Mali: Les échos du Panel d'AllAfrica à Bamako

Début de la Cérémonie sur le #WomensEconomicEmpowerment à l'Hôtel Laico Bamako en presence de la 1ere Dama du Mali
13 Mars 2017

La journée de réflexion que le Groupe AllAfrica Global Media a organisée, le mardi 7 mars 2017 à Bamako, la capitale malienne, en partenariat avec le Groupe de Travail de Haut Niveau du Secrétaire Général des Nations Unies pour l'Autonomisation Économique des Femmes (Unhlp) a été riche en échanges. Les différents panélistes qui se sont passés le micro ont disserté sur « L’autonomisation économique des femmes  et accès des filles à l’école : vecteur de l’émergence en Afrique ». La rédaction de AllAfrica.com vous livre ci-après les minutes du panel…

Marième Ba, Directrice régionale d’AllAfrica « L’implication des femmes est un pilier essentiel pour l’émergence de l’Afrique »

« L’Afrique est à la croisée des chemins. Les taux de croissance les plus importants sont attendus sur le continent. C’est dans ce contexte que les pays africains ont redimensionné leur vision pour le développement. Des Plans Emergents sont sortis de terre. Leur mise en œuvre devra inévitablement conduire à une transformation structurelle des économies, qui ne peut se faire sans l’implication des femmes, piliers essentiels de la société et socle  de la cellule familiale en Afrique ». « L'augmentation du revenu des femmes et leur contrôle accru sur les dépenses familiales peuvent se traduire par des améliorations au chapitre de la nutrition, de la santé et de l'éducation des enfants et, ce faisant, contribuer à briser le cycle de la pauvreté intergénérationnelle ».

Dr Maxim Houinato, Représentant Résident d’ONU Femmes au Mali : « Le secteur privé  doit jouer  un  rôle  important pour l’autonomisation  de la  femme. »

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Engagé pour la cause de la femme, Dr Houinato a plaidé pour une participation efficace du secteur privé dans la marche pour l’autonomisation de la femme. Selon  lui, « ce secteur qui prétend être plus efficace et plus  rapide  que l’Etat doit placer la femme au cœur de leurs actions ». « Les femmes sont les clientes fidèles et  également des employées loyales », a t-il ajouté. Aussi, il invite à réfléchir pour l’adaptation des apprentissages au monde de l’emploi. « L’éducation donne des connaissances mais ne donne pas des aptitudes à l’employabilité de la  femme. Et cela passe par le déblocage des mentalités », a laissé entendre Dr  Maxim Houinato.

Abordant la question de l’autonomisation des femmes, le représentant résident  de ONU Femmes au Mali reste convaincu que « l’autonomisation est impossible, si elles ont accès aux ressources économiques. C'est-à-dire l’accès à la terre, aux financements, des équipements, mais surtout l’accès aux marchés ». Ainsi, il a plaidé, pour que 15% des marchés publics soit alloué aux entreprises appartenant à des femmes. Ce qui  pousse à se demander : « est-ce que l’autonomisation de la femme est  cantonnée à de petites activités au bord de la route ? Est-ce que l’autonomisation  de la  femme est liée aux questions des économies nationales, le secteur  bancaire  pour l’accès aux financements nécessaires. Ce qui doit être au cœur des actions des gouvernements. » « La participation à la prise de décision politique doit être inéluctablement la voie pour une autonomisation plus efficace ». Dans ce cadre se pose la question de savoir: Quel doit être la place de choix de la femme et sa capacité  à influencer les décisions économiques, (chambre de commerce, occuper des postes importantes dans l’administration et le patronat) ? ». Mais force est de reconnaitre, « qu’il est impossible que la question de l’autonomisation de la femme soit uniquement une affaire de femme. Les hommes ont un rôle important à jouer pour l’évolution de la  gente féminine ».

Par ailleurs, Dr Maxim Houinato a magnifié, la clairvoyance du gouvernement malien d’avoir voté, il y’a un an, la loi sur la promotion du genre qui garantit à  hauteur de 30% le niveau de participation des femmes dans le gouvernement.

