des bailleurs de fonds, souvent établis dans les pays occidentaux, et qui ne financent que des projets de recherche dont la thématique ne colle pas trop aux attentes du continent.
Un constat qui fait dire à la représentante de l'organisation Trust Africa à cette table-ronde, Mme Jeanne Elone , qu'«il y a besoin d'encourager la philanthropie africaine propre pour que les ressources qui financent la production du savoir en Afrique viennent du continent ».
A son avis, c'est l'une des principales conditions qui permet de voir des agendas ou thématiques de recherches importantes pour le pays dans lequel se trouve le Think-Tank. Avant de reconnaitre que « souvent les bailleurs viennent avec des idées reçues et il est difficile de leur faire changer d'idée ».
Sur cette même lancée, le Secrétaire exécutif du Codesria, M. Ebrima Sall dénonce l'absence de lien direct entre l'information produite et les politiques qui sont menées, en terme de pertinence de l'analyse et les politiques menées.
A son avis, « la vérité est que nous vivons dans un continent sous développé et c'est là qu'on doit assurer notre rôle de Think-Tank. En tant que structure productrice de savoir il faut qu'on contribue à sortir de cette situation ».
Pour lui, « le travail des Think-Tanks est important dans ce contexte car si l'État ne t'écoute pas, il y a des citoyens qui peuvent prêter attention à ce que vous dites et s'en servir pour interagir avec les autorités sur certaines questions ».
Les laboratoires du savoir sont ainsi appelés à faire de sorte que le produit de leur travail soit digeste afin d'impacter sur les politiques. Ce qui passe, en partie, par l'utilisation de type de « véhicules » y compris les médias sociaux.
Mme Jeanne Elone de Trust Africa plaide pour plus de recherche fondamentale en Afrique.
A son avis, en Afrique, il faut aussi faire face à la problématique de la concurrence dans laquelle sont versés les différents Think-Tanks. A l'image de beaucoup d'ONG qui, obnubilées par une course effrénée de financement, se lancent parfois dans des travaux qui ne sont pas forcément de leur domaine de compétence.
Les gouvernements africains ainsi que les organismes et fondations établis dans le continent sont interpelés, pour mettre davantage de ressources dans les laboratoires d'idées dans ce contexte de relever les défis fixés par les agendas de développement 2030 et 2063.
Le CODESRIA maintient le cap malgré son statut de leader
Désigné meilleur « Think-Thank 2016 en Afrique » par une étude publiée par l'Université de Pennsylvanie (Etats-Unis), le Codesria ne change pas de cap. Son Secrétaire Exécutif de rappeler que ce laboratoire d'idées adopte périodiquement des thèmes prioritaires dans le cadre d'un Plan Stratégique dont celui ayant couvert 2012-2016. Ce plan retient six thèmes principaux classifiés en trois grands blocs en plus des questions transversales.
Le Codesria intervient dans trois grands domaines dont la politique, la gouvernance et la sécurité, droits humains. Il y a également un thème sur l'économie, l'écologie et les sociétés qui changent avec tous les problèmes de développement, d'industrialisation, d'agriculture, les processus d'urbanisation, les changements sociaux, environnementaux.
Ce laboratoire d'idées a axé son troisième domaine dans l'enseignement supérieur, la recherche.
Pour les questions transversales, le Codesria planche sur les questions liées à la jeunesse, le genre, les relations homme-femme, les inégalités. « Un ensemble de questions généralement retrouvées un peu partout et qui permettent d'affiner davantage l'analyse », dixit M. Sall.
Et de préciser : « Ce n'est pas un changement de cap mais une manière de centrer les énergies et orienter un peu les gens pour augmenter la lisibilité de ce que nous faisons parce qu'on nous reprochait souvent de faire trop de choses ». Car, a-t-il poursuivi, « il faut bien formuler les projets de recherche, définir les priorités avant d'aller vers les bailleurs de fonds. »