Violences sexuelles - Plus de 3.000 plaintes enregistrées dans les juridictions en 2016

En République Démocratique du Congo (RDC), les plaintes contre les auteurs présumés des violences sexuelles sont en nette hausse. Plus de 3000 plaintes enregistrées dans les juridictions civiles et militaires en 2016, contre 2414 plaintes en 2015. Une progression qui s'explique par une plus forte implication de la justice militaire dans le traitement des affaires de viol.

Pas facile, quand on a été victime d'un viol, de déposer une plainte auprès de la justice en RDC. Par peur de représailles ou par honte d'être rejeté par sa famille ou ses proches, la plupart de victimes de violences sexuelles préfèrent se murer derrière le silence. Pourtant, quelque chose semble bouger ces trois dernières années. Dans les juridictions civiles et militaires, de plus en plus de plaintes sont, en effet, enregistrées contre les auteurs présumés de viols.

Selon un récent rapport de "veille judiciaire" du Bureau du Représentant Personnel (BRP) du Président de la République en charge de la lutte contre les violences sexuelles et le recrutement des enfants, 3085 plaintes ont été enregistrées en 2016 dans les juridictions civiles et militaires de la RDC. En 2015, les chiffres s'élevaient à 2414 plaintes dans l'ensemble de ces juridictions, soit une hausse de 27% de plaintes reçues.

Ces statistiques montrent les avancées et les défis de la RDC en matière de lutte contre les violences sexuelles. Entre septembre et décembre 2015, le BRP avait déjà initié, en partenariat avec les ministères de la Défense et de la Justice, les premières tournées de monitoring judiciaire dans les grandes juridictions civiles et militaires du pays, afin de disposer des statistiques judiciaires sur les plaintes des victimes de viols. Confiées à une équipe restreinte de Hauts magistrats, ces missions avaient recueilli des statistiques éloquentes pour 2014 (3061 plaintes) et 2015.

Juridictions militaires : 496 plaintes, 225 condamnations

Fort de cette première expérience, de nouvelles équipes de monitoring mises en place par le BRP pour obtenir des données détaillées de toutes les juridictions de la RDC en matière de violences sexuelles ont sillonné trois provinces (ex-Katanga, Nord-Kivu, ex-Bandundu), entre novembre et décembre 2016. Elles ont consulté les registres des greffes pénaux de différentes juridictions civiles et militaires, afin de garantir la fiabilité des données. Ces registres "ont fourni des informations exactes et vérifiables sur le déroulement des affaires, depuis l'enrôlement jusqu'à la décision du Tribunal ou de la Cour", indique le rapport de l'équipe de "veille judiciaire" du BRP.

Dans les autres provinces du pays, le BRP a travaillé avec les magistrats des parquets désignés par le Parquet Général de la République, pour superviser cette activité de collecte des données. La Haute Cour militaire et la Cour Suprême de Justice ont été associées à cette démarche.

Ainsi, dans les 49 juridictions militaires que compte la RDC (une Haute Cour militaire, 13 cours militaires et 35 tribunaux militaires de garnison), 496 plaintes pour viol ont été enregistrées et 225 condamnations prononcées en 2016. L'année précédente (2015), ces juridictions avaient été saisies pour 195 plaintes, et 74 décisions de condamnation avaient été rendues. "Cette progression s'explique par le simple fait que la justice militaire a fourni des détails de toutes les juridictions", fait remarquer Me Yvette Ali, qui a fait partie des équipes de monitoring.

"On doit améliorer l'accès des victimes à la justice"

Les juridictions civiles ont enregistré, de leur côté, 2589 plaintes au niveau des greffes pénaux des tribunaux de grande instance et cours d'appel de la RDC en 2016, contre 2219 plaintes en 2015. Soit une augmentation de 16% de plaintes. Elles ont prononcé, respectivement, 614 et 918 décisions de condamnation.

Les données des juridictions civiles ne sont toutefois pas suffisantes. "Un effort doit être mené par ces juridictions. Il faudrait, pour cela, renforcer les capacités des greffiers à noter avec clarté et selon un canevas harmonisé les données relatives aux violences sexuelles", commente Me Yvette Ali. Selon le rapport de "veille judiciaire" 2016, le BRP doit intensifier les relations avec les instances supérieures, pour qu'il reçoive à l'avenir les données exhaustives de toutes les juridictions civiles.

Par rapport aux années antérieures, l'on constate que la confiance renaît envers la justice, au regard des plaintes enregistrées en 2016 dans l'ensemble des juridictions, civiles et militaires. Mais de nombreux cas échappent encore à la justice, note un collaborateur de Mme Jeanine Mabunda, Représentant Personnel du Chef de l'Etat en charge de la lutte contre les violences sexuelles et le recrutement des enfants. "La sensibilisation  doit donc se poursuivre. Et on doit améliorer l'accès des victimes à la justice."

Encadré

Au-delà des condamnations, les victimes attendent réparation

Substitut du Procureur général du Parquet Général de Bukavu, Léon Kahindo suit de près le travail des juridictions qui gèrent au quotidien les dossiers relatifs aux violences sexuelles au Sud-Kivu. "En général, les victimes des viols qui portent plainte sont soulagées lorsque les présumés violeurs condamnés par la justice purgent réellement leurs peines dans les lieux de détention", dit-il.

Les condamnées doivent aussi payer les dommages et intérêts dus aux victimes. Mais "ce n'est souvent pas le cas notamment pour les policiers et les militaires dont l'employeur, l'Etat congolais, ne paie généralement pas."

La population se réjouit néanmoins de constater que les cas de viols baissent progressivement dans les rangs de l'armée et de la police, qui sont de plus en plus impliquées dans la lutte contre l'impunité.

Pour les auteurs présumés de viols, beaucoup font appel, convaincus qu'ils peuvent être innocentés. "Ils obtiennent parfois gain de cause lorsque la justice, faute de preuve, finit par les acquitter", explique Léon Kahindo. Mais les autorités font le nécessaire pour assurer des procès équitables, aussi bien pour les victimes que pour les prévenus.

Y.K.

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