Oumou Sangaré Ba, Ministre de la promotion de la femme : « Parvenir à l’autonomisation de la femme dans l’immédiat, afin d’enclencher le processus d’émergence en Afrique »

Selon Mme Oumou Sangaré Ba, «le Mali à l’image de plusieurs pays africains s’est doté d’une politique nationale basée sur le genre pour l’émergence de la femme dans l’optique de réduire les disparités sociales, les fossés. La mise en œuvre d’une telle vision doit inéluctablement conduire à une transformation structurelle de  l’économie malienne qui ne peut se  faire sans la participation des femmes, pilier essentiel de la société et socle de la cellule familiale dans notre cher continent. » « L’autonomisation économique des femmes, passe par un ensemble de paquets qui repose sur une éducation de qualité et la formation qui seront au centre de toute stratégie envisageable. Ce qui sera favorisé par un environnement où la pauvreté n’aurait plus sa place et la faim également éradiquée ».

La ministre de la femme est également revenue sur les efforts du gouvernement malien dans le domaine de l’autonomisation de la femme. « L’Etat dans sa politique est conscient que la femme doit occuper une place de choix. Raison pour laquelle, la femme est déjà présente dans tous les secteurs d’activité à fort potentiel dont le secteur rural, le commerce, le secteur informel. Elle se distingue dans l’ingénierie, les secteurs de la science, de l’enseignement, de la sécurité, de l’innovation etc. »

« La conviction du président de la République est que l’émergence de notre pays et du continent dans son ensemble, passe résolument par un leadership affirmé de nos femmes, une égalité de sexes, de chance réelle effective à tous les niveaux, une éducation de qualité pour nos filles et une autonomisation des femmes comme un idéal de société », a-t-elle souligné.

Elle estime que, « l’autonomisation de la femme est du domaine du possible. Nos efforts communs et nos objectifs commun de réalisation nous y mèneront ! »

Mme Bineta Diop, Envoyée spéciale de la Présidente de l’Union Africaine pour les femmes, la Paix et la Sécurité : « Le temps de l’action et  de  relever les défis»

Venue participer au Panel d’AllAfrica tenu dans le cadre de la Journée Internationale de la Femme, l’Envoyée spéciale de la Présidente de la Commission de l’UA rappelle que : « 22 ans après avoir déclaré haut et fort que les droits des femmes sont les droits  fondamentaux des hommes, on peut noter que des progrès considérables ont certes été faits dans le domaine de l’éducation aussi bien de la santé et la participation au pouvoir politique. Nous savons que dans certains pays, les difficultés de l’accès à la terre est une réalité. En tant que femme, nous constatons que la bataille pour l’autonomisation des femmes et l’égalité des genres est loin  d’être gagnée. A travers des textes fondamentaux  tel que le protocole  Maputo ou la déclaration solennelle pour l’égalité des genres en Afrique, notre continent s’est résolument engagé à changer la donne mais les résultats peinent. Dans un souci d’accélérer la concrétisation des engagements pris pendant des années par nos chefs d’Etat, mais aussi par nous les femmes, que l’Union Africaine (UA) a consacré deux années consécutives à l’agenda de la femme africaine. D’abord 2015 a été déclarée par nos chefs d’Etat eux-mêmes avec à sa tête, Mme Helen Johnson Sirleaf « année de l’autonomisation des femmes et  du développement en vue de la réalisation de l’Agenda 20-63 de l’Afrique. Tandis que 2016 a été l’année africaine des droits  humains avec un accent particulier  sur  les droits de la  femme. Ces deux années ont permis d’analyser la situation et de recadrer les priorités africaines pour l’autonomisation de  la  femme ».

C’est  ainsi que six priorités ont  été retenues pour cette  année 2017:

-Autonomisation économique à travers une transformation de l’agriculture qui  occupe une  grande partie des femmes. Dans le milieu rural, il a été noté que 70% des femmes cultivent la terre mais n’y ont pas accès ;

-Accès au financement ;

-La participation de la femme dans la prise de décision dans tous les secteurs : il est  noté que sur les questions de paix et de sécurité, les femmes sont absentes dans les tables de négociations alors que, nous savons, qu’elles sont les premières  victimes de  violences ;

-Orienter la formation des filles dans les sciences et le numérique qui sont des domaines primordiales pour le développement du continent. Il est important de souligner que des avancées considérables sont notées dans le domaine de l’éducation ;

-Accès  aux soins de santé malgré les percées dans ce domaine;

-car 2017 est déclarée « Année de la  jeunesse ».  « Si on y pend pas  garde la jeunesse peut être une bombe à retardement et vu les objectifs d’atteinte du dividende démographique, elle est une force  positive  pour le développement de l’Afrique ».

Mme Bineta Diop a également souligné que « le choix du Mali par la tenue de ce panel de AllAfrica n’est pas le fruit du hasard, car le pays a fait des efforts considérables dans le domaine de l’autonomisation des femmes. La voix du Mali continue d’être un avant-garde pour la paix dans le domaine de l’éducation des filles et l’émergence des femmes ».

