Dakar — La Commission économique pour l'Afrique a organisé samedi 25 mars à Dakar (Sénégal), en partenariat avec le Bureau du Conseiller spécial sur l'Afrique (OSAA), la Commission de l'Union africaine et ONU Habitat, une réunion d'experts sous le thème : « L'Agenda urbain et le dividende démographique : Investir dans la jeunesse africaine ».
A cette occasion des participants aux horizons très divers, dont des représentants gouvernementaux, de hauts responsables du système des Nations Unies, des représentants du secteur privé, de la société civile, des chercheurs mais aussi de la jeunesse ont participé au débat.
Forte de 226 millions de jeunes en 2015, dont le nombre devrait atteindre 830 millions d'ici 2050, l'Afrique est le continent le plus jeune au monde. C'est aussi celui qui s'urbanise le plus vite, les experts estimant que sa population urbaine devrait être multipliée par trois au cours des cinquante prochaines années.
« La rapidité sans précédent de l'urbanisation en Afrique a généré des défis importants qui ont causé l'apparition de structures urbaines inadéquates en matière de logement, d'accès à l'eau, d'assainissement, de transport ou d'électricité. Elle a aussi entraîné une hausse de la pauvreté urbaine et des inégalités », a prévenu M. Frederick Musiiwa Makamure Shava, Président du Conseil Economique et Social des Nations Unies et Représentant permanent du Zimbabwe auprès de ces dernières.
Le poids croissant des jeunes et de l'urbanisation rapide de l'Afrique sont deux phénomènes porteurs d'implications profondes pour l'économie et la croissance du continent. Ces deux donnes s'influencent aussi mutuellement, la croissance démographique ayant un impact significatif sur la planification urbaine tandis que la qualité de l'urbanisation détermine le bien-être des populations. « L'urbanisation influence de plus en plus le développement et les tendances économiques en Afrique, tandis que le développement du continent se fait surtout au niveau des zones urbaines », a remarqué M. David Mehdi Hamam, Directeur de OSAA.
Bien gérés, ces deux phénomènes peuvent permettre à l'Afrique de profiter de son dividende démographique pour concrétiser la transformation structurelle qui consolidera son développement.
Dans le cas contraire, ils pourraient constituer un obstacle au développement économique. En effet, une urbanisation mal conçue peut être une source significative de pauvreté et d'inégalités. Elle pourrait entraîner une intensification de l'informel et de la marginalisation qui susciteraient à leur tour une hausse des conflits sociaux, voire constituer une menace pour la stabilité économique, sociale et environnementale des pays.
« Des jeunes éduqués mais exclus, mécontents peuvent fragiliser les sociétés », a prévenu M. Khabele Matlosa, Directeur des Affaires politiques à la Commission de l'Union Africaine. Pour prévenir cela, différents moyens ont été évoqués dont le développement d'emplois de qualité ou la mise en place de politiques d'investissement durable dans l'éducation, la santé ou la bonne gouvernance.
« L'histoire des pays industrialisés montre que l'urbanisation et l'industrialisation peuvent être deux grands moteurs de croissance économique. Les villes peuvent être des vecteurs de croissance économique et des outils de lutte contre la pauvreté et de renforcement de la cohésion sociale », a souligné M. Shava qui a vivement encouragé les gouvernements africains à continuer d'impliquer les jeunes dans l'élaboration du programme urbain du continent et faire de l'urbanisation durable une priorité.
« L'Afrique vit une transition à trois niveaux : urbain, démographique et économique », a indiqué M. Yatma Guèye, Directeur au cabinet du ministère sénégalais du Renouveau urbain, de l'Habitat et du Cadre de vie, qui a souligné les liens étroits entre jeunesse, urbanisation et croissance économique : « La ville n'est pas uniquement l'endroit où le développement se fait mais un moteur du développement ; et les jeunes en sont les mécaniciens » a-t-il ajouté.
« Il faudrait davantage d'études sur la manière dont les villes peuvent générer plus de richesses. Aujourd'hui, la ville africaine doit être verte, intelligente et avoir suffisamment d'attraits pour dissuader les jeunes de migrer à l'étranger », a indiqué M. Pierre Goudiaby Atepa, Président du Groupe Atépa.
Les villes pourraient investir dans des infrastructures et des activités à même d'interagir avec les jeunes et leur donner un sentiment d'appartenance, a proposé pour sa part M. David André, Maire de Victoria (Seychelles).
Pour sa part, Mme Takyiwaa Manuh, Directrice du développement social à la CEA a souligné que la dernière publication phare de la CEA, le Rapport Economique sur l'Afrique 2017 (« L'industrialisation et l'urbanisation au service de la transformation de l'Afrique ») souligne justement le rôle crucial de la jeunesse au niveau de la connexion entre urbanisation et industrie. Alors que l'Afrique évolue pour devenir plus inclusive et durable, nous devons transformer les villes et les jeunes en atouts pour le développement plutôt que les laisser devenir une source de risques, a-t-elle souligné.