Afrique: Des journalistes d'Afrique de l'Ouest et du Centre brandissent leurs outils contre le mariage des enfants

3 Mars 2017

Des journalistes d’Afrique de l’Ouest et du Centre ont développé des plans d’actions individuels à mettre en œuvre dans leur pays respectif pour lutter contre le mariage des enfants. Cette démarche inédite est l’un des points saillants de l’atelier régional de renforcement de capacité que l’Union africaine (Ua) a tenu du 27 février au 1er Mars 2017 à Accra, la capitale ghanéenne, sur « le plaidoyer accru pour mettre fin au mariage des enfants grâce à l’engagement des médias ».

(Envoyé spécial à Accra) – La presse d’Afrique de l’Ouest et celle du Centre viennent une fois de plus de réitérer leur engagement dans la lutte contre le mariage des enfants. Elles l’ont notifié à travers les plans d’action individuels que près d’une cinquantaine de journalistes et d’acteurs de la société civiles sont prêts à mettre en œuvre dans leur pays respectif. Un acte inédit qui se justifie par la nécessité d’une grande mobilisation face à un phénomène qui menace l’avenir de l’Afrique, et précisément l’Afrique de l’Ouest combinée à celle du Centre constitue la première région du monde où, malheureusement, les filles sont le plus données en mariage avant d’atteindre l’âge de 15 ans.

Les chiffres brandis par des responsables de Plan International et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (Unicef) ayant pris part à ces assises d’Accra font froid dans le dos. Ces statistiques dessinent une cartographie qui renseigne sur l’ampleur de ce phénomène et son impact dévastateur sur les communautés africaines.

Le chargé de plaidoyer, responsable de campagne et de partenariat pour les droits de l’enfant au bureau liaison de Plan International au siège de l’Union Africaine, M. René Christian Umukunzi confie que « le mariage des enfants touche le tiers de cette population de jeunes en Afrique car une fille sur trois est victime de ce phénomène». Ce qui représente une proportion énorme du moment que 52% de la population africaine est constituée de jeunes ayant moins de 18 ans.

Dans la même foulée, la Spécialiste régionale Principale de la Protection de l’enfant de l’Unicef pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, Mme Ramatoulaye Touré-Merlo, y ajoute que dans cette partie du continent, quatre filles sur dix sont mariées à l’âge de 18 ans. Pour un pays comme le Niger, souligne-t-elle avec dégout, « le taux tourne autour de 75% ; donc l’un des taux les plus élevés au monde ainsi que la Centrafrique qui est à 68% ».

Dans ces derniers pays, si les observateurs se plaignaient d’y constater des filles mariées avant 18 ans, les dernières tendances renseignent sur une propension à donner les enfants en mariage avant même l’âge de 15 ans. Ce qui devient un problème de santé public au niveau continental mettant l’Union africaine dans l’obligation de s’en saisir.

Des impacts d’ordre multiples

Cet état des lieux renseigne sans ambages sur des impacts d’ordre social, économique, psychologique… du phénomène sur la société. « Le fléau a un impact très néfaste sur le développement physique de l’enfant qui n’est pas préparé à s’engager dans des activités sexuelles à plus forte raison de porter un enfant », souligne M. Umukunzi.

A cela, il y ajoute l’impact émotionnel avec un risque de dégoût dès le bas âge du sexe opposé, une absence d’intérêt vis-à-vis d’activités dont à besoin un enfant pour son épanouissement (éducation, sports...) « Le phénomène de mariage des enfants à pousser certaines victimes vers des pratiques déviantes comme l’usage de la drogue, le tabagisme, l’alcoolisme… ou même des tentatives de suicide ».

Le tableau est suffisamment sombre pour que l’Union africaine s’en saisisse et enclenche une dynamique continentale de lutte. Un mouvement dans lequel, elle veut embarquer la presse, qualifiée d’élément essentiel pour mener un plaidoyer envers les populations mais surtout les décideurs publics. Ainsi, après un processus jusque-là engagé avec d’autres acteurs et partenaires, les journalistes étaient le maillon restant dans ce dispositif.

Rappeler aux États leurs engagements vis-à-vis de la vision commune de l’UA

Cet atelier de trois jours à Accra a permis de renforcer la capacité des journalistes notamment sur le droit des enfants, en général, et spécifiquement, le mariage des enfants. Une rencontre qui, selon le chargé de plaidoyer, de campagne et de partenariat pour les droits de l’enfant au bureau liaison de Plan International au siège de l’UA, répond à une grande nécessité d’engager toutes les couches de la population africaine dans la campagne de l’Union africaine contre les mariages forcés et les mariages des enfants.