Ahmadou Mahtar  Ba Co fondateur et Directeur Général du Groupe AllAfrica Global Media et membre du HIGH-LEVEL PANEL de l’UN - « Il faut que les pouvoirs publics fassent des efforts pour la création d’emploi pour les femmes »

Pour démarrer son speech, il rappelle les propos de l’ancien SG des Nations Unies, Ban Ki Moon qui disait : « l’autonomisation économique des femmes reste un impératif mondial ». Amadou Mahtar Ba défend qu’« avec les Objectifs de Développement Durable, un nouveau souffle a été apporté à cette joute à travers l’objectif numéro 5. L’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes représentent des aspects fondamentaux de l’Agenda 2030 pour le développement durable qui vise à garantir une croissance inclusive en ne laissant personne pour compte. L’autonomisation des femmes demeure donc une condition sine qua non de développement durable et de croissance économique. Pour réaliser ses projets, les Etats veulent que les décisions soient prises à tous les niveaux pour l’agenda  mondial où toutes les parties prenantes doivent se retrouver ». Pendant de longs mois, le Panel de Haut Niveau a mobilisé de nombreux experts à travailler pour un nouveau rapport intitulé, « Ne laisser personne pour compte : un  appel à l’action pour l’égalité des genres et  l’autonomisation des femmes ». Le document qui a été présenté à l’assistance, est un rapport avec sept forces motrices et des actions prioritaires dont chacune d’elles peuvent conduire à l’atteinte des objectifs de développement.

Plaidant pour l’accès des femmes à l’emploi, M. Ba invite, ces dernières à créer leurs propres entreprises. Le PDG du Groupe AllAfrica  Global  Media  et  membre du High-Level-Panel considère qu’« il est préférable que les femmes créent leurs propres entreprises pour gagner plus de parts de marché. Le rapport indique que seul 1% des marchés publics sont attribués aux entreprises appartenant aux femmes. La réalité en est de même pour leur intégration dans les entreprises. Dans 300 entreprises  répertoriées, les femmes ne représentent que 4%. Donc les pouvoirs publics ainsi  que le secteur privé ont un rôle important à jouer pour une autonomisation des femmes et une égalité des genres dans les instances  de décision et dans l’accès à des emplois décents ». Aussi, « il est remarqué que les femmes représentent la majorité des syndiqués dans 33 des pays en développement. Donc, il est important de définir les normes négatives qui freinent l’accès à l’autonomisation économique des femmes ». Amadou Mahtar Ba a également souligné l’importance de l’engagement des hommes à reconnaitre la nécessité de redistribuer les taches domestiques.

Mme Eliane Mounkeli Kiekie ; Expert-comptable et responsable d’une association de femmes en RDC : « Nous les femmes entrepreneuses devons nous poser la question : Qu’ai-je fait pour les autres ? »

En  tant que panéliste, Mme Kieke a insisté sur l’entreprenariat féminin. Selon elle, « l’autonomisation, c’est commencer par avoir des ressources. En tant que l’une des premières femmes entrepreneuses de mon pays, je reste convaincue qu’il faut développer la culture entrepreneuriale pour assurer l’autonomisation des femmes, mais cela passe par la formation. Et dans ce cadre, le soutien des hommes est important. En effet, nous femmes entrepreneuses devront inculquer cette  culture à nos sœurs ».

Pour inciter ses sœurs à suivre la voie de l’entreprenariat en Rdc, Mme Eliane Mounkeli Kiekie a mis en place un hub pour former les femmes. « Sur 550 femmes qui ont  été formées en trois ans, 110 d’entre  elles sont devenues des modèles. Elles ont créé leurs propres unités de production financées par la Banque africaine de développement (Bad). Et avant de démarrer ce programme, on a rencontré des femmes qui n’avaient pas confiance en elle. Donc, il est venu le moment de passer de l’économie de subsistance vers l’économie classique ».

Toutefois, « lorsque nous voulons prendre le pouvoir, il faut participer à des réunions et pour cela nous devons accepter d’être formées ».

