La contribution de l’Afrique dans le marché mondial des hydrocarbures est très timide voir inexistante. La consommation du continent suit également la même tendance. Malgré cet état de fait, les projections faites sur le continent sont encourageantes.
« Existe-il un marché africain des hydrocarbure ? » La question s’impose vu l’état des lieux fait sur l’exploitation et les consommations pétrolières et gazières dans le continent. C’était au premier jour du Colloque pluridisciplinaire sur les enjeux de l’exploitation pétrolière et gazière en Afrique, ce vendredi 26 mai à Dakar. Cette rencontre de deux jours est une initiative du Comité National de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries (ITIE).
Se projetant dans la logique d’un marché africain des hydrocarbures, M. Francis Perrin, Président de Stratégies et politiques énergétiques souligne que le marché africain est assez faible avec une production qui avoisine les 4 millions de baril par jour, représentant 4% de la consommation mondiale.
La production africaine de pétrole représente 9% de la celle mondiale, soit 7% de la réserve globale.
Sur la même lancée, M. Perrin de faire remarquer que la production essentielle de l’Afrique en pétrole et gaz est exportée à l’exception d’une partie de la production exploitée par quelques gazoducs dont le West African Gas Pipeline, celui de l’Algérie, sans oublier celui du Maroc.
Pour l’essentiel, estime-t-il, « l’Afrique est directement liée au marché mondial mais pas à elle-même ».
Même son de cloche pour M. Philippe Copinschi, enseignant – chercheur à l’Institut des études politiques de Paris, Bruxelles.
Pour lui, les pays africains ne pèsent pas dans la production mondiale d’hydrocarbures malgré l’apport des trois grands producteurs du continent que sont l’Algérie, le Nigéria et l’Angola.
Et que les contraintes extérieures comme les récentes les baisses des cours du pétrole ont entrainé des conséquences néfastes sur l’économie des pays producteurs comme le Nigéria, l’Algérie et l’Angola.
De l’avis de M. Copinschi, le pétrole est à cheval sur les considérations géopolitiques et économiques. Pour lui, en Afrique le pétrole et le gaz sont principalement produits dans deux zones dont l’Afrique du Nord et le Golf de Guinée. Il y greffe une troisième zone en train d’émerger notamment en Afrique de l’Est. Sans oublier des découvertes faites dans des pays enclavés comme le Tchad, entre autres.
Des avantages comparatifs pour un avenir prometteur
En dépit de son poids marginal sur le commerce international, l’Afrique reste une terre d’élection pour les investissements relatifs aux ressources naturelles, notamment en matière d’hydrocarbures.
Le président du comité d’organisation du colloque, le Pr Ismaïla Madior Fall souligne que l’intérêt pour l’Afrique est d’autant plus grand que les turbulences de l’économie et de la géopolitique internationale la mettent au-devant de la scène.
Pour appuyer cette thèse, Philippe Copinschiestime que les chiffres sus cités sur la production et la consommation africaine sont trompeurs car le poids géopolitique du continent est plus important.
D’après lui, l’Afrique subsaharienne représente un quart à un tiers des activités des grandes compagnies pétrolières qui estiment que « l’Afrique est un marché extrêmement important compte tenu des découvertes ». Avant d’ajouter : « Sur les 10 plus grandes découvertes en 2013 dans le monde, les six sont d’Afrique ».
Une tendance démontrée dans un rapport de Price Waterhouse Cooper dans lequel il est mentionné que l’Afrique a eu la plus grande part (57%) dans les 20 premières découvertes mondiales en 2015 et 2016.
Pour M. Copinshi, les raisons de ce boom sont liées à l’avancée technologie, des législations fiscales favorables, l’ouverture aux investissements sub-sahariens.
Entre autres avantages de l’Afrique subsaharienne s’ajoutent l’absence de véritables nationalisation des compagnies internationales contrairement en Afrique du Nord et ailleurs. « Aujourd’hui, on est dans un système beaucoup plus concurrentiel ».
Le coup de pouce d’éléments extérieurs
Les tendances actuelles du marché international d’hydrocarbures semblent jouées à la faveur de l’Afrique notamment la structuration des prix du baril.
L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) qui fait le tiers de la production mondiale joue désormais un rôle marginalisé dans la fixation des prix.
Ce qui, selon M. Copinschi, présente le marché du pétrole sous l’angle d’une grande bassine ou l’offre avance dans une dynamique mondialisée. « On est dans une logique de marché. Le fait que le prix soit le même pour tous va assurer la sécurité des approvisionnements ».
Le rôle de gendarme que jouent les USA dans marché mondial avec une politique d’extension du marché, jouerait aussi en faveur du continent. Ils ont compris que si on laisse faire les compagnies, le marché ira beaucoup mieux.
En plus de ces atouts extérieurs, l’Afrique répond assez bien à cette demande d’où l’intérêt américain à ses pays producteurs.
Pour tirer profit de cet environnement favorable, les pays du continent sont appelés à davantage veiller à la sécurisation du marché pétrolier notamment les flux entre les zones de production et les zones d’approvisionnement.
Ce qui inquiète les stratèges américains, souligne le Pr Copinschi, est lié à la capacité africaine à contribuer au marché mondial pour parvenir à contrebalancer d’autres producteurs dans le monde.
Le raffinage, les ressources humaines, la cogestion…les voies du salut
Pour M. Francis Perrin, Président de Stratégies et politiques énergétique, de belles perspectives s’annoncent pour le continent avec sa forte croissance démographique, son urbanisation galopante…
Selon lui, l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) table une progression de 80% sur la production énergétique africaine sur la période 2012-2040.
Pour lui, parler de marché africain du pétrole ou du gaz n’aurait pas de sens par rapport à l’étendu du continent mais certainement des marchés africains des hydrocarbures.
Il signale que pour l’avenir du marché africain, il faut parler de raffinage tout en fustigeant la capité du continent dans ce sens, estimée à 3,9 millions par jour.
D’après lui, les pays africains doivent travailler à mettre en place des programmes massifs de subvention des prix pour intéresser les opérateurs privés.
Pour le gaz naturel, ajoute le Pr Perrain, son développement est lié à l’industrie.
A son avis, il faut investir dans le développement de l’offre d’énergie global. « Le développement de l’industrie hydrocarbure suppose la montée en puissance des compagnies africaines dans le secteur pétrolier et gazier ».
Ce qui, d’après lui, revient à la nécessité de disposer de ressources humaines de qualité dans ce secteur.
Le Président de Stratégies et politiques énergétique considère que la construction de nouvelle raffinerie en Afrique n’a de sens dans le cadre de la coopération internationale entre les pays africain.
Ce qui devra être endossée par une vision à long terme, une confiance entre les pays et les états, mais également une forte volonté politique dans la durée.