La Directrice de Plan International Ghana parlant au nom des autres organisations régionales estime que le challenge pour les journalistes c’est de traduire en actions effectives, les douze mois à venir, ce qui est arrêté à Accra. Mme Fadimata Alainchar de préciser que « le plan d’action n’est pas une fin en soi. La mise en œuvre est une étape et le plus important c’est le suivi ». Avant d’ajouter : « La presse est un élément essentiel pour sensibiliser et mobiliser».

Cette option de l’Union africaine et de ses partenaires remet au goût du jour la capacité et le pouvoir des hommes de médias à faire bouger les lignes pour déconstruire certaines stéréotypes et influencer les décideurs sur la question des mariages des enfants. « Nous avons misé sur la presse qui occupe une place importante au sein de la population surtout en termes d’éducation et  de sensibilisation », justifie René Christian Umukunzi.

Ainsi dans leurs plans d’action, les journalistes sont appelés à déterrer les engagements pris par les États dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’action de la vision globale. Ce qui retrace certaines grandes lignes de la position africaine sur le mariage des enfants, avec l’obligation de tous les États membres de l’Union africaine de signer, ratifier et internaliser les instruments juridiques visant à éliminer les violences faites à cette couche vulnérable en général, et surtout le mariage des enfants en particulier.

Les États s’étaient également engagés à établir des programmes de sensibilisation des populations sur ce fléau souvent issu des us et coutumes de nos sociétés, sans oublier les programmes de soutien aux victimes des mariages précoces des enfants.

Les pays africains doivent développer des partenariats avec tous les acteurs du moment que l’UA est au fait du manque de ressources pour répondre d’une façon holistique aux problématiques de mariage des enfants. Ils sont ainsi encouragés à se lancer dans des partenariats avec les organisations internationales, les agences onusiennes, la société civile, les groupes cibles et les membres de la communauté afin d’arriver à un objectif « zéro mariage d’enfant » dans un avenir proche.

Les organisations internationales dans la mise en œuvre du plan d’action global

Dans le cadre global de la mise en œuvre de la vision commune, les organisations internationales accompagnent l’Union Africaine depuis le début du processus. C’est à l’image de Plan International qui, selon M. Umukunzi joue un rôle de pionnier dans la campagne africaine. A l’en croire, cette organisation non gouvernementale qui a pris part à l’élaboration de la note conceptuelle de cette campagne jusqu’à son lancement, apporte un appui technique et financier au niveau continental, régional et national.

C’est dans ce cadre qu’il soutient les organisations de la société civile et les réseaux au niveau régional ainsi que les États membres de l’UA. D’où l’apport de Plan International aux initiatives comme cet atelier d’Accra visant des organisations de la société civile, plus particulièrement les médias. Dans cette dynamique, elle a déjà organisé trois ateliers régionaux en Afrique Australe, en Afrique du Sud et ce dernier qui combine l’Afrique Centrale et l’Afrique de l’Ouest.

M. Umukunzi de souligner que l’accompagnement se fait dans l’élaboration de plans d’action au niveau national ainsi que dans la mise en œuvre avec des sessions de formation. « En rapport avec l’évaluation de suivi, Plan soutien les organisations de la société civile des neuf pays où il a des bureaux nationaux pour suivre et développer un plan de suivi et de monitoring sur la mise en œuvre de la campagne ».

Les organismes comme Plan International, Unicef entre autres organisations internationales engagent ainsi leurs bureaux nationaux à étudier les voies et moyens pour accompagner la presse dans la mise en œuvre de leur plan d’action. Une démarche que Ramatoulaye Touré-Merlo juge nécessaire vu l’ampleur de lutter contre une pratique encrée depuis longtemps dans les sociétés africaines. Ce qui, à son avis, nécessite une patience et une habileté dans la démarche à adopter.

La Spécialiste régionale Principale de la Protection de l’enfant de l’Unicef pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre considère que l’un des défis majeurs dans cette lutte est de faire admettre à tous les acteurs « l’urgent d’avoir des résultats à court termes tout en confortant un engagement dans un combat sur le long terme ».

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