Mme Racky Talla, ministre du travail du Mali - « Il ne s’agit pas de donner des outils de travail aux femmes, mais des garanties suffisantes pour leur autonomisation »

En sa qualité ministre en charge du travail au Mali, Mme Racky Talla est revenue sur la représentativité des femmes dans la fonction publique  au Mali. « Au sein de notre fonction publique, sur 48 mille travailleurs, nous avons 12 mille femmes donc le taux de 30% est atteint mais seules 12% d’entre elles sont des cadres. En effet, le secteur informel regroupe le plus grand nombre de femmes au Mali avec un  taux de 80%. Donc, il y’a tout un  programme de renforcement de capacité et de sensibilisation par rapport à leurs droits. Il ne s’agit pas de donner des outils de travail aux femmes, mais de leur donner des garanties suffisantes pour que le travail soit rémunéré à bon escient. Il ne s’agit pas que de bons revenus mais d’encadrer les unités de production, les entreprises familiales pour que les femmes qui travaillent dans ce secteur informel puissent s’assurer une sécurité sociale à l’image de ceux qui travaillent dans  le secteur formel. Ainsi, il  s’agit de fabriquer et consommer nos propres produits  pour sécuriser l’entreprenariat ».

M. Amadou Koita, ministre de la jeunesse du Mali – « L’autonomisation des femmes sera une réalité que lorsque nous accepterons leur intégration sociale »

« Toutes les opportunités sont ouvertes aux jeunes pour qu’elles puissent être insérées dans la société. L’autonomisation des femmes sera une réalité que lorsque nous accepterons leur intégration sociale.

Cette rencontre  d’échanges  dans le  cadre  de  la journée de la femme a permis de déceler les grandes lignes pour la marche vers l’autonomisation économique  de la femme. L’éducation, l’entreprenariat féminin et l’appui du secteur privé semblent être la voix pour la réalisation des objectifs de développement durable qui ont donné  une grande partie à ce volet qui est la promotion du genre ».

Dr Kadi Baby Maiga, Membre du conseil consultatif de la société civile et présidente d’une ONG de femmes, « Le développement passe par l’éducation »

« Selon l’UNESCO un pays ne peut se développer si 50% de sa population n’est pas instruite. Et au Mali, les femmes font au moins 50%. Dans les années 90, le pays était à 19% et aujourd’hui, on a un taux de 69% pour l’éducation des filles. Mais beaucoup d’efforts restent à faire, car les obstacles ne manquent pas. Ils sont nombreux, la croissance démographique, mais le plus dure reste le changement de mentalité. Pour assurer le développement d’une femme, il faut qu’elle soit éduquée. Ce sont les femmes qui mettent les enfants au monde et pour aussi qu’elles soient en bonne santé, l’éducation  est primordiale. Aujourd’hui le défi, c’est de les maintenir ».

 Zinab El Adaoui, la Wali de Souss Massa et gouverneure d’Agadir au  Maroc, « La condition de la femme ne  peut s’améliorer que  par la femme elle même »

« On a parlé de culture mais celle-ci vient de ceux qui éduque. La  femme est le pouvoir de transmission de la culture. Donc, c’est à la presse, ces médias qui doivent de corriger cette image dévalorisante de la femme. Sans oublier que la confiance en soi doit être le fer de lance pour lutter contre cette image stéréotypée ».

« En outre, c’est l’éducation qui est la meilleure solution pour réussir cela, mais elle doit être territorialisée et adaptée aux difficultés, aux spécificités du territoire. C’est dans ce cadre que le Maroc a initié un programme intitulé « Initiative nationale pour le développement humain ». Un programme qu’on a débuté dans le milieu rural qui a donné un résultat escompté grâce à une gouvernance inclusive. Aujourd’hui, la petite fille dans la campagne va à l’école et cela dès la 6éme année. Aussi un programme de lutte contre les disparités a été mis en place pour les femmes de l’informel et une enveloppe de 57 milliards de dirham a été débloqué par le gouvernement  pour le monde rural ».

Amadou Kane,  ancien ministre des finances « Le statut de la femme dans la société  freine son accès au crédit »

« Comment se fait-il que ces dames, ces filles, ces jeunes filles qui se  battent tous les jours, qui donnent la vie, qui savent faire preuve d’abnégation. Celles-là  pourquoi,  elles n’ont pas accès au crédit ? Le secteur bancaire est un domaine à risque. Ce n’est pas une question de genre mais l’expérience  a démontré, que ceci est  le prolongement du statut  de la femme dans la société et de manière juridique. Ce qui constitue un handicap pour leur accès  au  crédit.  Aussi  préciser qu’à ce stade  d’évolution, les femmes sont concentrées dans  de petites  activités qui ne leur permet pas  de décrocher de plus grand crédit. D’ailleurs ce qui explique pourquoi, elles  restent confinées aux  mutuels.

 

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